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Des accidents nucléaires partout

France : Saint-Laurent : Les contrôles ratés d’EDF

Le refroidissement du réacteur 1 mis à mal par des erreurs de diagnostic




16 novembre 2022


À la centrale nucléaire de St-Laurent (Centre - Val de Loire), lors de l’arrêt du réacteur 1 à la fin de l’été 2022, EDF a tout fait bien comme il faut. Sauf ses contrôles d’équipements pour vérifier leur bon fonctionnement. Le réacteur changeait de mode : son refroidissement devait passer par un circuit spécifique (le circuit ASG) et non plus par le circuit principal (le circuit primaire). EDF a effectivement vérifié que tous les matériels sollicités par ce changement d’état étaient aptes à fonctionner. Mais en faisant ces vérifications, l’industriel est passé à côté des problèmes que présentait une pompe du circuit ASG. Des problèmes qu’EDF ne détaille pas mais qui étaient pourtant suffisamment avancés pour empêcher la pompe de faire circuler l’eau dans cette partie du circuit de refroidissement.


On ne sait pas bien comment il est possible qu’un exploitant nucléaire loupe ses contrôles de bon fonctionnement des équipements. Surtout quand c’est juste avant de s’en servir. Ces vérifications sont censées être codifiées par une procédure à suivre, et soumises à un contrôle technique une fois qu’elles ont été réalisées. Non seulement EDF s’est trompé de diagnostic matériel, déclarant la pompe comme parfaitement fonctionnelle, mais qui plus est EDF n’a pas détecté son erreur. Ce n’est qu’une fois en service que le constat a été fait. Une fois que le réacteur avait besoin de ce circuit de refroidissement.

Aucun impact, aucune conséquence dira EDF, le circuit ASG est redondant : il est doublé, constitué de 2 lignes de tuyauteries indépendantes. Si la voie classique ne fonctionne pas, il reste la voie de secours. Sauf que si EDF fait des erreurs de diagnostic sur ses équipements, qu’est-ce qui garantit que la voie de secours n’avait pas elle aussi une avarie ?

Par son manque de rigueur dans la réalisation de vérification d’équipements importants, par son manque de qualité au niveau technique, l’industriel a mis en péril le refroidissement d’un réacteur nucléaire. Sans sembler voire la gravité de ses actes, les faits ont été déclarés par EDF au plus bas niveau de l’échelle de gravité des incidents nucléaires [1] . Mais l’Autorité de sûreté nucléaire a fait en sorte qu’il soit remonté d’un cran : les procédures n’ont pas été appliquées, démontrant un défaut de culture de sûreté. Ce qui déjà en soi est une enfreinte aux règles : l’exploitation d’un réacteur nucléaire doit suivre à la lettre les consignes élaborées sur la base des études de sûreté [2] . Mais qui plus, EDF a passé outre ces consigneset n’a pas réagit à une alarme en salle de commandes alors même que les changements d’état sont des phases particulièrement critiques dans le pilotage d’un réacteur. Raison de plus pour que son exploitant soit particulièrement attentif et vigilant. Alors pourquoi ce contrôle raté sur la pompe ASG ? Pourquoi l’erreur de diagnostic n’a pas été détectée avant ? Pourquoi au sein des équipes personnes n’a signalé que les procédures n’étaient pas correctement appliquées ? Pourquoi une alarme en salle de commandes des jours durant reste sans effet ? Manque de moyen humain, manque de connaissances, manque de communication, manque de temps... Quelles que soient les raisons profondes de cet incident, EDF, en prenant à la légère les règles d’exploitation de son réacteur nucléaire, a mis à mal son refroidissement, un des piliers de la sûreté. Et a ainsi décuplé le risque majeur inhérent à toute installation nucléaire, celui d’un accident grave. Comment piloter un réacteur sans savoir ce qui marche ou pas, sans être sûr de ses équipements, sans pouvoir avoir une totale confiance dans ses diagnostic systèmes ?

