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Sortir du nucléaire n°35



Juin-juillet 2007

Action

La bataille de Fougères

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°35 - Juin-juillet 2007

 Luttes et actions
Article publié le : 1er juin 2007


Le réveil sonne à 2h15 ce mardi matin. Une journée plus tard que prévu, afin de profiter d’une météo clémente et d’une meilleure préparation. A 3 heures piles, les militants du GANVA montent dans les véhicules. Direction le pylône 98 de Romagné près de Fougères.



Après 45 minutes de route, une équipe grimpe pour “sécuriser” le pylône et l’autre décharge les vivres, le camion chargé du bois arrivera au bout de cinq minutes, comme prévu.
La pleine lune est dans 3 jours et le ciel dégagé éclaire l’herbage. Toute lumière est interdite attention à ne pas claquer les portières car la nuit les bruits portent loin. Quand une voiture passe, nous plongeons dans l’herbe et ceux dans le pylône collent à la structure.
Une brouette permet d’acheminer rapidement les sacs de nourriture surdimensionnés et les 100 litres d’eau, tandis que deux par deux, nous emmenons les bastaings de 6 mètres au pied du pylône.
Après de nombreuses norias, les voitures et le camion s’en repartent dans l’obscurité.
Les sacs s’élèvent rapidement et sont stockés dans des “big bags” supportant 500 kilos. La poulie ne cesse de tourner pour hisser les bastaings pendant que les planches sont montées silencieusement à la main au premier niveau intermédiaire : à 4 mètres de haut, le matériel est hors d’atteinte.
Il est 5h, l’aube pointe à l’horizon et seule reste l’équipe d’occupation, les autres s’en vont commencer leur journée de travail.
Nous faisons une courte pause ; un peu d’eau, très peu de mots, chacun sait ce qu’il a à faire. Quand les voitures passent, maintenant plus nombreuses, nous nous figeons pour ne pas attirer l’attention.
Il faut de nouveau reprendre tout le matériel pour l’élever au niveau définitif à vingt mètres.
L’équipe de sécurisation passe la première, pose une double ligne de vie et arrime solidement la poulie. Nous devons orienter les bastaings à plusieurs reprises, les lever de biais, décoincer la poulie, manœuvrer dans les charpentes métalliques tout en faisant attention à ne pas tomber, même si nous sommes solidement assurés, le tout dans une demi-pénombre.
L’opération devient vraiment compliquée et très physique. Nous sommes fatigués. Nous rappelons X avec le talky walky pour qu’il vienne nous aider en tirant les madriers du sol sinon nous risquons de ne pas pouvoir y arriver. Son aide nous sera particulièrement précieuse.
Nous nous organisons et la manœuvre s’allège. L’angoisse s’estompe et notre action ressemble à un chantier classique. Le soleil se profile sur la campagne nimbée de brume. Nous continuons de travailler quand passent les voitures et les bus scolaires.
Plus rien ne peut arrêter notre action pour aujourd’hui…

Les médias arrivent

Vers 09h40 arrive les RG (Renseignements Généraux) : ils ont appris la nouvelle sur France bleue… Suivront les gendarmes, les journalistes et les militants locaux qui vont mettre en place le comité de soutien. La journée passe tranquillement, la “mezzanine” prend forme, quelques tentes s’installent, les casses-croûtes et le jus de pommes bio arrivent, un périmètre est délimité dans le champ avec l’accord du propriétaire. Une trentaine de sympathisants viennent partager la soirée et soutenir l’action.
Mercredi. Les visiteurs sont plus nombreux et de nouvelles tentes arrivent, ce qui ne plait guère aux gendarmes qui assurent une garde 24h/24. Ils apprécieront malgré tout la communication non violente, notre coopération et seront épatés par notre sérieux.
Vers 18h l’huissier qui avait constaté les faits, revient escorté des lignards de RTE (Réseau de Transport d’Electricité) : ils comptent grimper pour aller communiquer avec les occupants. C’est justement ce qu’il faut éviter. Pour compliquer la procédure, une vingtaine de personnes divisées en 4 groupes entourent chaque pied du pylône pour condamner l’accès pendant que “la France d’en haut” grimpe dans la structure pour mettre la pression. “Chaque fois que vous monterez d’un étage, nous monterons d’un étage” lance Olivier. La tension monte. Finalement maître Durand “qui ne veux pas avoir de morts sur la conscience ni risquer sa vie” abandonne. Nous avons eu peur mais la victoire est belle et les locaux se mettent à la désobéissance civile : aucun n’a failli !
Nous craignons maintenant une intervention plus musclée et le soutien s’organise. Le lendemain, à 6h du matin une cinquantaine de personnes sont présentes pour prévenir tout usage de la force publique.
Notre huissier revient à 12h et raffermis par les événements de la veille, nous lui interdisons désormais l’accès au champ. Il attendra un haut parleur pour nous signifier sous une pluie battante et sous les cris des militants, l’ordonnance du tribunal, de façon inaudible et depuis un autre champ.

