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Sortir du nucléaire n°43



Eté 2009

Analyse

Le déchet nucléaire qui fait déborder la poubelle… et l’exaspération

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°43 - Eté 2009

 Luttes et actions
Article publié le : 1er août 2009


Ils s’accumulent, les déchets du nucléaire. Mais trop, c’est trop, et “l’appel à candidature” pour un nouveau site destiné à des rebuts dits “FAVL” a eu de sérieux effets collatéraux. La prise de conscience monte d’un cran, les populations ne sont plus dupes, la jacquerie gronde.



Un cocktail invraisemblable

Il fut un temps où le grand public qui entendait parler de déchets radioactifs apprenait qu’ils étaient de “classe A”. Ensuite d’autres sont apparus, aux caractéristiques différentes, dits de “classes B et C”. Puis pouvoirs publics et industriels nucléaires ont changé leur fusil d’épaule. C’est que le quidam, depuis l’école devenue obligatoire, sait que la liste des lettres s’étire, longuement.

Finis donc les A, B, C, et autres consonnes et voyelles trop expressives. Place aux noms codés, opaques à souhait et bien en phase avec le “secret-défense” ambiant. Place aux FAVC, MAVC, MAVL, HAVL, ou encore TFA, FAVL (1). Ah les FAVL, quelle surprise, quelle histoire !

Le nucléaire soi-disant “propre” se trouve cruellement en manque de poubelles. Voici un an pile, l’État présentait l’affaire du siècle à 3115 municipalités (réparties sur 20 départements) : des emplois et de l’argent contre un malheureux bout de territoire pour y enfouir les déchets dits FAVL. En un mot : “une opportunité pour développer votre commune”, si l’on en croit la brochure envoyée aux maires par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

Sévère retour de bâton

Alléchante l’affaire, d’autant qu’elle se déroulait en catimini, loin des regards des populations concernées, les villageois eux-mêmes. Mais patatras ! Des associations luttant déjà contre les poubelles radioactives de Soulaines et Bure, de par de multiples liens tissés au fil des années, découvrirent le pot-aux-roses.

Branle-bas de combat, communiqués aux médias, alerte lancée dans les départements ciblés, mise en relation de tous, rédaction et diffusion de documents d’analyse, conférences publiques, etc. Tous s’y mirent, efficacement relayés et épaulés par le Réseau “Sortir du nucléaire”.
Et l’inattendu se produisit : quasi partout des villageois osaient s’exprimer, contestaient la démarche de leurs élus, organisaient des réunions d’information, faisaient circuler des pétitions, agrémentaient leurs façades de pancartes et banderoles suggestives, créaient des associations locales, lançaient de larges manifestations etc.

Cette démocratie directe, par et pour les populations locales, portait ses premiers fruits. Aucune municipalité ne donna suite aux sirènes de l’Andra dans les départements des Ardennes, de l’Aveyron, du Cher, de l’Eure, du Lot, du Nord, de l’Oise, du Pas-de-Calais, du Bas-Rhin, de la Seine-Maritime, de la Somme et du Tarn-et-Garonne. Ailleurs, nombre de conseils municipaux n’osèrent pas répondre favorablement à l’Andra tandis que d’autres encore sollicitèrent l’avis de leurs administrés.

Plus fort encore, grâce à la mobilisation citoyenne, s’il fallut une seconde délibération à Soulaines (Aube) pour confirmer son refus, d’autres municipalités révisèrent leur candidature par une délibération ultérieure qui enterrait le projet (Haute-Marne, Indre, Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges). Le cas le plus emblématique est à ce jour ce groupe de citoyens déterminés qui, dans le secteur du Perthois (Marne), ont réussi à faire revenir sur leur candidature les quatre communes de Blesme, Scrupt, Maurupt-le-Montois et Vanault-les-Dames.

Reste néanmoins, et en dépit de l’opposition souvent virulente des habitants, une trentaine de municipalités réparties sur les départements de l’Aube, de la Haute-Marne, de la Marne, de la Meuse et des Vosges, qui s’enferrent dans leur candidature. On retrouve là les régions de Champagne-Ardenne et de Lorraine.