Ce que dit EDF :

Reclassement d’un événement significatif sûreté relatif à l’indisponibilité d’une pompe du circuit d’alimentation de secours du réacteur n°1

Publié le 16/11/2022

Du 19 août au 26 septembre 2022, l’unité de production n°1 est à l’arrêt pour maintenance programmée et rechargement d’une partie du combustible du réacteur. Lors d’un changement d’état du réacteur, les équipes s’assurent que tous les matériels requis sont disponibles. Le 11 septembre 2022, des vérifications sont réalisées pour passer le réacteur de l’état « arrêt pour intervention avec le circuit primaire suffisamment ouvert » à « arrêt pour maintenance avec le circuit primaire entrouvert ». Une turbopompe du circuit ASG [3] est déclarée disponible alors qu’elle ne l’est pas. Dès détection, la pompe est remise en conformité.

Il n’y a pas eu de conséquences réelles sur la sûreté : les deux motopompes de ce circuit et les alimentations électriques requises sont restées à tout moment disponibles.

En raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation, la direction de centrale nucléaire de Saint-Laurent a déclaré un événement significatif pour la sûreté au niveau 0 de l’échelle INES en septembre 2022. L’analyse approfondie de l’événement a montré la non application de certaines procédures d’exploitation. Cette situation a conduit la direction de la centrale à reclasser le 14 novembre 2022 cet événement au niveau 1 de l’échelle INES.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-saint-laurent/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-saint-laurent/reclassement-dun-evenement-significatif-surete-relatif-a-lindisponibilite-dune-pompe-du-circuit-dalimentation-de-secours-du-reacteur-ndeg1


Ce que dit l’ASN :

Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 1

Publié le 28/11/2022

Centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 15 septembre 2022, l’exploitant de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 1 concernant l’indisponibilité partielle du circuit d’alimentation de secours en eau des générateurs de vapeur (ASG) lors d’un changement d’état du réacteur.

Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Les RGE interdisent le changement d’état d’un réacteur dès lors qu’un matériel requis dans l’état à atteindre n’est pas disponible.

Le circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG) fournit à ces derniers, en cas d’indisponibilité de l’alimentation principale, l’eau nécessaire au refroidissement du réacteur. Il est également utilisé lors des phases de mise à l’arrêt et de démarrage du réacteur. Le circuit ASG comprend deux voies redondantes (voies A et B). Il comporte deux motopompes alimentées électriquement et, en redondance, une turbopompe entraînée par une turbine à vapeur.

Le 10 septembre 2022, alors que le réacteur était en phase d’arrêt pour maintenance, la turbopompe du système ASG, non requise à cette date, a par erreur été considérée comme disponible. Entre le 10 et le 12 septembre 2022, l’exploitant n’a pas détecté cette erreur malgré la présence d’une alarme en salle de commande. Le 12 septembre 2022, à 2h15, l’exploitant a effectué un changement d’état du réacteur pour rejoindre l’état « arrêt pour intervention avec le circuit primaire entrouvert (API EO) », configuration dans laquelle la turbopompe du système ASG est requise par les RGE.

L’indisponibilité de la turbopompe du système ASG a été détectée le même jour à 16h50.

L’exploitant a donc effectué un changement d’état du réacteur sans détecter qu’un matériel requis dans l’état de réacteur à atteindre n’était pas disponible, alors que l’information était disponible en salle de commande depuis plusieurs jours.

Dès la détection de l’écart, l’exploitant a pris des dispositions pour rendre la turbopompe du système ASG disponible.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, après analyse approfondie et à la suite des interrogations de l’ASN concernant notamment le défaut de culture de sûreté, cet évènement a été reclassé par EDF au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-de-la-conduite-a-tenir-prevue-par-les-regles-generales-d-exploitation-du-reacteur-16


[1INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES

[2La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire

[3Le circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG) est utilisé en cas de défaillance de l’alimentation normale en eau afin d’assurer le refroidissement du réacteur. Il est également utilisé lors des phases de démarrage et de mise à l’arrêt du réacteur. Le circuit ASG comprend deux voies redondantes (voies A et B). Il comporte deux motopompes alimentées électriquement et, en redondance, une turbopompe entraînée par une turbine à vapeur.


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Installation(s) concernée(s)

Saint-Laurent

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