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Des accidents nucléaires partout

France : Saint-Laurent : Le combustible nucléaire n’était plus refroidi

Erreurs d’EDF, gravité sous-estimée et série d’incidents




2 août 2021


Le combustible du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent (Centre-Val de Loire) est depuis début juillet 2021 immergé dans une piscine de refroidissement. Mais le 16 juillet, la température de l’eau de cette piscine commence à monter. Le combustible réchauffait l’eau qui n’était plus refroidie.


Le combustible nucléaire, qu’il soit dans la cuve du réacteur ou déchargé dans une piscine, doit toujours être refroidi. C’est ce refroidissement qui permet d’évacuer la puissance résiduelle, la très forte chaleur dégagée par le combustible en raison de sa radioactivité. Sans ce refroidissement permanent, c’est l’explosion assurée. Le refroidissement du combustible est donc une fonction essentielle pour un minimum de sûreté dans une installation nucléaire. Surveiller la température et le niveau d’eau de la piscine où est entreposé ce combustible est essentiel, car il est si chaud qu’il réchauffe l’eau au point de la faire bouillir et elle finirait donc par s’évaporer si elle n’est pas refroidie. Pour refroidir le combustible, il faut donc refroidir l’eau dans laquelle il baigne.

C’est justement ce système de refroidissement de l’eau de la piscine de combustible qui a été mis hors-service par les équipes EDF à Saint-Laurent. Alors que tout le combustible du réacteur 1 y était entreposé, ainsi que du combustible usé. Par erreur évidemment. Le circuit RRI [1] , qui permet de refroidir entre autres le système de refroidissement de la piscine de combustible, a été fermé. Sans ce refroidissement intermédiaire, plus de refroidissement du circuit PTR  [2] . Et en effet, l’eau a rapidement commencée à chauffer. Les assemblages de combustible n’étaient plus refroidis.

On ne sait pas précisément combien de temps le combustible est resté sans refroidissement. Ni jusqu’à quelle température l’eau est montée avant que les équipes d’EDF ne se rendent compte du problème. Ce genre de précision ne fait pas partie des éléments communiqués, ni par EDF ni par les autorités de contrôle. On nous précise en revanche qu’EDF, une fois le problème découvert, a remis en route le refroidissement de la piscine de combustible dans l’heure. Bravo ! Doit-on applaudir l’industriel qui s’est montré réactif dans la résolution du problème qu’il a lui-même créé ?

Car s’il a vite identifié d’où venait le problème - les vannes fermées du circuit RRI - rien n’est dit quant à l’origine de ce problème. Problème n’aurait même pas dû advenir si les équipes connaissaient correctement les circuits de l’installation et les lignages nécessaires pour les mettre dans les configurations adaptées. En d’autres termes si leur employeur leur donnait les moyens nécessaires. Comment se fait-il que les vannes du circuit de refroidissement intermédiaire, qui vient lui-même refroidir de nombreux autres circuits et matériels, aient été fermées alors qu’elles devaient rester ouvertes ? Comment se fait-il que personne n’ait vérifié suite à l’intervention de maintenance réalisée sur ce circuit RRI ? Manque de communication et de coordination des activités, couplée à un manque de connaissance et de formation, le tout avec un manque de surveillance te de vérifications.

L’exploitant de la centrale de Saint-Laurent semble ne plus maîtriser ce qu’il se passe dans son installation. Car cet incident, significatif pour la sûreté, n’est pas isolé. Pas moins de 3 arrêts en urgencedu réacteur 1 en à peine un mois, une inondation interne de la station de pompage d’eau servant au refroidissement, un travailleur contaminé au visage suite à une intervention dans le bâtiment réacteur faute de locaux suffisamment propres au plan radiologique, et un arrêt du refroidissement du combustible nucléaire. Avec à chaque fois, les mêmes origines aux incidents : manque de préparation, manque de surveillance, manque de qualité des contrôles et des vérification. Manque de moyens donnés au personnel pour pouvoir exécuter correctement ses tâches, sans générer d’accident que ce soit pour eux (radioprotection) ou pour l’installation (sûreté). Reste plus qu’un évènement significatif pour l’environnement, et le palmarès des incidents à Saint-Laurent sera complet, en un temps record.

Pour l’anecdote, lorsque la direction de la centrale nucléaire d’EDF a déclaré l’incident du 16 juillet, elle a considéré qu’il était certes significatif [3] pour la sûreté - difficile de faire autrement - mais sans aucune gravité. EDF résume l’incident à un simple "non respect de spécifications techniques" et l’a classé au niveau zéro de l’échelle INES [4]. Ce niveau de gravité a finalement été revu à la hausse, mais il aura fallu pour cela des questionnements de l’ASN. La direction de Saint-Laurent serait-elle en train de s’accoutumer à un nivellement pas le bas dans la qualité des activités du site nucléaire ? La fréquence des incidents provoquerait-elle une habituation et au final une tendance à les percevoir comme pas grave, comme "normal" ? Une amélioration de la gestion des installations nucléaires et des activités sur le site de saint-Laurent est, vues des dernières déclarations, clairement nécessaire. Mais si EDF ne perçoit même plus la gravité de ses actes, de leurs conséquences et la sous-estime en permanence, comment l’exploitant nucléaire peut-il s’améliorer ?

