Faire un don

Des accidents nucléaires partout

France : Saint-Laurent : Les travaux ratés de la piscine à combustible

Un système anti-vidange installé il y a 8 mois ne marchait qu’à moitié : les contrôles sont-ils suffisants et réguliers ?




8 juillet 2024


Le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent (Centre - Val de Loire) a passé sa 4ème visite décennale en 2023 et a redémarré en 2024. Mais les modifications des installations censées réduire les risques d’accidents n’ont pas toutes été faites correctement. Comme par exemple sur le système de refroidissement du combustible usé. Un dispositif mis en place en octobre 2023 pour éviter la vidange de la piscine de refroidissement ne marchait pas, il manquait un câble pour commander la fermeture d’une vanne. Un raté qu’EDF n’a identifié que plusieurs mois après, ce qui questionne la qualité et la suffisance des vérifications et des essais effectués.


Crédit photo : André Paris

Une fois usé, le combustible nucléaire reste très chaud. Pour évacuer cette chaleur, il doit être refroidi en permanence. Il est donc entreposé sous l’eau, immergé dans une piscine, plusieurs années avant de pouvoir être envoyé dans les usines normandes de La Hague pour y être traité (en extraire l’uranium appauvri, le plutonium qui a été créé et les produits résultant de la fission des atomes qui sont des déchets radioactifs hautement dangereux). Le refroidissement du combustible usé est - tout comme le refroidissement du cœur d’un réacteur nucléaire - un enjeu majeur. Sil a chaleur n’est plus évacuée, le combustible peut fondre et provoquer des explosions radioactives.

Pour renforcer le refroidissement du combustible usé, un système anti-vidange des piscines est progressivement installé sur les réacteurs de 900 MWe, à l’occasion de leurs arrêts pour 4ème visite décennale. Ce système est censé fonctionner automatiquement, lorsqu’une baisse du niveau d’eau de la piscine est détectée. Il permet de fermer une vanne pour éviter que l’eau ne soit aspirée hors de la piscine. Comme tous les circuits les plus importants, ce système de protection est redondant, c’est à dire qu’il est doublé. Il existe 2 voies électriques pour le commander, indépendantes l’une de l’autre. Le principe est d’avoir une voie de secours en cas de problème avec la voie utilisée.

En cotobre 2023, le système de traitement et de réfrigération (circuit PTR) de la piscine de combustible usé du réacteur 2 de Saint-Laurent a été équipé du dispositif de protection automatique contre les vidanges. Du combustible neuf a été mis dans la cuve du réacteur et du combustible fraîchement usé et venu rejoindre le combustible usé plus ancien dans la piscine de refroidissement. Le réacteur a redémarré début 2024. Mais ce n’est que fin juin que EDF se rendra compte qu’une des voies qui commande le dispositif anti-vidange ne fonctionne pas. Et pour une bonne raison : il manquait un câble d’alimentation électrique. En somme la modification du circuit PTR n’avait pas été menée à terme.

Si la qualité de la maintenance faite durant la 4ème visite décennale pose manifestement problème, celle des contrôles techniques effectués après les travaux et celle des vérifications préalables au redémarrage laissent aussi à désirer. Il aura fallu plus de 8 mois à EDF pour découvrir que son système de protection automatique ne marchait pas. En tout cas, pas en utilisant la voie d’alimentation A. Sur la B, le câble de commande avait bien été installé. Durant ce laps de temps, du combustible usé a été manipulé. Or les règles imposent que le circuit PTR soit pleinement opérationnel lors de ces opérations. Si ce n’est pas le cas, les manutentions de combustible doivent être stoppées et EDF doit réparer dans le mois qui suit. Règle qu’EDF n’a pas pu respecter, puisqu’il s’est aperçu du dysfonctionnement plusieurs mois après.

Ce qui soulève une autre question que la qualité de l’intervention et des contrôles effectués durant la visite décennale et avant le redémarrage du réacteur. La question de l’exploitation courante du réacteur nucléaire. Soit EDF n’a pas vérifié la pleine disponibilité de ses équipements avant de manipuler le combustible entreposé en piscine, soit les essais n’ont pas été faits correctement puisqu’ils n’ont pas détecté que la commande de la vanne par la voie A ne marchait pas. Ce sont donc non seulement les modifications faites durant l’arrêt pour visite décennale du réacteur et leurs contrôles qui ont manqué de qualité et de rigueur, mais aussi les opérations courantes d’exploitation réalisées depuis. À quoi sert d’installer des systèmes de protection si on ne vérifie pas qu’il marchent correctement ? À quoi sert de contrôler les équipements si on le fait trop tard, ou si les tests ne mettent pas à jour les dysfonctionnements ?

Ni EDF ni l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ne donnent d’explication sur le pourquoi et le comment de cet incident. Mais il paraît clair que les interventions et les opérations sont faites un peu trop à la va-vite, que leur préparation n’est pas toujours suffisante et leur vérifications pas toujours efficaces. Qu’il s’agisse des phases de grands travaux ou des phases d’exploitation de l’installation. Un manque de rigueur et de qualité institué et généralisé.