Une contestation qui va en s’amplifiant

Tout le travail de fond mené depuis un an dans l’Est (aidé par les luttes antérieures de Soulaines et Bure), vient d’avoir de nouvelles répercussions. Publiquement, le conseil régional de Lorraine annonçait le 22 avril dernier : “Nous avons pris la décision en exécutif de demander au gouvernement de ne pas choisir la région Lorraine pour ce centre d’enfouissement de déchets radioactifs.” De son côté, le président de la région Champagne-Ardenne adressait le 6 mars un courrier au ministre Borloo pour le mettre en garde “sur les conséquences que pourrait avoir une décision malencontreuse de votre part [désignation d’une ou de plusieurs communes dans la région]”. En pleine effervescence également, le monde du champagne qui mène une campagne discrète mais puissante, poussé par la crainte d’une image négative (champagne = poubelles nucléaires) et de contrecoups économiques.

Du jamais vu au pays de Soulaines et Bure. Ceci dit, ne nous leurrons pas. Étranglés, étouffés par l’accumulation de leurs poisons radioactifs, l’industrie nucléaire et les pouvoirs publics n’auront de cesse d’escamoter cet énorme casse-tête par l’enfouissement : séduction, achat des consciences, déni de la démocratie, usage de la force et de l’intimidation, etc.

Conscientes des enjeux et du rapport de force, les associations créées dans les communes candidates aux déchets “FAVL” et dans celles opposées à Bure et Soulaines se sont rencontrées le 14 mars dernier. En un lieu symbole de la résistance, à Colombey-les-deux-Églises (Haute-Marne), 16 structures (Aube, Haute-Marne, Marne, Meuse, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Vosges) se sont engagées par une “charte de solidarité” à apporter leur appui aux communes qui seraient désignées par l’État. Quelques jours plus tard, le 23 mars, ce même groupe a adressé au président de la République une demande argumentée de “moratoire sur tous les projets d’enfouissement de déchets radioactifs”, restée sans réponse à ce jour, qui, sous forme de pétition, a d’ores et déjà recueilli plus de 15 000 signatures.

De son côté, l’association des élus de Meuse et de Haute-Marne opposés à Bure (AEMHM) s’est transformée en association des élus de Lorraine et de Champagne-Ardenne opposés aux déchets radioactifs (EODRA) pour élargir son champ d’action contre toutes les poubelles nucléaires de cette grande région. Enfin, tout récemment et malgré l’esprit d’indépendance qui anime les Gaulois que nous sommes restés, 11 associations ont décidé de franchir un nouveau pas. L’union faisant la force, voici sur les rails la “Fédération Grand Est STOP poubelle nucléaire”. Meilleure cohésion, multiplication des actions, visibilité accrue, efficacité augmentée ; tels sont les points essentiels qui animent les acteurs de ce nouvel outil.

C’est aujourd’hui que ça se joue !

L’annonce gouvernementale des deux ou trois communes retenues, imminente depuis… la mi-janvier, ne doit pas tromper (2). Si l’enfouissement des poisons nucléaires est tout sauf une solution, la désignation de l’une ou l’autre des communes en lice serait une aberration. En effet, chacun de ces sites recèle — en plus — des atouts incompatibles avec une telle folie : territoire AOC, parc naturel (effectif ou en projet), fort patrimoine historique, richesse en eaux souterraines…

Mais les populations locales et régionales ne sont pas les seules concernées. D’une part, des quantités considérables de matières radioactives sillonneraient les routes et les rails de la France entière, du fait des transports de déchets nucléaires ; d’autre part, la géologie démontre que la zone actuellement ciblée, la Champagne/Lorraine, a pour caractéristique de diffuser les contaminations souterraines vers le nord comme vers tout le Bassin parisien. Raisons supplémentaires pour tous les citoyens de donner un sérieux coup de main aux populations et associations sous la menace directe de ces dits “FAVL”.
COUP DE THÉATRE :
Suite au tollé suscité par cette annonce, le conseil municipal de Pars-les-Chavanges a finalement revoté CONTRE ce projet le samedi 4 juillet .

AGISSEZ :
Nous vous invitons à inciter la mairie d’Auxon à faire de même en téléphonant au 03 25 42 11 61 et/ou d’envoyer un mail à :
mairie.auxon@wanadoo.fr

Plus d’info :

www.burestop.org
www.villesurterre.com
www.dechets-nucleaires-ne-pas-enfouir.org

En téléchargement sur ce site :
Brochure “Voulez-vous vraiment vivre à côté d’une poubelle nucléaire ?”, 4 pages
Brochure “FAVL, un projet lourd de conséquences. Pesez le pour… et le contre !”, 12 pages.
Michel Marie

Animateur salarié du CEDRA
(Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs)
cedra.org@orange.fr

1. A = activité / C = courte / F = faible / H = haute / L = longue / M = moyenne / TF = très faible / V = vie
2. Le 24 juin 2009, le gouvernement a choisi les communes de Pars-les-Chavanges (10530) et d’Auxon (10130) situées en plein coeur de la Champagne pour l’implantation d’un centre de stockage de déchets radioactifs dits “FAVL”. La mobilisation pour s’opposer à ces projets est en cours (lire les infos sur les sites en bas de page).

