En bref
La sortie du nucléaire marque des points !
EPR de Flamanville : condamné par un défaut de fabrication ?
L’Autorité de Sûreté Nucléaire a révélé le 7 avril dernier la découverte de défauts de fabrication de la cuve du réacteur EPR de Flamanville. Ce sont le couvercle et le fond de la cuve, forgées dans l’usine Areva du Creusot, qui sont en cause. Les réacteurs EPR de Taishan 1 et 2 (Chine) pourraient être aussi concernés, mais pas l’EPR d’Olkiluoto (Finlande), dont les éléments de cuve ont été forgés par un autre fournisseur.
Effectivement...
Une concentration de carbone trop importante a été constatée dans une zone de 1,20 m de diamètre sur un couvercle et un fond de cuve "témoins" similaires à ceux de l’EPR de Flamanville. Ce phénomène est classique en métallurgie, et rien n’explique pour l’instant qu’il n’ait pas été anticipé correctement par Areva. Il affecte inévitablement la résistance mécanique de l’acier des cuves. Selon Yves Marignac, directeur du cabinet WISE- Paris, il est "en théorie possible" que la cuve défec- tueuse puisse obtenir, par le biais d’une "démonstra- tion de sûreté alternative", la certification de l’ASN. Cependant, il ajoute que "la nature et la taille des défauts constatés rendent la construction de cette démonstration, si elle est possible, très difficile." Espérons qu’Areva ne parviendra pas à "construire" une telle entourloupe, sans laquelle la résolution du problème est un énorme défi. Selon WISE, si le couvercle de cuve pourrait sans difficulté majeure être remplacé, "concernant le fond de cuve, il apparaît très improbable de trouver une solution en séparant le fond du corps de la cuve pour le réparer ou le remplacer séparément, ou de le réparer in situ. Toute solution de répara- tion ou de remplacement conduirait ainsi presque certainement à devoir évacuer le corps de la cuve. Une telle opération serait sans précédent et génére- rait des défis techniques très difficiles, compte tenu de l’état d’avancement de la construction et de l’absence d’espace dans le bâtiment réacteur." Pour WISE, toute solution entraînerait "de fortes incer- titudes et des coûts très élevés" et soulèverait "d’im- portantes questions de rentabilité". "L’évaluation économique des scénarios correspondants pourrait conclure que l’abandon du projet est moins coûteux que la réparation ou le remplacement". Sources : WISE-Paris, ASN
France 100 % renouvelable : le rapport que l’État voulait cacher
Magnifique ratage du lobby nucléaire. La suppression subreptice, début avril, de la présentation du rapport final de l’ADEME (Agence nationale de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) sur le thème "Vers un mix électrique 100 % renouvelable en 2050" lors d’un colloque qui avait lieu les 14-15 avril, n’est pas passée inaperçue. Au contraire, cette tentative grossière d’enterrement en première classe d’un rapport gênant pour le lobby nucléaire a généré une couverture médiatique inattendue. Et dès le 8 avril, Médiapart rendait publique l’intégralité du rapport, que vous pouvez également retrouver sur notre site web. Comme l’écrit Benjamin Dessus, économiste et président de l’association Global Chance, lui-même auteur d’un scénario de sortie du nucléaire en 20 ans, "à la lecture du scénario [de l’ADEME], on comprend bien pourquoi les services du ministère de l’Écologie et de l’Énergie ont tout fait pour qu’il reste le plus longtemps possible dans un tiroir.
Lobby nucléaire, État et ministère de l’Écologie auraient voulu garder ce rapport de l’ADEME au fond d’un tiroir. C’est loupé.