15000 euros par jour et par personne !

Cependant l’astreinte de 15000 ? par jour et par personne peut être recevable et ne voulant prendre aucun risque, nous décidons de tout démonter proprement le vendredi matin, après une dernière nuit sous les crépitements de la ligne ! Vers 7h et après une interview pour Europe 1, l’équipe du chantier se met au travail. Nos amis doivent descendre pour 12h30, sous les applaudissements bretons ou mayennais et sont sollicités par les journalistes : le moment idéal pour un coup d’éclat. En effet, alors que chacun discute de l’impact de l’événement, une nouvelle occupation du GANVA est annoncée a 8km de là ! La surprise est totale : les forces de l’ordre, dépitées, nos amis bretons galvanisés, les journalistes ravis !

La deuxième occupation sera plus mouvementée, car nous engagions un rapport de force avec les gendarmes dans le but de remonter un plancher. Celle-ci finira le soir-même suite à une astreinte de 3000 ? par heure et par occupant.
Le samedi, un hélicoptère surveille la ligne : nous sommes pris au sérieux. La veille, le GANVA avait annoncé de nouvelles opérations. L’après-midi, une manifestation décidée 4 jours plus tôt traversera Fougères avec 350 personnes, mais finalement aucune action nouvelle ne sera lancée : il vaut mieux en garder pour la prochaine fois !

Nos objectifs ont été atteints :
- Demander l’abrogation du décret de l’EPR,
- Amener les candidats locaux à se positionner clairement sur les questions de l’EPR et des THT,
- Relancer la mobilisation régionale et créer une organisation du type des faucheurs, spécialisée sur les questions du nucléaire : le GANVA (Groupe d’Actions Non-Violentes Antinucléaires).

RTE a déclaré des dépenses de 600 000 ? par jour pour prévenir une coupure de la ligne.
Les occupants des 2 pylônes auront été simplement auditionnés à la gendarmerie de Fougères avec grande courtoisie et amabilité. Ils auront à comparaître au TGI de Rennes dans les mois à venir.
Une semaine après ces événements, Michel, un agriculteur ayant transporté le bois au pied du deuxième pylône aura droit, sans accompagnement militant ni couverture médiatique au même traitement…

A ce jour, il manque encore un peu plus de 1000 € pour rembourser les frais de cette action.

Merci de votre soutien !

Chèques à adresser aux amis du GANVA
chez Francois Levalet
rue Bourbillon 14123 Fleury sur Orne

Après 45 minutes de route, une équipe grimpe pour “sécuriser” le pylône et l’autre décharge les vivres, le camion chargé du bois arrivera au bout de cinq minutes, comme prévu.
La pleine lune est dans 3 jours et le ciel dégagé éclaire l’herbage. Toute lumière est interdite attention à ne pas claquer les portières car la nuit les bruits portent loin. Quand une voiture passe, nous plongeons dans l’herbe et ceux dans le pylône collent à la structure.
Une brouette permet d’acheminer rapidement les sacs de nourriture surdimensionnés et les 100 litres d’eau, tandis que deux par deux, nous emmenons les bastaings de 6 mètres au pied du pylône.
Après de nombreuses norias, les voitures et le camion s’en repartent dans l’obscurité.
Les sacs s’élèvent rapidement et sont stockés dans des “big bags” supportant 500 kilos. La poulie ne cesse de tourner pour hisser les bastaings pendant que les planches sont montées silencieusement à la main au premier niveau intermédiaire : à 4 mètres de haut, le matériel est hors d’atteinte.
Il est 5h, l’aube pointe à l’horizon et seule reste l’équipe d’occupation, les autres s’en vont commencer leur journée de travail.
Nous faisons une courte pause ; un peu d’eau, très peu de mots, chacun sait ce qu’il a à faire. Quand les voitures passent, maintenant plus nombreuses, nous nous figeons pour ne pas attirer l’attention.
Il faut de nouveau reprendre tout le matériel pour l’élever au niveau définitif à vingt mètres.
L’équipe de sécurisation passe la première, pose une double ligne de vie et arrime solidement la poulie. Nous devons orienter les bastaings à plusieurs reprises, les lever de biais, décoincer la poulie, manœuvrer dans les charpentes métalliques tout en faisant attention à ne pas tomber, même si nous sommes solidement assurés, le tout dans une demi-pénombre.
L’opération devient vraiment compliquée et très physique. Nous sommes fatigués. Nous rappelons X avec le talky walky pour qu’il vienne nous aider en tirant les madriers du sol sinon nous risquons de ne pas pouvoir y arriver. Son aide nous sera particulièrement précieuse.
Nous nous organisons et la manœuvre s’allège. L’angoisse s’estompe et notre action ressemble à un chantier classique. Le soleil se profile sur la campagne nimbée de brume. Nous continuons de travailler quand passent les voitures et les bus scolaires.
Plus rien ne peut arrêter notre action pour aujourd’hui…