Un cocktail invraisemblable

Il fut un temps où le grand public qui entendait parler de déchets radioactifs apprenait qu’ils étaient de “classe A”. Ensuite d’autres sont apparus, aux caractéristiques différentes, dits de “classes B et C”. Puis pouvoirs publics et industriels nucléaires ont changé leur fusil d’épaule. C’est que le quidam, depuis l’école devenue obligatoire, sait que la liste des lettres s’étire, longuement.

Finis donc les A, B, C, et autres consonnes et voyelles trop expressives. Place aux noms codés, opaques à souhait et bien en phase avec le “secret-défense” ambiant. Place aux FAVC, MAVC, MAVL, HAVL, ou encore TFA, FAVL (1). Ah les FAVL, quelle surprise, quelle histoire !

Le nucléaire soi-disant “propre” se trouve cruellement en manque de poubelles. Voici un an pile, l’État présentait l’affaire du siècle à 3115 municipalités (réparties sur 20 départements) : des emplois et de l’argent contre un malheureux bout de territoire pour y enfouir les déchets dits FAVL. En un mot : “une opportunité pour développer votre commune”, si l’on en croit la brochure envoyée aux maires par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

Sévère retour de bâton

Alléchante l’affaire, d’autant qu’elle se déroulait en catimini, loin des regards des populations concernées, les villageois eux-mêmes. Mais patatras ! Des associations luttant déjà contre les poubelles radioactives de Soulaines et Bure, de par de multiples liens tissés au fil des années, découvrirent le pot-aux-roses.

Branle-bas de combat, communiqués aux médias, alerte lancée dans les départements ciblés, mise en relation de tous, rédaction et diffusion de documents d’analyse, conférences publiques, etc. Tous s’y mirent, efficacement relayés et épaulés par le Réseau “Sortir du nucléaire”.
Et l’inattendu se produisit : quasi partout des villageois osaient s’exprimer, contestaient la démarche de leurs élus, organisaient des réunions d’information, faisaient circuler des pétitions, agrémentaient leurs façades de pancartes et banderoles suggestives, créaient des associations locales, lançaient de larges manifestations etc.

Cette démocratie directe, par et pour les populations locales, portait ses premiers fruits. Aucune municipalité ne donna suite aux sirènes de l’Andra dans les départements des Ardennes, de l’Aveyron, du Cher, de l’Eure, du Lot, du Nord, de l’Oise, du Pas-de-Calais, du Bas-Rhin, de la Seine-Maritime, de la Somme et du Tarn-et-Garonne. Ailleurs, nombre de conseils municipaux n’osèrent pas répondre favorablement à l’Andra tandis que d’autres encore sollicitèrent l’avis de leurs administrés.

Plus fort encore, grâce à la mobilisation citoyenne, s’il fallut une seconde délibération à Soulaines (Aube) pour confirmer son refus, d’autres municipalités révisèrent leur candidature par une délibération ultérieure qui enterrait le projet (Haute-Marne, Indre, Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges). Le cas le plus emblématique est à ce jour ce groupe de citoyens déterminés qui, dans le secteur du Perthois (Marne), ont réussi à faire revenir sur leur candidature les quatre communes de Blesme, Scrupt, Maurupt-le-Montois et Vanault-les-Dames.

Reste néanmoins, et en dépit de l’opposition souvent virulente des habitants, une trentaine de municipalités réparties sur les départements de l’Aube, de la Haute-Marne, de la Marne, de la Meuse et des Vosges, qui s’enferrent dans leur candidature. On retrouve là les régions de Champagne-Ardenne et de Lorraine.

Une contestation qui va en s’amplifiant

Tout le travail de fond mené depuis un an dans l’Est (aidé par les luttes antérieures de Soulaines et Bure), vient d’avoir de nouvelles répercussions. Publiquement, le conseil régional de Lorraine annonçait le 22 avril dernier : “Nous avons pris la décision en exécutif de demander au gouvernement de ne pas choisir la région Lorraine pour ce centre d’enfouissement de déchets radioactifs.” De son côté, le président de la région Champagne-Ardenne adressait le 6 mars un courrier au ministre Borloo pour le mettre en garde “sur les conséquences que pourrait avoir une décision malencontreuse de votre part [désignation d’une ou de plusieurs communes dans la région]”. En pleine effervescence également, le monde du champagne qui mène une campagne discrète mais puissante, poussé par la crainte d’une image négative (champagne = poubelles nucléaires) et de contrecoups économiques.