Si l’ADEME, appuyée d’un centre d’études du propre sérail du Corps des Mines (Armines Persée), se met à justifier en détail ce genre de scénario, la menace devient sérieuse. L’ADEME démontre en effet, chiffres à l’appui, que l’idée d’un système électrique totalement renouvelable à l’horizon 2050 est non seulement techniquement, mais aussi économiquement crédible : des coûts d’électricité de 11,5 à 12 centimes d’euro par kWh (contre 9,1 centimes actuellement) qui risquent fort de se révéler inférieurs à ceux associés à une poursuite de la politique nucléaire actuelle." Selon Médiapart, l’ADEME identifie "plusieurs mix possibles 100 % renouvelable, permettant de répondre à la demande sans défaillance, c’est-à- dire en satisfaisant la consommation à tout moment du jour et de la nuit. Dans leur cas de référence, la production se décompose entre 63 % d’éolien, 17 % de solaire, 13 % d’hydraulique et 7 % de thermique renouvelable (incluant la géothermie)."
Les auteurs de l’étude de l’ADEME estiment "le coût de l’énergie à 119 euros par MWh, dans un système 100% renouvelables. Un montant à mettre en regard du coût actuel de l’électricité, à 91 €/MWh. Surtout, ils le comparent à ce qu’il serait avec moins de renouvelables, et donc plus de nucléaire. Et là, surprise : avec 40 % seulement de renouvelables en 2050 (et donc potentiellement 50 % de nucléaire [ce qui est la promesse de campagne de François Hollande]), ce coût est évalué à 117€/MWh, soit quasiment le même niveau. Il serait légèrement inférieur avec 80% de renouvelables (113€/MWh) et un peu supérieur avec 95% (116€/MWh)." Rappelons que le coût prévisionnel de l’électricité produite par les EPR de Hinkley Point en Grande- Bretagne est déjà de 112 €, et que le coût de l’EPR de Flamanville, à supposer qu’il entre un jour en fonc- tion, va encore exploser du fait des défauts de fabrication de sa cuve récemment révélés.
Source : Médiapart
Coût de l’électricité : le nucléaire n’est plus rentable
Selon la Cour des Comptes, le prix de revient de l’électricité du nucléaire existant était proche de 60 € le mégawattheure (MWh) en 2013. EDF devait alors vendre un quart de son électricité nucléaire aux fournisseurs d’électricité à 42 €, donc à perte, et ce prix pourrait être porté à 44 € en 2015. Nos réacteurs, après leur grand carénage, fourniront une électricité évaluée à 133€. Pour les réacteurs EPR envisagés à Hinkley Point en Grande-Bretagne, le prix de vente garanti par l’État britannique était de 112 € lors de la conclusion du contrat en 2013, et il sera de 155 € en 2023, date de l’éventuelle mise en service... si leur construction se réalise. Selon l’ADEME, le coût moyen de l’éolien terrestre en France est de 70€ / MWh, en Allemagne il est d’environ 45 et 105 € selon la productivité des sites et les organismes d’évaluation, et en 2013 au Brésil il est tombé à 36 € dans un appel d’offres multi-énergies. Concernant le photovoltaïque, fin 2014, en France, le prix le plus bas des appels d’offres a été de 105€/MWh, à Dubaï il a été de 48€ et, en Allemagne, les prix vont d’environ 80 à 140 € selon la productivité des sites et les organismes d’évaluation. En 2013, en France, le prix de gros de l’électricité (prix "spot") était de 43,2€/MWh, alors qu’en Allemagne il était de 37,8€, favorisant ainsi son industrie, donc son économie. L’Uniden (Union des industries [grosses] utilisatrices d’énergie) dans un communiqué d’octobre 2014 souligne que notre électricité de gros est environ 40 % plus chère qu’en Allemagne et que le différentiel de prix avec la France atteindrait 14€/MWh en 2015 et 17 €/MWh en 2016. C’est clair, les prix de l’électricité éolienne et photovoltaïque, et aussi les prix de gros, sont la plupart du temps meilleur marché que celui du nucléaire, et ils le seront de plus en plus, aussi le nucléaire n’a plus aucun avenir. Les énergies renouvelables seront de moins en moins chères, car leur développement massif entraîne une baisse des coûts, comme on l’observe continuellement. Elles sont compétitives sur la durée, car elles ne nécessitent pas l’achat de combustibles, dont les prix sont liés aux fluctua- tions du marché, et aux taxes qui pèseront de plus en plus sur les fossiles carbonés. Le secteur des renouvelables devient si peu risqué sur le long terme, que les coûts de financement ont diminué de moitié depuis 2008.