Les médias arrivent

Vers 09h40 arrive les RG (Renseignements Généraux) : ils ont appris la nouvelle sur France bleue… Suivront les gendarmes, les journalistes et les militants locaux qui vont mettre en place le comité de soutien. La journée passe tranquillement, la “mezzanine” prend forme, quelques tentes s’installent, les casses-croûtes et le jus de pommes bio arrivent, un périmètre est délimité dans le champ avec l’accord du propriétaire. Une trentaine de sympathisants viennent partager la soirée et soutenir l’action.
Mercredi. Les visiteurs sont plus nombreux et de nouvelles tentes arrivent, ce qui ne plait guère aux gendarmes qui assurent une garde 24h/24. Ils apprécieront malgré tout la communication non violente, notre coopération et seront épatés par notre sérieux.
Vers 18h l’huissier qui avait constaté les faits, revient escorté des lignards de RTE (Réseau de Transport d’Electricité) : ils comptent grimper pour aller communiquer avec les occupants. C’est justement ce qu’il faut éviter. Pour compliquer la procédure, une vingtaine de personnes divisées en 4 groupes entourent chaque pied du pylône pour condamner l’accès pendant que “la France d’en haut” grimpe dans la structure pour mettre la pression. “Chaque fois que vous monterez d’un étage, nous monterons d’un étage” lance Olivier. La tension monte. Finalement maître Durand “qui ne veux pas avoir de morts sur la conscience ni risquer sa vie” abandonne. Nous avons eu peur mais la victoire est belle et les locaux se mettent à la désobéissance civile : aucun n’a failli !
Nous craignons maintenant une intervention plus musclée et le soutien s’organise. Le lendemain, à 6h du matin une cinquantaine de personnes sont présentes pour prévenir tout usage de la force publique.
Notre huissier revient à 12h et raffermis par les événements de la veille, nous lui interdisons désormais l’accès au champ. Il attendra un haut parleur pour nous signifier sous une pluie battante et sous les cris des militants, l’ordonnance du tribunal, de façon inaudible et depuis un autre champ.

15000 euros par jour et par personne !

Cependant l’astreinte de 15000 ? par jour et par personne peut être recevable et ne voulant prendre aucun risque, nous décidons de tout démonter proprement le vendredi matin, après une dernière nuit sous les crépitements de la ligne ! Vers 7h et après une interview pour Europe 1, l’équipe du chantier se met au travail. Nos amis doivent descendre pour 12h30, sous les applaudissements bretons ou mayennais et sont sollicités par les journalistes : le moment idéal pour un coup d’éclat. En effet, alors que chacun discute de l’impact de l’événement, une nouvelle occupation du GANVA est annoncée a 8km de là ! La surprise est totale : les forces de l’ordre, dépitées, nos amis bretons galvanisés, les journalistes ravis !

La deuxième occupation sera plus mouvementée, car nous engagions un rapport de force avec les gendarmes dans le but de remonter un plancher. Celle-ci finira le soir-même suite à une astreinte de 3000 ? par heure et par occupant.
Le samedi, un hélicoptère surveille la ligne : nous sommes pris au sérieux. La veille, le GANVA avait annoncé de nouvelles opérations. L’après-midi, une manifestation décidée 4 jours plus tôt traversera Fougères avec 350 personnes, mais finalement aucune action nouvelle ne sera lancée : il vaut mieux en garder pour la prochaine fois !

Nos objectifs ont été atteints :
- Demander l’abrogation du décret de l’EPR,
- Amener les candidats locaux à se positionner clairement sur les questions de l’EPR et des THT,
- Relancer la mobilisation régionale et créer une organisation du type des faucheurs, spécialisée sur les questions du nucléaire : le GANVA (Groupe d’Actions Non-Violentes Antinucléaires).

RTE a déclaré des dépenses de 600 000 ? par jour pour prévenir une coupure de la ligne.
Les occupants des 2 pylônes auront été simplement auditionnés à la gendarmerie de Fougères avec grande courtoisie et amabilité. Ils auront à comparaître au TGI de Rennes dans les mois à venir.
Une semaine après ces événements, Michel, un agriculteur ayant transporté le bois au pied du deuxième pylône aura droit, sans accompagnement militant ni couverture médiatique au même traitement…

A ce jour, il manque encore un peu plus de 1000 € pour rembourser les frais de cette action.

Merci de votre soutien !

Chèques à adresser aux amis du GANVA
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