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Sortir du nucléaire n°101



Printemps 2024
Crédit photo : Jonathan Kemper - unsplash

Agir

Jardiner dans les ruines - Quels potagers dans un monde toxique ?

Bertille Darragon est animatrice en botanique et pratique le jardinage et le maraîchage en moyenne montagne. En avril est sorti son premier essai, « Jardiner dans les ruines », dans lequel elle expose les assauts du monde industriel sur nos jardins, et explique comment les différentes pollutions affectent nos plantes légumières. Nous reproduisons ci-dessous de courts extraits de son chapitre dédié à l’impact du nucléaire, aussi bien civil que militaire, sur nos potagers.

Culture antinucléaire Risque nucléaire Fukushima Nucléaire et santé Littérature

Juste après un accident ou une explosion nucléaire, des particules radioactives présentes dans l’atmosphère se déposent sur les végétaux, puis une partie, notamment l’iode 131, pénètre à l’intérieur.

En 1966, il ne faisait pas bon être jardinier·e à Mangareva : on y a détecté une radioactivité 11 millions de fois supérieure à la normale dans l’eau de pluie. Trois mois avant, avait eu le premier des 46 essais atmosphériques menés par la France en Polynésie française. Nom de l’opération : Aldébaran.

M — Ah, cette poésie nucléaire consistant à donner aux instruments de mort de magnifiques noms d’étoiles !

B — J’ai retrouvé dans un article la déclaration en 2016 du président de la principale association de vétérans : « Il y a encore cette attente-là que l’État français pose un genou à terre, et demande sincèrement, humblement, pardon aux Polynésiens ».

M — Et tu parles, c’était trop demander ! Alors ça m’a fait bien plaisir quand deux ans plus tard Oscar Temaru a annoncé qu’une plainte avait été déposée contre la France devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité. Il n’a pas mâché ses mots, en parlant de « colonialisme nucléaire »,

B — Et tu as vu, en mai 2019, le Parlement a enfin reconnu les conséquences sanitaires des essais ? C’est la moindre des choses !

M — Et encore faut-il que des mesures de réparation s’ensuivent…

Quatre jours après l’explosion d’Aldébaran, les niveaux de radiations mesurés sur des laitues en Polynésie étaient 666 fois supérieurs à la normale.

En effet, en cas de pollution nucléaire atmosphérique, les radionucléides se déposent d’abord sur les parties aériennes des plantes. Dans les forêts de conifères de Fukushima, la canopée a ainsi capté environ 90 % des dépôts [1].

[...]

Ensuite, les radionucléides pénètrent dans les feuilles et sont transportés vers les graines, les fruits et les racines. Faible pour le plutonium, ce transfert est très fort pour l’iode 131 et le césium 137, et significatif pour le strontium 90. Une recherche a eu lieu sur des espèces cultivées (blé, radis, pomme de terre, haricots verts) pour d’autres radionucléides dont les effets étaient moins connus. Il s’est avéré que […] le transfert de tous ces éléments radioactifs vers l’intérieur de la plante étant rapide, en tout cas chez les herbacées, un simple lavage avant consommation est inutile.

Avec un trempage pendant 30 minutes puis une cuisson dans l’eau bouillante pendant le même temps, la moitié des radionucléides partent dans l’eau… mais c’est aussi le cas pour les autres nutriments [2].

Les populations affectées par les pollutions nucléaires en sont donc réduites à consommer des aliments qui en plus d’être contaminés, ont une qualité nutritionnelle fortement dégradée.

Retrouvez Jardiner dans les ruines - Quels potagers dans un monde toxique ? en librairie.


Notes

[1Comment gérer les milieux forestiers après un accident nucléaire ? Les leçons tirées suite aux accidents de Tchernobyl et de Fukushima, IRSN, mars 2016, https://www.irsn.fr/sites/default/files/documents/connaissances/installations_nucleaires/les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2016/IRSN_Fukushima-Tchernobyl_foret_201603.pdf

[2FUKUSHIMA DAIICHI, Impacts sur la France, Corinne CASTANIER, CRIIRAD, https://www.criirad.org/wp-content/uploads/2017/08/fukushima_france_aliments.pdf

Juste après un accident ou une explosion nucléaire, des particules radioactives présentes dans l’atmosphère se déposent sur les végétaux, puis une partie, notamment l’iode 131, pénètre à l’intérieur.

En 1966, il ne faisait pas bon être jardinier·e à Mangareva : on y a détecté une radioactivité 11 millions de fois supérieure à la normale dans l’eau de pluie. Trois mois avant, avait eu le premier des 46 essais atmosphériques menés par la France en Polynésie française. Nom de l’opération : Aldébaran.

M — Ah, cette poésie nucléaire consistant à donner aux instruments de mort de magnifiques noms d’étoiles !

B — J’ai retrouvé dans un article la déclaration en 2016 du président de la principale association de vétérans : « Il y a encore cette attente-là que l’État français pose un genou à terre, et demande sincèrement, humblement, pardon aux Polynésiens ».

M — Et tu parles, c’était trop demander ! Alors ça m’a fait bien plaisir quand deux ans plus tard Oscar Temaru a annoncé qu’une plainte avait été déposée contre la France devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité. Il n’a pas mâché ses mots, en parlant de « colonialisme nucléaire »,

B — Et tu as vu, en mai 2019, le Parlement a enfin reconnu les conséquences sanitaires des essais ? C’est la moindre des choses !

M — Et encore faut-il que des mesures de réparation s’ensuivent…

Quatre jours après l’explosion d’Aldébaran, les niveaux de radiations mesurés sur des laitues en Polynésie étaient 666 fois supérieurs à la normale.

En effet, en cas de pollution nucléaire atmosphérique, les radionucléides se déposent d’abord sur les parties aériennes des plantes. Dans les forêts de conifères de Fukushima, la canopée a ainsi capté environ 90 % des dépôts [1].

[...]

Ensuite, les radionucléides pénètrent dans les feuilles et sont transportés vers les graines, les fruits et les racines. Faible pour le plutonium, ce transfert est très fort pour l’iode 131 et le césium 137, et significatif pour le strontium 90. Une recherche a eu lieu sur des espèces cultivées (blé, radis, pomme de terre, haricots verts) pour d’autres radionucléides dont les effets étaient moins connus. Il s’est avéré que […] le transfert de tous ces éléments radioactifs vers l’intérieur de la plante étant rapide, en tout cas chez les herbacées, un simple lavage avant consommation est inutile.

Avec un trempage pendant 30 minutes puis une cuisson dans l’eau bouillante pendant le même temps, la moitié des radionucléides partent dans l’eau… mais c’est aussi le cas pour les autres nutriments [2].

Les populations affectées par les pollutions nucléaires en sont donc réduites à consommer des aliments qui en plus d’être contaminés, ont une qualité nutritionnelle fortement dégradée.

Retrouvez Jardiner dans les ruines - Quels potagers dans un monde toxique ? en librairie.



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