Jean-Louis Gaby
Sources : ADEME, Agora Energiewende, Cour des Comptes, Fraunhofer Institute, Le Monde, RTE, etc.
Même en Chine, l’éolien produit désormais plus que le nucléaire
Japon : arrêt définitif de cinq réacteurs supplémentaires
Ça y est c’est officiel : en plus des six réacteurs de la centrale accidentée de Fukushima-Daiichi, et des quatre réacteurs non officiellement fermés, mais situés en zone d’exclusion du fait de la contamination radioactive, de la centrale voisine de Fukushima-Daini, cinq nouveaux réacteurs vont fermer définitivement, sur demande de leurs exploitants respectifs : Les réacteurs n°1 et 2 de Mihama, le réacteur n°1 de Tsuruga, le réacteur n°1 de Genkaï et le réacteur n°1 de Shimané. Ces réacteurs sont vieux, et les investissements nécessaires pour respecter les prescriptions de sûreté post-Fukushima de la NRA, l’autorité de sûreté nucléaire japonaise, mineraient leur rentabilité. Voilà qui porte à 15 (sur un parc de 54 réacteurs avant Fukushima) le nombre de réacteurs nucléaires japonais définitivement à l’arrêt, annulant une puissance cumulée de 10,9 GW, soit une réduction de 22,9 % de la capacité électronucléaire nippone. Dans le même temps, le juge qui avait déjà empêché le redémarrage de la centrale d’Ohi, vient de rendre un jugement contre le projet de KEPCO de redémarrer les deux réacteurs de sa centrale de Takahama. KEPCO a déclaré faire appel de ce verdict.
Sources : worldnuclearreport.org, ACRO, Bloomberg
Bulgarie : probable abandon du projet de réacteur à Kozloduy
Le 1er avril, le Premier ministre bulgare Boyko Borissov a annoncé que son gouvernement ne pou- vait pas entériner les conditions financières de l’ac- cord que le gouvernement précédent a passé préci- pitamment avec le constructeur de centrales nucléaires Westinghouse. Il s’agissait d’un accord en vue de la construction d’un réacteur AP-1000 sur le site de Kozloduy, qui comporte déjà deux réacteurs russes VVER-1000 et quatre réacteurs arrêtés VVER-400. Le projet d’y construire deux réacteurs supplémentaires remonte... aux années 1980, et n’est pas prêt d’aboutir. Le gouvernement bulgare propose maintenant à Westinghouse d’investir à hauteur de 49 % dans le projet, sans quoi il serait dans l’incapacité de le financer, et d’y rester durablement actionnaire. L’accord désormais caduc, lui, prévoyait que Westinghouse investirait seulement à hauteur de 30 % des coûts de construction puis revendrait sa part à l’entreprise d’État bulgare KNPP exploitant la centrale de Kozloduy, lorsque le nouveau réacteur serait connecté au réseau. Westinghouse a déclaré le 2 avril continuer les discussions avec le gouvernement bulgare. La veille, Borissov expliquait aux parlementaires ne pas par- venir, malgré trois jours de discussion, à rédiger un communiqué de presse commun avec l’industriel...
Sources : sofiaglobe.com, WNN, AFP, Westinghouse
Pologne : le programme nucléaire prend au moins deux ans de retard
Reuters rapporte que le projet de construire la première centrale nucléaire de Pologne va prendre au minimum deux ans de retard, après que l’entre- prise publique PGE a décidé fin 2014 d’annuler le contrat qui la liait avec l’entreprise australienne WorleyParsons.