L.B.

Ce que dit EDF :

Indisponibilité d’un automatisme de fermeture de la vanne d’isolement du circuit de refroidissement d’une piscine d’entreposage du combustible

Publié le 08/07/2024

Le jeudi 27 juin 2024, l’unité de production n°2 est en fonctionnement. Un essai périodique met en évidence qu’un des deux systèmes de fermeture automatique de la vanne d’isolement du circuit de refroidissement lié à un niveau d’eau borée insuffisant dans la piscine d’entreposage du combustible ne fonctionne pas.

L’expertise menée montre l’absence d’un câble dans la partie contrôle-commande de l’installation permettant la fermeture automatique de cette vanne. Ce câble devait initialement être installé dans le cadre d’un chantier de modification de l’installation réalisé en octobre 2023.

Le samedi 29 juin 2024, la réparation de cet automatisme de commande est effectuée et les essais de requalification sont conformes.

Cet événement n’a eu aucun impact réel sur la sûreté de l’installation, en effet, l’automatisme de fermeture de la vanne n’a pas été sollicité depuis octobre 2023 et le second système de fermeture automatique de la vanne, redondant, est resté en permanence disponible.

Toutefois la détection tardive de cette indisponibilité a conduit la centrale de Saint-Laurent a déclaré cet événement comme événement significatif de sûreté au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 8, le 4 juillet 2024 à l’Autorité de sûreté nucléaire.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-saint-laurent/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-saint-laurent/indisponibilite-dun-automatisme-de-fermeture-de-la-vanne-disolement-du-circuit-de-refroidissement-dune-piscine-dentreposage-du-combustible


Ce que dit l’ASN :

Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux concernant l’indisponibilité partielle d’un système de protection de la piscine d’entreposage du combustible

Publié le 10/07/2024

Centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 5 juillet 2024, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux en cas d’indisponibilité partielle d’un automatisme du système de traitement et réfrigération (PTR) de la piscine d’entreposage du combustible.

Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées. Elles prescrivent notamment des conduites à tenir et des délais d’intervention en cas d’indisponibilité fortuite de matériels, en fonction de leur importance pour le maintien en état sûr du réacteur.

La piscine d’entreposage du combustible permet d’entreposer les assemblages de combustible neufs avant leur chargement dans le cœur du réacteur et les assemblages de combustible usés dans l’attente de leur évacuation. Le refroidissement de cette piscine est nécessaire pour évacuer la puissance résiduelle des assemblages de combustible usés. Ce refroidissement est assuré par le système de traitement et de réfrigération (PTR).

Le système PTR est constitué de deux voies comportant chacune une pompe et un échangeur thermique. Depuis le 10 octobre 2023, il est également équipé, sur le réacteur 2 ayant passé sa 4ème visite décennale, d’un automatisme de protection permettant d’éviter la vidange de la piscine, en cas de détection d’une baisse du niveau, en isolant sa ligne d’aspiration. Cet automatisme est commandé par deux voies électriques redondantes.

EDF a terminé le rechargement en combustible le 23 septembre 2023 et le réacteur a retrouvé sa puissance nominale le 13 février 2024.

Le 27 juin 2024, un essai périodique de l’automatisme d’isolement de la ligne d’aspiration du circuit PTR dans la piscine d’entreposage du combustible du réacteur 2 a été réalisé alors que ce dernier était en production. Cet essai a révélé l’indisponibilité de la voie A de commande de cet automatisme. Les investigations menées par l’exploitant ont montré que cette indisponibilité datait de la mise en place de l’automatisme en octobre 2023 et que des manutentions de combustible avaient été réalisées depuis.

Dans ces conditions, les RGE, qui prévoient l’arrêt des manutentions de combustible sous une heure puis la réparation sous un mois lorsque le réacteur est en puissance, n’ont donc pas été respectées a posteriori.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement.

Toutefois, en raison de sa détection tardive, cet événement qui a affecté la fonction de sûreté refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Le 29 juin 2024, l’exploitant a finalisé les travaux permettant de retrouver la disponibilité de la voie A commandant l’automatique d’isolement de la ligne d’aspiration du circuit PTR sur niveau très bas de la piscine d’entreposage du réacteur 2.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/indisponibilite-partielle-d-un-systeme-de-protection-de-la-piscine-d-entreposage-du-combustible


La surveillance des installations nucléaires au quotidien ? C’est grâce à vos dons que nous pouvons la mener !
Pour surveiller au jour le jour les incidents dans les installations nucléaires, les décrypter et dénoncer les risques permanents qui sont trop souvent minimisés - voire cachés par les exploitants, nous mobilisons tout au long de l’année des moyens humains et techniques.
Pour continuer ce travail de lanceur d’alerte et donner, au plus proche de leur survenue, des informations sur les inquiétants dysfonctionnements d’un parc nucléaire vieillissant, nous avons besoin de votre soutien financier !

Faire un don



Installation(s) concernée(s)

Saint-Laurent

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
64