Ce que dit EDF :

Non-respect des Spécifications techniques d’exploitation

Evénement sûreté

Publié le 02/08/2021

Le 16 juillet 2021, deux activités d’exploitation non compatibles sont menées en parallèle sur deux pompes du système de réfrigération intermédiaire (RRI) de l’unité de production n°1 à l’arrêt pour maintenance. L’équipe de conduite du réacteur constate une légère augmentation, sans conséquence réelle, de la température de la piscine d’entreposage du combustible en raison de l’indisponibilité des deux voies du circuit de traitement et réfrigération de la piscine [5].

En raison du non-respect des Spécifications techniques d’exploitation (STE) prescrivant la disponibilité des deux voies du circuit de traitement et réfrigération, la centrale de Saint-Laurent a déclaré cet événement significatif sûreté à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans un premier temps au niveau 0 de l’échelle INES le 20 juillet 2021, puis après une analyse plus approfondie l’a reclassé au niveau 1 le 30 juillet 2021.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-saint-laurent/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-saint-laurent/non-respect-des-specifications-techniques-d-exploitation


Ce que dit l’ASN :

Perte de la réfrigération de la piscine d’entreposage du combustible du réacteur 1

Publié le 04/08/2021

Centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 20 juillet 2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation concernant la disponibilité de la réfrigération de la piscine d’entreposage du combustible du réacteur 1.

La piscine d’entreposage du combustible reçoit l’ensemble des assemblages de combustible du cœur du réacteur pendant les arrêts pour rechargement et sert à l’entreposage des assemblages usés dans l’attente de leur envoi vers un centre de traitement. Le refroidissement de la piscine est nécessaire pour évacuer la puissance résiduelle dégagée par les assemblages de combustible présents. Ce refroidissement est assuré par le système de traitement et de réfrigération (PTR), lui-même refroidi par le circuit de refroidissement intermédiaire (RRI). Ces circuits comportent deux systèmes (voies) indépendants et redondants. Les spécifications techniques d’exploitation imposent qu’une voie PTR soit en service lorsque le réacteur est dans l’état « réacteur complétement déchargé » (RCD).

Le 16 juillet 2021, alors que le réacteur 1 est en arrêt pour rechargement, cœur complètement déchargé et après la réalisation d’activités d’exploitation sur le circuit de réfrigération intermédiaire, l’exploitant a constaté l’augmentation anormale de la température de la piscine de désactivation du réacteur 1.

Les investigations menées par l’exploitant ont permis d’identifier que cette augmentation de température de la piscine de désactivation provenait de la fermeture inappropriée de vannes du circuit RRI ayant provoqué la perte du refroidissement du circuit PTR. L’exploitant a retrouvé la disponibilité d’une voie RRI permettant ainsi de rétablir le refroidissement de la piscine de désactivation moins d’une heure après la détection de l’anomalie.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée au refroidissement du combustible. En raison de la perte du refroidissement de la piscine de désactivation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Cet événement, déclaré initialement au niveau 0 par l’exploitant de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux le 20 juillet 2021 a finalement été reclassé par l’exploitant au niveau 1 le 30 juillet 2021 à la suite des questions qui lui ont été adressées par l’ASN.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Perte-de-la-refrigeration-de-la-piscine-d-entreposage-du-combustible-du-reacteur-1


[1Le circuit de refroidissement intermédiaire (RRI) permet de refroidir, en fonctionnement normal comme en situation accidentelle, l’ensemble des matériels et fluides des systèmes auxiliaires et de sauvegarde du réacteur. En particulier, le RRI refroidit les différentes parties mécaniques de pompes qui assurent la circulation de l’eau de refroidissement dans !e circuit primaire, notamment par une circulation l’eau dans un serpentin traversant ces pompes. Le circuit RRI est situé en grande partie à l’extérieur de l’enceinte de confinement ; le serpentin des pompes primaires se trouve à l’intérieur. En cas de dégradation du serpentin, l’eau du circuit primaire pourrait y pénétrer sous forte pression. https://www.asn.fr/Lexique/R/RRI

[2Réfrigération de la piscine de stockage du combustible (circuit PTR) : Le Circuit PTR assure le refroidissement de la piscine de stockage du combustible. Il est constitué de deux voies comportant chacune une pompe et un échangeur. Lorsque le combustible est dans la piscine, les deux voies doivent être disponibles, une pompe étant en fonctionnement tandis que l’autre reste disponible en secours. https://www.asn.fr/Lexique/R/Refrigeration-de-la-piscine-de-stockage-du-combustible-circuit-PTR

[3Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif

[4INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES

[5Le circuit PTR assure le refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible. Il est constitué de deux voies comportant chacune une pompe et un échangeur. Lorsque le combustible est dans la piscine, les deux voies doivent être disponibles, une pompe étant en fonctionnement tandis que l’autre reste disponible en secours.


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Installation(s) concernée(s)

Saint-Laurent

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62