PGE reproche à WP de ne pas avoir mené les recherches géologiques nécessaires pour confirmer le choix du site d’implantation de la centrale. Or, la zone pressentie présente des biotopes rares et 60 espèces d’oiseaux protégées ; les recherches géologiques imposeraient de procéder à des forages, qui risquent de percer les couches d’argile imperméable qui retiennent près de la surface une nappe phréatique indispensable à la vie de ces biotopes. En d’autres termes, les recherches géologiques préliminaires risqueraient d’assécher totale- ment la zone... Greenpeace a porté plainte en justice, ce qui a empêché WP de mener ces travaux. PGE, qui manque d’expertise en la matière, veut maintenant assurer elle-même ces recherches... sans doute en contournant les règles en la matière (étude d’impact et enquête publique associant la population en vertu de la convention d’Aarhus).
L’équivalent polonais de la Cour des Comptes a estimé dans un récent rapport qu’il y avait de forts risques de retards supplémentaires, et que la centrale pourrait in fine ne pas sortir de terre. Wladyslaw Mielczarski, professeur à l’Institut d’Ingénierie Électrique de l’université technique de Lodz, interrogé par Reuters, a déclaré ne pas s’attendre à ce que le projet soit ouvertement annulé, mais qu’on le laisserait probablement s’enliser indéfiniment, ajoutant que "le programme nucléaire était le projet de l’ancien Premier ministre Donald Tusk. À présent il n’y a plus personne pour le mener à bien."
Sources : Reuters, Greenpeace
La Hague et le "contrat taïwanais" : les déboires du retraitement
L’usine Areva de La Hague de "retraitement" des combustibles nucléaire usés n’a plus aucun autre client qu’EDF, qui est forcée pour des raisons politiques de maintenir ses contrats de retraitement avec Areva et d’utiliser dans certains réacteurs du combustible MOX incorporant du plutonium issu du retraitement.
En Grande-Bretagne, où EDF est propriétaire de tous les réacteurs nucléaires, sauf un, sans être soumise aux mêmes pressions étatiques, l’électricien a refusé de renouveler ses contrats de retraitement. Selon l’IPFM (International Panel on Fissile Materials), faute de client étranger, la Grande- Bretagne n’aura donc d’autre choix que d’arrêter totalement ses activités de retraitement vers 2020. De ce côté-ci de la Manche, Areva comptait beaucoup sur un gros contrat de retraitement des combustibles usés qui engorgent les piscines de quatre réacteurs nucléaires taïwanais, piscines dont la saturation menace de contraindre à l’arrêt de ces réacteurs en 2015 et 2017 ! Taïwan avait justement lancé un appel d’offres le 17 février pour le retraitement de ces milliers d’assemblages combustibles actuellement stockés en piscines. Mais patatras ! Comme l’expose le Journal de l’Énergie, "Deux jours après que 45 000 personnes ont manifesté à Taïwan contre l’envoi de combustible nucléaire à l’étranger pour être retraité, la commis- sion des affaires économiques du Parlement taïwanais a décidé le 16 mars la suspension de l’appel d’offres jusqu’à ce que l’Assemblée approuve le budget d’environ 330 millions d’euros qui était dévolu au retraitement." Le Journal de l’Énergie poursuit : "Des législateurs de tous bords politiques ont accusé l’opérateur public de l’électricité de Taïwan (Taipower) et le ministre de l’Économie d’avoir lancé l’appel d’offres sans les avoir consultés et d’utiliser abusivement des fonds dédiés à la gestion définitive des déchets nucléaires de l’île. Selon Huang Chao-shun, un parlementaire du parti au pouvoir (KMT), Taipower aurait dû organiser des auditions publiques sur le projet de retraitement au vu des vingt années sur lesquelles s’étendrait le contrat et de son coût estimé à environ 50 millions d’euros pour la seule première année. Si l’ensemble du combustible usé de Taïwan était retraité au prix du contrat actuel, cela coûterait environ cinq milliards d’euros à Taipower selon Chen Ming-wen, un parlementaire du principal parti d’opposition (DPP)."
Sources : Le Journal de l’Énergie (journaldelenergie.com), IPFM (fissilematerials.org)