15 décembre 2021
Le 8 décembre 2021, une alarme se déclenche sur le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Paluel (Normandie). Le débit du circuit de refroidissement intermédiaire, le circuit RRI, est trop faible. Ce circuit refroidit plusieurs équipements importants, comme par exemple les pompes du circuit primaire. Sans ce refroidissement intermédiaire, les équipements ne pourront plus fonctionner bien longtemps.
Étant donné son importance, les règles qui régissent l’exploitation de la centrale nucléaire imposent une réparation du circuit RRI dans les 24 heures [1] . Pour ça, il faut changer changer un capteur. Mais n’ayant pas les pièces de rechange appropriées en stock, EDF mettra 3 jours à réparer le circuit de refroidissement intermédiaire de son réacteur nucléaire. Par sa mauvaise gestion et son manque d’anticipation, l’industriel n’a pas été capable de respecter les règles fixées pour limiter les risques d’accidents dans son installation nucléaire.
L’incident, que l’exploitant qualifie de "non respect d’une spécification technique d’exploitation", a été déclaré 5 jours plus tard à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), une fois que tout était terminé.
Dans sa communication au grand public, EDF insiste sur l’absence d’impact réel puisque le circuit de refroidissement a continué à être alimenté en eau froide. Mais les faits sont significatifs [2]
pour la sûreté du réacteur nucléaire [3]
: ils ont altéré les dispositifs mis en place pour réduire le risque d’accident dans l’installation nucléaire. En effet, sans une surveillance adéquate du refroidissement intermédiaire, l’industriel ne peut pas garantir que ses équipements sont refroidis correctement. Il ne peut pas s’assurer que ces équipements importants pour la sûreté et le fonctionnement du réacteur pourront fonctionner durablement. Par exemple, sans circulation de fluide dans le circuit primaire, le combustible nucléaire n’est plus refroidi [4]
. Si la chaleur produite par la réaction nucléaire dans la cuve n’est pas évacuée, c’est l’accident assuré. Le manque de précaution d’EDF et sa mauvaise gestion des stocks n’ont pas eu de conséquence réelle, certes - et heureusement. Mais cela n’enlève rien à la sévérité des conséquences potentielles de ce qu’il s’est passé à Paluel. Par son manque de rigueur, l’industriel a pris un risque bien réel avec le refroidissement de son réacteur. Un risque que le communiqué d’EDF tendrait plutôt à minimiser.
L.B.
Non-respect d’une spécification technique d’exploitation
Evénement sûreté
Publié le 15/12/2021
Dans une centrale nucléaire, le circuit de réfrigération intermédiaire permet de refroidir différents équipements. L’eau froide utilisée est puisée en mer via un circuit indépendant. Son débit est mesuré à l’aide de capteurs dédiés.
Le 8 décembre 2021, suite à l’apparition d’une alarme sur l’unité de production n°1, les équipes de la centrale réalisent un diagnostic sur un capteur qui indique un débit d’eau de mer inférieur au débit requis.
Le 9 décembre, le capteur est déclaré indisponible en raison de son mauvais fonctionnement. Les actions de réparation sur l’électronique du capteur doivent être réalisées dans un délai réglementaire de 24h.
En l’absence de sa pièce de rechange, les actions de réparation interviennent le 10 décembre, au-delà du délai réglementaire. Ledit capteur est de nouveau disponible depuis le 11 décembre 2021.
Cet évènement n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté des installations dans la mesure où l’alimentation en eau du circuit est toujours restée disponible. Toutefois, il constitue un non-respect des spécifications techniques d’exploitation en raison du dépassement du délai réglementaire pour la remise en service du capteur.
Il a été déclaré par la Direction de la centrale nucléaire de Paluel le 13 décembre 2021, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme un événement significatif sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES, qui en compte 7.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation sur le réacteur 1
Publié le 22/12/2021
Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 13 décembre 2021, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 1 concernant la durée d’indisponibilité d’un capteur du circuit d’eau brut secourue.
Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment les délais maximums de réparation en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.
Le circuit d’eau brute secourue sert à refroidir un autre circuit, appelé circuit de refroidissement intermédiaire, qui assure le refroidissement des matériels importants pour la sûreté du réacteur. C’est un circuit dit « de sauvegarde » constitué de deux lignes redondantes, comportant chacune deux pompes et deux échangeurs. Il fonctionne en permanence, même lorsque le réacteur est à l’arrêt, afin d’assurer, entre autres, le refroidissement de la piscine de stockage du combustible. Ce circuit permet également l’évacuation, via le circuit de refroidissement intermédiaire, de la puissance résiduelle du combustible dans certaines situations post-accidentelles (accident de perte de réfrigérant primaire, rupture de tuyauterie vapeur) et lors de certaines phases d’arrêt du réacteur (maintien en arrêt à froid du réacteur).
Le 9 décembre 2021, l’exploitant a constaté la défaillance d’un capteur de débit d’une pompe du circuit d’eau brute secourue. Dans cette situation, les règles générales d’exploitation spécifient de remettre en conformité le capteur sous un délai de 24 heures. En raison de difficultés d’approvisionnement d’une pièce de rechange, les opérations de réparation n’ont pas permis de respecter ce délai et le capteur a été indisponible durant 38 heures.
Cet évènement n’a pas eu de conséquence pour les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison du non-respect des règles générales d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES).
L’analyse de cet évènement devra néanmoins s’attacher à comprendre les raisons de l’absence de pièces de rechange disponibles, et déterminer les actions visant à éviter le renouvellement de cet écart.
[1] Le circuit de refroidissement intermédiaire (RRI) permet de refroidir, en fonctionnement normal comme en situation accidentelle, l’ensemble des matériels et fluides des systèmes auxiliaires et de sauvegarde du réacteur. En particulier, le RRI refroidit les différentes parties mécaniques de pompes qui assurent la circulation de l’eau de refroidissement dans !e circuit primaire, notamment par une circulation l’eau dans un serpentin traversant ces pompes. Le circuit RRI est situé en grande partie à l’extérieur de l’enceinte de confinement ; le serpentin des pompes primaires se trouve à l’intérieur. En cas de dégradation du serpentin, l’eau du circuit primaire pourrait y pénétrer sous forte pression. https://www.asn.fr/lexique/R/RRI
[2] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[4] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire