7 mars 2023
Le risque d’incendie dans une centrale nucléaire est un des risques majeur. Pour empêcher la propagation des flammes d’un local à l’autre, et pour préserver le fonctionnement des systèmes les plus importants, différents dispositifs coupe-feu sont censés équiper les locaux. Mais sur les 4 réacteurs de Paluel (Normandie), bon nombre manquait. Et depuis plusieurs années.
Il s’agit notamment de siphons de sol retrouvés vides alors qu’ils doivent toujours être remplis d’eau pour arrêter la progression d’un feu. Ou encore de colliers équipant des tuyaux en plastique pour stopper les flammes qui ne manqueraient pas de s’y propager. Cette sectorisation incendie est obligatoire et strictement réglementée : il ne doit pas exister plus de 5 ruptures de cette sectorisation. C’est à dire pas plus de 5 ponts possibles entre les différents locaux des installations. Et les dispositifs sont censés être entretenus et régulièrement contrôlés.
C’est à l’occasion d’un de ces contrôles sur le réacteur 4 de la centrale de Paluel fin janvier 2023 que les équipes d’EDF retrouvent plusieurs siphons de sol sans eau. ce la crée 4 ruptures de la sectorisation incendie. En février, ce sont cette fois les colliers équipant les tuyauteries en PVC qui manquent. Là encore, cela crée pas moins de 4 pertes d’intégrité des barrières anti-feu. Donc un total de 8 ponts par lesquels un incendie aurait pu se propager dans les locaux du réacteur 4.
EDF met alors le nez dans les compte-rendus des contrôles effectués sur ces dispositifs. Ô surprise, les même constats ont été faits en 2017. Mais ils n’ont été suivi d’aucun effet. L’exploitant nucléaire savait donc depuis 6 ans que ses barrières anti-incendies étaient trouées à plusieurs endroits, mais a laissé les choses en l’état. Quant à savoir pourquoi les contrôles effectués entre 2017 et 2023 n’ont pas détecté les absence de colliers et les siphons vides...
EDF est allé vérifier ce qu’il en était sur les 3 autres réacteurs nucléaire de la centrale de Paluel. Ô surprise : la situation est identique sur tous les autres réacteurs. On ne sait pas combien de ponts au total étaient ouverts à la propagation des flammes. On ne sait pas pourquoi rien n’a été initié après le constat de 2017, ni depuis. On sait en revanche que les contrôles sont loin d’être suffisamment fréquents et exhaustifs, et que, quand bien même ils permettent de détecter des anomalies, ils ne sont pas pour autant mis à profit.
EDF a remis en état la sectorisation incendie du réacteur 4 le 15 février. Et a prévenu les autorités presque 10 jours plus tard, le 23 février 2023. Quand aux autres réacteurs, ils n’ont retrouvé une protection anti-incendie intègre que le 6 mars 2023. Manque de surveillance du bon état des dispositifs anti-incendie, manque de suivi des constats de défauts de ces protections, détection plus que tardive, non prise en compte d’incident similaire survenus par le passé... EDF semble prendre ces contrôles de sectorisation incendie un peu trop à la légère, alors qu’il s’agit d’un risque majeur et bien réel.
Ce que ni l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ni l’industriel ne précise, c’est qu’en 2021, un grave incendie est survenu sur le site nucléaire. Le transformateur principal du réacteur 1 a pris feu et plusieurs locaux, dont la salle des machine, ont été impactés. Des locaux qui, a priori, n’étaient pas concernés par ces pertes de sectorisation incendie. Par chance si l’on peut dire. Mais les faits démontrent que ce risque est bien réel dans une centrale nucléaire. Et qu’EDF le traite un peu trop à la légère. Ne pas jouer avec le feu est pourtant un principe de base, qui est inculqué à tout un chacun lorsqu’il est enfant. Peut-on dès lors qualifier EDF d’exploitant nucléaire responsable et de confiance ? Ou d’industriel incompétent et de piètre gestionnaire ?
L.B.
Détection tardive d’absence de colliers coupe-feu sur plusieurs traversées en PVC
Publié le 07/03/2023
Evénement sûreté
Le 10 février 2023, l’unité de production n°4 de la centrale nucléaire de Paluel est en production. Lors de la réalisation d’un programme de maintenance de contrôle, l’absence de colliers coupe-feu intumescents sur plusieurs traversées en PVC [1] est détectée. Cette absence constitue un non-respect des règles de sectorisation incendie [2].
La remise en conformité est effectuée et des contrôles sont menés sur les autres unités de Paluel où des anomalies similaires avaient été identifiées. Les mêmes défauts sont constatés sur les unités de production n°1, 2 et 3. La remise en conformité est alors entreprise.
Aucun incendie n’ayant affecté les locaux concernés, cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur le personnel, l’environnement et la sûreté des installations. En raison de sa détection tardive, la Direction de la centrale nucléaire de Paluel a déclaré, le 3 mars 2023, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un événement significatif relatif à la sûreté au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.
Défauts prolongés de sectorisation incendie des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Paluel
Publié le 17/03/2023
Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 23 février 2023, EDF a déclaré à l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) un événement significatif relatif à des défauts de sectorisation incendie constatés sur les quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Paluel.
La sectorisation consiste à séparer physiquement des locaux avec des éléments constructifs résistants au feu, afin d’éviter la propagation d’un incendie. Elle permet notamment de s’assurer qu’un même incendie ne puisse affecter simultanément des équipements assurant, de manière redondante, une même fonction. Afin de garantir l’intégrité de cette sectorisation, les tuyauteries en PVC traversant des murs en limite d’un secteur de feu disposent de colliers coupe-feu intumescents et les siphons de sol, susceptibles de déboucher dans d’autres locaux, doivent toujours être en eau.
Le 30 janvier 2023, des contrôles réalisés par EDF sur la sectorisation incendie des bâtiments du réacteur 4 de la centrale de Paluel ont mis en évidence l’absence de garde d’eau dans certains siphons de sol, engendrant quatre ruptures de sectorisation.
Le 10 février 2023, la réalisation d’un programme de maintenance a mis en évidence l’absence de colliers coupe-feu intumescents sur des traversées en PVC provoquant quatre nouvelles ruptures de sectorisation incendie. A la suite de ces constats, l’examen des résultats des précédentes opérations de maintenance réalisés en 2017 sur les réacteurs 1, 2, et 3 a montré la présence d’anomalies identiques qui n’avaient pas été corrigées.
EDF n’a donc pas respecté la règle de gestion de la sectorisation incendie qui limite à cinq le nombre cumulé de pertes d’intégrité de la sectorisation incendie.
Aucun incendie n’ayant affecté les locaux concernés, cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur le personnel, l’environnement et la sûreté de l’installation. Néanmoins, en raison du nombre de défauts de sectorisation incendie, du risque de propagation d’incendie qui aurait pu en résulter, et de la non-prise en compte d’un retour d’expérience de même nature, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.
La remise en conformité des pertes d’intégrité de la sectorisation incendie du réacteur 4 s’est achevée le 15 février 2023, et le traitement de l’ensemble des écarts sur les autres réacteurs a été finalisé le 6 mars 2023.
L’analyse de cet évènement devra notamment s’attacher à comprendre les raisons de l’absence d’identification des écarts lors des contrôles précédents, et déterminer pourquoi un retour d’expérience semblable n’a pas correctement été pris en compte par l’exploitant.
**
[1] Pour les tuyauteries en PVC traversant des murs en limite d’un secteur de feu, la mise en place de colliers coupe-feu intumescents autour de celles-ci est nécessaire pour garantir l’intégrité de la sectorisation en évitant la propagation du feu entre les locaux.
[2] La sectorisation consiste à séparer physiquement des locaux avec des éléments constructifs résistants au feu, afin d’éviter la propagation d’un incendie d’un local à l’autre. Elle permet notamment de s’assurer qu’un même incendie ne puisse affecter simultanément des équipements assurant, de manière redondante, une même fonction.