24 avril 2023
En juin 2022, des dégradations importantes ont été découvertes sur le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Paluel (Normandie). Ne sachant pas comment elles avaient été occasionnées, EDF a réparé. Mais sans voir d’autres dégradations identiques et plus anciennes sur le réacteur d’à côté. Les faits sont graves en terme de prise de risques. Imaginez : si votre cocotte-minute ne pouvait pas évacuer la vapeur d’eau produite par le réchauffement de l’eau, que se passerait-il dans votre cuisine ?
Ces dégradations découvertes sur le réacteur 2 de Paluel impactaient des connectiques qui permettent de commander l’ouverture et la fermeture de soupapes en cas de problème de pression dans le circuit primaire (le circuit de refroidissement du combustible contenu dans la cuve du réacteur nucléaire [1] ). Elles étaient si avancées que leur fonctionnement en cas d’accident nucléaire n’était plus assuré. EDF n’a pas identifié comment ces dégradations ont été faites, ni par qui, ni quand. Réparations faites, un évènement significatif [2] pour la sûreté [3] déclaré aux autorités, et hop, pour EDF l’affaire était terminée. Mais pas vraiment.
EDF est manifestement allé un peu trop vite en besogne. L’industriel n’a pas pris le temps de s’interroger et d’aller vérifier sur les 3 autres réacteurs de la centrale. Ou alors, il a bâclé ses vérifications. Car lors de l’arrêt du réacteur 1, en mars 2023, des dégradations similaires ont été découvertes. Elles sont plus anciennes que celles identifiées en juin 2022 sur le réacteur 2. D’où viennent-elles, de quand datent-elles, quelle est leur étendue ? Aucune indication n’est fournie par EDF. Qui d’ailleurs, comme toujours, "informe" (a minima) le public mais après-coup, une fois que tout est réparé.
Les faits sont significatifs pour la sûreté, puisque là encore, étant donné l’état avancé des dégradations, les équipements n’auraient pas fonctionné. En cas d’accident sur ce réacteur de la centrale nucléaire, les soupapes n’auraient pas pu être ouvertes. Donc impossible d’évacuer le trop-plein de pression dans le circuit primaire. Et qui dit trop de pression dans un système fermé, dit fuite, dislocation et possible explosion. Imaginez ce qui arriverait si la pression créée par la vapeur d’eau dans votre cocotte-minute n’est pas évacuée...
C’est donc le refroidissement du réacteur nucléaire en cas d’accident qui était mis en jeu par ces dégradations inexpliquées. Or, si le combustible nucléaire n’est plus refroidit, il finira par fondre ou exploser sous l’effet de la chaleur qu’il dégage.
Au-delà de la question du manque de surveillance des équipements, c’est la question des contrôles, de leur exhaustivité et de leur qualité qui est posée par cet incident. Malgré l’enjeu, EDF n’a pas suffisamment poussé ses réflexions ni ses analyses suite aux découvertes de juin 2022 et a laissé perdurer une situation similaire à celle qu’il venait de résoudre, sur un autre réacteur, et sans même en avoir conscience. L’exact opposé de ce qui est attendu d’un exploitant nucléaire sérieux, rigoureux, qui aurait un minimum de logique et de bon sens.
L.B.
Déclaration d’un événement significatif de sûreté de niveau 1 relatif à une anomalie matérielle sur des soupapes du circuit primaire ne permettant pas leur qualification en cas de situation accidentelle
Publié le 24/04/2023
En mars 2023, l’unité de production n°1 de la centrale nucléaire de Paluel est en arrêt pour simple rechargement de son combustible [4] . Des contrôles réalisés sur les tandems de soupapes de cette unité ont permis de détecter la présence d’anomalies antérieures similaires à celles identifiées en juin 2022 sur l’unité n°2.
L’installation est alors immédiatement remise en conformité.
Cet évènement n’a eu aucun impact réel sur la sûreté des installations car les soupapes sont toujours restées disponibles. Toutefois, cette anomalie ne permettait pas de garantir l’ouverture systématique des soupapes dans des conditions accidentelles. Cette situation a conduit la direction de la centrale nucléaire de Paluel à indicer l’événement significatif relatif à la sûreté, déclaré le 26 août 2022, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
[1] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[2] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif. En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[4] Il existe trois types d’arrêts programmés en centrale nucléaire au cours desquels des opérations de maintenance sont organisées et planifiées. L’arrêt pour simple rechargement consiste à remplacer un tiers du combustible du réacteur.