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Des accidents nucléaires partout

France : Saint-Laurent : Difficultés à respecter les règles et problèmes organisationnels

Le redémarrage houleux du réacteur 2




26 novembre 2019


Seconde déclaration d’évènement significatif pour la sûreté dans le cadre du redémarrage du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux (Centre - Val de Loire). Systèmes hors service quand il ne fallait pas, multiples difficultés à respecter les règles et problèmes d’organisation, le redémarrage du réacteur 2 après son arrêt pour rechargement du combustible ne se fait pas sans heurts.


Le 26 novembre 2019, EDF annonce avoir déclaré la veille à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté classé au niveau 1 de l’échelle INES [1]. Après avoir rechargé de combustible nucléaire le réacteur 2, il est obligatoire de tester le fonctionnement des grappes de commande. Et notamment de vérifier leur temps de chute et l’absence de blocage (des blocages de grappes de commande ont déjà eu lieu à plusieurs reprises dans différents réacteurs en raison de l’usure d’une pièce).

Les grappes de commande sont un des 2 seuls moyens de moduler la réaction nucléaire*. Elles contiennent des matériaux absorbant les neutrons et permettent ainsi, en étant plus ou moins enfoncées dans la cuve du réacteur non seulement de réguler la répartition du flux des neutrons mais aussi de ralentir, voire d’arrêter la réaction nucléaire. On saisi alors l’importance des tests à réaliser pour vérifier qu’elles ne se bloquent pas et qu’elles tombent correctement, car c’est en les faisant descendre dans la cuve qu’il est possible d’arrêter un réacteur nucléaire. Mais à Saint-Laurent, sans que l’exploitant ne précise pourquoi, ce test n’a pas été fait immédiatement. Des mesures dites compensatoires, pour pallier ce manque de sûreté induit par l’absence de vérification du bon fonctionnement des grappes, doivent alors obligatoirement être mises en œuvre. En attendant la réalisation du test, il s’agit, entre autres, de surveiller de très près l’activité atomique dans le cœur du réacteur. Toutes les chaines de mesure du flux neutroniques dans la cuve doivent être opérationnelles et le rester, afin que la puissance du réacteur puisse être en permanence connue.

Sauf que le 13 novembre 2019, EDF lance des essais sur d’autres équipements qui rendent inopérants ces chaines de mesures du flux neutronique. Durant plus de 3 heures, la puissance du réacteur a été laissée sans surveillance, et ce alors même que la bonne marche du dispositif qui permet un arrêt d’urgence n’avait pas été testée. L’exploitant n’a pas réalisé, en faisant ces essais, qu’il mettait ainsi hors service un système de surveillance non seulement requis par les règles d’exploitation à ce moment là, mais surtout fondamental au plan de la sûreté.

Méconnaissance du fonctionnement de son installation, mauvais suivi de sa configuration et de sa conduite, et une désorganisation qui génèrent manifestement des risques supplémentaires, le communiqué de l’exploitant montre clairement les problèmes qui planent dans l’installation nucléaire. D’autant que cette déclaration arrive très peu de temps après la précédente, un évènement significatif pour la sûreté déclaré le 18 novembre, survenu lui aussi dans le cadre du redémarrage du réacteur 2. Et qui ne manque pas de points communs avec le dernier en date : un équipement fondamental pour la sûreté indisponible alors qu’il aurait dû fonctionner (une pompe du circuit ASG [2]), des règles d’exploitation qui semblent mal connues et qui ne sont pas respectées, des difficultés à s’organiser comme il faut pour que tout soit fait correctement et dans les temps, des risques générés pour la sûreté par tous ces manquements de l’exploitant et des fonctions essentielles comme le refroidissement ou la surveillance de la puissance du réacteur nucléaire altérées... Ces deux dernières déclarations d’EDF, même si elles sont brèves, en disent long sur comment est gérée actuellement l’installation.

