1er juillet 2024
EDF a lui-même mis à mal un des équipements de la centrale du Tricastin (Auvergne-Rhône-Alpes) par une intervention sur un tableau électrique. Non seulement les essais de bon fonctionnement faits suite à cette intervention n’ont pas détecté le problème, mais qui plus est l’électricien nucléaire a mis 3 jours à le détecter.
Crédit photo : André Paris
Les centrales nucléaires produisent de l’électricité mais elles en consomment aussi. Les systèmes de commande doivent en permanence être alimentés pour pouvoir fonctionner. Sans électricité, plus de circulation de l’eau, plus de refroidissement, plus d’éclairage en salle de commande, plus de contrôle de la réaction nucléaire, etc. C’est pourquoi les réacteurs sont dotés de plusieurs sources électriques, dont des groupes électrogènes. En cas de coupure de courant, ils peuvent prendre le relai et fournir de l’électricité aux circuits les plus essentiels du réacteur.
C’est un de ces groupes électrogènes qu’EDF a rendu inopérant. Alors que le réacteur 3 du Tricastin fonctionnait. Une intervention a été faite sur un tableau électrique, mais manifestement pas correctement, puisqu’elle a eu pour conséquence de mettre hors-service la climatisation du local dans lequel est le groupe électrogène. Or, dès qu’il fait un peu chaud (plus de 22°C), la climatisation doit être en service, sinon le groupe électrogène surchauffe. En cas de surchauffe, il ne peut plus fonctionner, et donc ne peut plus fournir de l’électricité au réacteur.
Des essais ont bien été faits suite à l’intervention sur le tableau tableau électriques, mais ils n’ont pas détecté le problème et ont été validés par EDF. Pour l’industriel, son groupe électrogène était opérationnel, apte à fonctionner. Or la température extérieure s’est mise à grimper. Le 21 juin, la climatisation du local aurait dû se mettre en marche. Mais en raison du problème sur le tableau électrique, elle ne s’est pas déclenchée. EDF ne s’en rendra compte que plusieurs jours après.
L’exploitant nucléaire a donc cumulé les erreurs : erreur de maintenance, erreur de vérifications, erreur de surveillance de son groupe électrogène, équipement dont la pleine disponibilité était obligatoire. Des dysfonctionnements à tous les niveaux, qui donnent de quoi douter très sérieusement des compétences d’EDF en tant qu’exploitant nucléaire, de sa capacité à gérer son installation comme il se doit. D’autant que cet incident est loin d’être isolé (voir à droite de cet article les derniers incidents survenus sur le site EDF Tricastin).
Pour l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le très long délai de détection reste encore à expliquer. Et le gendarme du nucléaire pointe clairement la responsabilité d’EDF : l’industriel a lui-même dégradé le nombre de sources électriques de secours du réacteur. Ce faisant, il a donc amoindri les précautions prises pour réduire le risque d’accident. Les faits, survenus entre le 20 et le 24 juin 2024, ont été déclarés comme significatifs pour la sûreté le 27 juin.
L.B.
Détection tardive de l’indisponibilité d’un groupe électrogène de secours du réacteur 3
Publié le 01/07/2024
Centrale nucléaire du Tricastin Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 27 juin 2024, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’un groupe électrogène de secours du réacteur 3 de la centrale nucléaire du Tricastin.
Chaque réacteur est équipé de deux lignes extérieures d’alimentation électrique en provenance du réseau électrique national, de deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel permettant de pallier la défaillance du réseau électrique et enfin, d’un groupe électrogène d’ultime secours installé à la suite de l’accident de Fukushima. Les deux groupes électrogènes de secours peuvent assurer, chacun individuellement, l’alimentation électrique de l’ensemble des matériels nécessaires au maintien du réacteur dans un état sûr.
Le 20 juin 2024, le réacteur 3 de la centrale nucléaire du Tricastin était en production. A l’issue d’une activité de maintenance sur un groupe électrogène de secours, une alarme signalant un défaut sur le système de climatisation du local électrique associé à ce groupe électrogène a été relevée.
En cas de température extérieure supérieure à 22 °C, ce qui a été le cas à partir du 21 juin à 10h, le bon fonctionnement du groupe électrogène concerné n’était plus garanti. Dans cette situation, les spécifications techniques d’exploitation (STE) demandent à ce que la disponibilité du groupe électrogène soit rétablie sous trois jours. Pour des raisons qui sont en cours d’investigation, ce défaut n’a été traité par l’exploitant que le 24 juin, à 12h30, conduisant au dépassement du délai prévu par les STE.
Cet incident n’a pas eu de conséquence sur l’installation ou les personnes. Néanmoins, il a conduit à dégrader temporairement le nombre de sources électriques internes disponibles pour faire face à une situation de perte des alimentations électriques externes du site, pendant une durée supérieure à celle prévue par les STE.
En raison de l’indisponibilité de matériels requis, pendant une durée supérieure à celle prévue par les STE, l’événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.
Déclaration d’un événement significatif sûreté niveau 1 relatif à l’indisponibilité de la fonction climatisation d’un des deux groupes diesels de secours
Publié le 02/07/2024
Une centrale nucléaire dispose de cinq sources d’alimentation électrique internes et externes, une seule est suffisante pour garantir le fonctionnement des matériels de sûreté. Ainsi chaque réacteur est équipé de deux puissants groupes électrogènes à moteur diesel, appelés « diesels de secours ». Ces deux groupes assurent de façon redondante l’alimentation électrique des systèmes de sûreté en cas de défaillance des autres alimentations électriques.
Un groupe de secours (GUS) et un diesel d’ultime secours (DUS) complètent ce dispositif.
Chaque diesel de secours est situé dans un local équipé d’une climatisation permettant de réguler la température et garantir le bon fonctionnement du matériel. Si la température extérieure est supérieure à 22°C, les spécifications techniques d’exploitation* exigent qu’en cas d’indisponibilité du système de climatisation, la réparation soit réalisée dans les trois jours.
Le 17 juin 2024, les équipes réalisent une opération de maintenance au niveau du tableau électrique d’un des deux diesels de secours de l’unité de production n°3, en fonctionnement.
Le 20 juin, les travaux de maintenance sont soldés et les équipes réalisent les essais de requalification du diesel de secours. Le 21 juin, les essais de fonctionnement sont satisfaisants. A ce moment-là, la température extérieure a dépassé les 22°C.
Le 24 juin, les équipes détectent un défaut, signalé uniquement en local, sur le coffret d’alimentation électrique de la climatisation. Les techniciens interviennent alors sur le coffret électrique et remettent en fonctionnement le système de climatisation.
L’analyse montre que le défaut sur la climatisation du local est présent depuis la requalification du groupe diesel. A posteriori, considérant la température extérieure supérieure à 22°C depuis le 21 juin 10 h, l’indisponibilité du système de climatisation du local où est situé le diesel de secours a duré plus de 3 jours. Cette indisponibilité a diminué la fiabilité d’un des deux diesels de secours mais d’autres sources électriques complémentaires étaient disponibles et opérationnelles.
Cet évènement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations. Toutefois, en raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation, la direction de la centrale du Tricastin l’a déclaré, le 27 juin 2024, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) comme évènement significatif sûreté au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.
*Dans une centrale nucléaire, un cadre de règles à respecter prescrit notamment les délais maximums de réparation et les conduites à tenir en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.