Du jamais vu au pays de Soulaines et Bure. Ceci dit, ne nous leurrons pas. Étranglés, étouffés par l’accumulation de leurs poisons radioactifs, l’industrie nucléaire et les pouvoirs publics n’auront de cesse d’escamoter cet énorme casse-tête par l’enfouissement : séduction, achat des consciences, déni de la démocratie, usage de la force et de l’intimidation, etc.

Conscientes des enjeux et du rapport de force, les associations créées dans les communes candidates aux déchets “FAVL” et dans celles opposées à Bure et Soulaines se sont rencontrées le 14 mars dernier. En un lieu symbole de la résistance, à Colombey-les-deux-Églises (Haute-Marne), 16 structures (Aube, Haute-Marne, Marne, Meuse, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Vosges) se sont engagées par une “charte de solidarité” à apporter leur appui aux communes qui seraient désignées par l’État. Quelques jours plus tard, le 23 mars, ce même groupe a adressé au président de la République une demande argumentée de “moratoire sur tous les projets d’enfouissement de déchets radioactifs”, restée sans réponse à ce jour, qui, sous forme de pétition, a d’ores et déjà recueilli plus de 15 000 signatures.

De son côté, l’association des élus de Meuse et de Haute-Marne opposés à Bure (AEMHM) s’est transformée en association des élus de Lorraine et de Champagne-Ardenne opposés aux déchets radioactifs (EODRA) pour élargir son champ d’action contre toutes les poubelles nucléaires de cette grande région. Enfin, tout récemment et malgré l’esprit d’indépendance qui anime les Gaulois que nous sommes restés, 11 associations ont décidé de franchir un nouveau pas. L’union faisant la force, voici sur les rails la “Fédération Grand Est STOP poubelle nucléaire”. Meilleure cohésion, multiplication des actions, visibilité accrue, efficacité augmentée ; tels sont les points essentiels qui animent les acteurs de ce nouvel outil.

C’est aujourd’hui que ça se joue !

L’annonce gouvernementale des deux ou trois communes retenues, imminente depuis… la mi-janvier, ne doit pas tromper (2). Si l’enfouissement des poisons nucléaires est tout sauf une solution, la désignation de l’une ou l’autre des communes en lice serait une aberration. En effet, chacun de ces sites recèle — en plus — des atouts incompatibles avec une telle folie : territoire AOC, parc naturel (effectif ou en projet), fort patrimoine historique, richesse en eaux souterraines…

Mais les populations locales et régionales ne sont pas les seules concernées. D’une part, des quantités considérables de matières radioactives sillonneraient les routes et les rails de la France entière, du fait des transports de déchets nucléaires ; d’autre part, la géologie démontre que la zone actuellement ciblée, la Champagne/Lorraine, a pour caractéristique de diffuser les contaminations souterraines vers le nord comme vers tout le Bassin parisien. Raisons supplémentaires pour tous les citoyens de donner un sérieux coup de main aux populations et associations sous la menace directe de ces dits “FAVL”.
COUP DE THÉATRE :
Suite au tollé suscité par cette annonce, le conseil municipal de Pars-les-Chavanges a finalement revoté CONTRE ce projet le samedi 4 juillet .

AGISSEZ :
Nous vous invitons à inciter la mairie d’Auxon à faire de même en téléphonant au 03 25 42 11 61 et/ou d’envoyer un mail à :
mairie.auxon@wanadoo.fr

Plus d’info :

www.burestop.org
www.villesurterre.com
www.dechets-nucleaires-ne-pas-enfouir.org

En téléchargement sur ce site :
Brochure “Voulez-vous vraiment vivre à côté d’une poubelle nucléaire ?”, 4 pages
Brochure “FAVL, un projet lourd de conséquences. Pesez le pour… et le contre !”, 12 pages.
Michel Marie

Animateur salarié du CEDRA
(Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs)
cedra.org@orange.fr

1. A = activité / C = courte / F = faible / H = haute / L = longue / M = moyenne / TF = très faible / V = vie
2. Le 24 juin 2009, le gouvernement a choisi les communes de Pars-les-Chavanges (10530) et d’Auxon (10130) situées en plein coeur de la Champagne pour l’implantation d’un centre de stockage de déchets radioactifs dits “FAVL”. La mobilisation pour s’opposer à ces projets est en cours (lire les infos sur les sites en bas de page).



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