Ce que dit EDF :

Non-respect des spécifications techniques d’exploitation

Publié le 26/11/2019

Sur une centrale nucléaire, les Spécifications techniques d’exploitation (STE) précisent les modes opératoires à respecter pour la conduite des installations.

Le 5 novembre 2019, après le rechargement du combustible de l’unité de production n°2, un essai de temps de chute des grappes de commande [3] doit être réalisé. En attendant la réalisation de cet essai, les STE imposent des dispositifs compensatoires dont la disponibilité de chaines de mesure du flux neutronique du cœur du réacteur pour surveiller sa puissance.

Le 13 novembre 2019, la réalisation d’essais périodiques rend indisponible ces chaines de mesures pendant 3h30. Pour cette raison, la direction de la centrale de Saint-Laurent a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire, le 25 novembre 2019, un événement significatif sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-saint-laurent-des-eaux/actualites/non-respect-des-specifications-techniques-d-exploitation


Ce que dit l’ASN :

Réalisation d’un essai périodique sans respecter les règles générales d’exploitation de l’installation

Publié le 29/11/2019

Centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 22 novembre 2019, l’exploitant de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif à la réalisation d’une activité de réglage des chaînes de mesure du flux neutronique du cœur du réacteur sans respecter les règles générales d’exploitation du réacteur 2.

Le système de mesure de la puissance nucléaire (RPN) assure la surveillance permanente de la puissance du réacteur. Cette surveillance, qui consiste à mesurer le flux de neutrons, est assurée par des détecteurs disposés à l’extérieur de la cuve. Le système RPN fournit des signaux qui servent à élaborer certains ordres d’arrêt d’urgence du réacteur.

Le réacteur 2 était en arrêt pour maintenance programmé depuis le 21 septembre 2019. Le 13 novembre 2019, le rechargement du combustible était terminé et l’exploitant n’avait pas encore réalisé l’essai du temps de chute des grappes de commande du réacteur qui constitue un des dispositifs permettant de contrôler la réaction nucléaire. Dans ces conditions, les règles générales d’exploitation exigent que les détecteurs du flux neutronique du système RPN soient disponibles. L’exploitant a pourtant réalisé le même jour des essais périodiques qui ont rendu indisponibles, l’une après l’autre, des chaînes de mesure du flux neutronique du cœur du réacteur.

Dans cette situation du réacteur, les règles générales d’exploitation n’ont pas été respectées.

L’événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée à la maîtrise de la réactivité du réacteur. En raison du non-respect des règles générales d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale de classement des événements nucléaires et radiologiques qui en compte 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Realisation-d-un-essai-periodique-sans-respecter-les-RGE-de-l-installation


* Les grappes de commande :

Pour contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur, l’exploitant dispose de deux moyens principaux : - ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire, le bore ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire, - introduire les grappes de commande dans le cœur ou les en retirer, ces grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons. II convient, en marche normale du réacteur, de maintenir certaines grappes à un niveau suffisant, fixé par les spécifications techniques, d’une part pour que leur chute puisse étouffer efficacement la réaction nucléaire en cas d’arrêt d’urgence, d’autre part pour assurer une bonne répartition du flux de neutrons. https://www.asn.fr/Lexique/G/Grappes-de-commande


[1INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES

[2Alimentation de secours des générateurs de vapeur : Lorsque l’alimentation normale en eau est défaillante, le système ASG permet alors d’alimenter les générateurs de vapeur pour évacuer la chaleur transmise par le circuit primaire. L’alimentation de secours peut se faire à partir d’une turbopompe ou de deux motopompes aspirant dans un réservoir de stockage d’eau déminéralisée. https://www.asn.fr/Lexique/A/ASG

[3L’introduction ou le retrait des grappes de commande dans le cœur du réacteur permet de contrôler la réaction nucléaire.


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Installation(s) concernée(s)

Saint-Laurent

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62