7 juin 2021
Lors du déchargement du combustible du réacteur 1 de la centrale de Paluel (Normandie) fin avril 2021, plusieurs pièces sont tombées directement dans la cuve. Celle-ci était grande ouverte et remplie de combustible. Le déchargement a été interrompu plusieurs jours, mais EDF n’a pas pu récupérer toutes les pièces.
Le 20 avril 2021, alors que les opérations de déchargement du combustible du réacteur 1 commencent à peine à Paluel, l’engin de manutention (qui permet de prendre les assemblages de combustible
[1]) a heurté une caméra fixée au bord de la cuve du réacteur. EDF ne précise pas les dégâts, mais plusieurs morceaux, dont des vis de fixations, tombent dans la cuve ouverte. Le déchargement est stoppé net, 5 minutes après avoir été lancé.
Durant les 3 jours qui suivent, EDF tente de récupérer les pièces tombées dans la cuve du réacteur. Lors de ces opérations de repêchage, de nouvelles pièces tombent dans la cuve. L’exploitant nucléaire ne précise pas si ces diverses chutes ont endommagé des assemblages de combustible. Il mentionne toutefois avoir récupéré l’ensemble des éléments tombés, exceptées des vis qui sont allées se nicher dans des endroits inaccessibles. Ces corps étrangers resteront donc manifestement dans la cuve, où l’eau du circuit primaire, très chaude et sous très haute pression, circule a forte vitesse et traverse les assemblages de combustible. Le meilleur moyen de causer des dommages sur les crayons
[2] qui constituent ces assemblages (crayons dont l’enveloppe est la première barrière contre la dispersion de la radioactivité [3]) est justement de laisser des corps étrangers se balader dans les circuits du cœur du réacteur.
L’exploitant ne donne aucune précision sur les opérations de repêchages ni sur les conditions d’interventions du personnel dans cette zone hautement radioactive. Pas plus qu’il ne donne d’explication sur la raison de ces chutes d’éléments dans la cuve ouverte et pleine de combustible. Le déchargement du combustible nucléaire étant une opération à risques (principalement en raison du risque de chute de combustible et d’endommagement de la gaine lors de leur manutention), c’est le type d’opération cruciale dans une installation nucléaire, et qui doit à ce titre être savamment préparée.
L’incident sera d’ailleurs annoncé par la direction de la centrale plusieurs semaines après, en juin 2021, parmi d’autres incidents considérés comme significatifs pour la sûreté mais sans gravité, selon l’exploitant. Certes, il n’y a pas eu de conséquences réelles sur la sûreté, puisque apparemment, aucun assemblage n’a été endommagé. Mais que des pièces puissent tomber dans la cuve d’un réacteur nucléaire, dans les 5 premières minutes du déchargement, et que de surcroît, de nouvelles chutes surviennent dans les jours suivants lors des opérations de repêchage, signifie qu’EDF n’a pas suffisamment préparé ses équipes à ces activités pourtant hautement risquées. Et que l’exploitant n’a pas pris le temps de sécuriser comme il aurait dû ce déchargement. De tels manquements, chez un industriel du nucléaire qui plus est, sont-ils vraiment sans gravité ?
L.B.
Le 07/06/2021
Interruption des opérations de déchargement du combustible suite à la chute d’éléments dans le compartiment cuve de la piscine du réacteur
Le 20 avril 2021, l’unité de production n°1 est à l’arrêt pour visite partielle [4]. A 23h10, les équipes de la centrale sont autorisées à procéder au déchargement du combustible présent dans la cuve du réacteur.
A 23h15, lors des premières étapes des opérations de déchargement, la machine servant à manutentionner les éléments combustible entre en contact avec une caméra située au bord de la cuve du réacteur et l’endommage légèrement ; des vis de fixation sont cassées. Le déchargement est immédiatement stoppé. La machine ne manutentionnait alors aucun élément combustible.
Entre le 20 et le 23 avril 2021, les éléments tombés dans le compartiment de la cuve sont extraits. Par ailleurs, une plaque de fixation tombe dans le compartiment pendant ces opérations. Elle est immédiatement retirée, ainsi que l’ensemble des autres éléments, à l’exception de trois vis de petite taille situées dans des zones difficilement accessibles.
Le 24 avril 2021, les conclusions des investigations et analyses de risque réalisées dans le cadre de l’événement permettent de reprendre les opérations de déchargement du combustible.
Cet événement a été déclaré au niveau 0 de l’échelle INES le 30 avril 2021.
[1] Assemblage combustible : Le combustible nucléaire se présente sous la forme d’assemblages constitués d’un faisceau de 264 crayons, liés par une structure rigide constituée de tubes et de grilles. Chaque crayon est constitué d’un tube de zirconium étanche dans lequel sont empilées les pastilles d’oxyde d’uranium, constituant le combustible. Les assemblages, chargés les uns à côté des autres dans la cuve du réacteur - il faut 205 assemblages pour un réacteur de 1450 MWe -, constituent le cœur. En fonctionnement, ces assemblages sont traversés de bas en haut par l’eau primaire qui s’échauffe à leur contact et emporte cette énergie vers les générateurs de vapeur. https://www.asn.fr/Lexique/A/Assemblage-combustible
[2] Le crayon combustible est constitué de pastilles d’oxyde d’uranium ou d’oxyde mixte d’uranium et de plutonium (d’un diamètre et d’une hauteur d’environ 1 cm) empilées dans des tubes de métal (gaines en alliage de zirconium) fermés aux extrémités (étanchéité). https://www.asn.fr/Lexique/C/Crayon-combustible
[3] Dans un Réacteur à Eau sous Pression (REP), la prise en compte du concept de défense en profondeur implique l’existence de 3 barrières de confinement des produits radioactifs contenus dans le cœur du réacteur :
1. La gaine qui enveloppe les crayons de combustible retient les produits radioactifs créés dans les pastilles de combustible. Une mauvaise évacuation de la chaleur entraînerait la rupture des gaines, voire la fusion plus ou moins importante des pastilles.
2. Le circuit primaire : les crayons combustibles sont constamment refroidis par l’eau primaire qui circule en circuit fermé entre le cœur et les boucles des générateurs de vapeur. Le circuit primaire constitue une deuxième enveloppe capable de retenir la dispersion des produits radioactifs contenus dans le combustible si les gaines sont défaillantes.
3. L’enceinte de confinement : elle est constituée par le bâtiment en béton qui abrite le circuit primaire.
[4] Une « visite partielle » est un arrêt programmé de l’unité de production qui prévoit le rechargement du combustible et des activités de maintenance.