1er octobre 2021
Lors de l’arrêt pour visite décennale du réacteur 2 de la centrale de Nogent-sur-Seine (Grand Est), un arrêt de 6 mois qui s’est terminé en août 2020 [1], la grande porte d’accès au bâtiment réacteur a été mal fermée. EDF ne s’en est rendu compte que plus d’un an après, fin septembre 2021. Une détection bien tardive d’un fait qui questionne non seulement le confinement de la radioactivité dans le bâtiment, la résistance de l’enceinte de béton à une explosion, mais aussi - et surtout - la qualité des contrôles réalisés par EDF et la connaissance qu’a l’exploitant de l’état réel de ses installations nucléaires.
Derrière le doux intitulé donné par l’exploitant nucléaire à l’incident - "Non-respect des spécificités techniques d’exploitation sur l’unité de production n°2" - nichent plusieurs questions d’importance. Les faits ont d’ailleurs été déclarés par EDF comme étant significatifs pour la sûreté [1] et classés au niveau 1, ce qui n’est pas rien (parmi la pléthore des faits qui surviennent dans une installation nucléaire et qui touchent à la sûreté, la plupart sont considérés comme des signaux faibles, viennent ensuite ceux considérés comme "intéressants", puis enfin les "significatifs" [2] , dont l’écrasante majorité sont classés au niveau zéro de l’échelle INES [3] ).
Qu’EDF n’ait pas vérifié la bonne fermeture de la grande porte d’accès au réacteur 2 à la fin de la visite décennale, ce grand programme de vérifications, de remises en conformité des équipements et de modifications censées améliorées la sûreté de l’installation parait pour le moins surprenant. Si l’ouverture de cet accès est si strictement réglementé (comme le souligne l’exploitant dans le début de son communiqué), ce n’est pas pour rien : il en va du confinement des radionucléides dans l’enceinte du bâtiment, et de la protection de l’environnement et des populations contre une dispersion de la radioactivité et une contamination.
La bonne fermeture de cet accès est ainsi un enjeu majeur en cas d’accident lors de la manipulation du combustible nucléaire par exemple, mais aussi pour plus de résistance à la pression d’une explosion qui surviendrait à l’intérieur de l’enceinte en béton qui contient le réacteur. Une porte mal fermée, et ce sont toutes les autres mesures prises pour limiter des conséquences d’un accident et pour éviter une dissémination de la radioactivité qui sautent. Qu’EDF ne s’en soit rendu compte que plus d’un an après est inexplicable. À moins de questionner la qualité des contrôles et des vérifications effectuées par l’exploitant. À quoi bon les visites décennales, si elles font courir des risques supplémentaires ? À quoi bon des soit disant améliorations des systèmes, si la surveillance et le contrôle de l’état des installations ne suivent pas ?
Malgré le bel intitulé de l’incident, malgré l’absence de conséquences réelles sur la sûreté, l’environnement et les populations, les faits sont là : les visites décennales n’effacent pas les risques que génèrent les installations nucléaires. Au contraire même, comme toute autre intervention dans ces installations lorsqu’elles sont faites un peu trop vite et un peu trop à la légère. L’industriel laisserait-il les impératifs économiques rogner sur la sûreté ? Dans de telles conditions EDF peut bien faire tous les contrôles et les modifications qu’il voudra dans ses installations nucléaires, ils ne seront jamais synonymes de sûreté.
L.B.
Non-respect des spécificités techniques d’exploitation sur l’unité de production n°2
Evénement sûreté
Publié le 01/10/2021
Lors d’un arrêt pour maintenance d’une centrale nucléaire, certaines activités nécessitent l’introduction dans le bâtiment réacteur de matériels volumineux. Le seul accès pour faire entrer ces matériels depuis l’extérieur vers l’intérieur du bâtiment réacteur est le TAM, le Tampon d’accès matériel.
Les conditions d’ouverture du TAM sont précisément définies dans notre référentiel d’exploitation : seules certaines conditions d’exploitation sont autorisées et de plus le temps d’ouverture de cette porte d’accès est limité.
Ce tampon d’accès matériel est verrouillé par 40 clames qui garantissent l’étanchéité de la porte lorsque le réacteur est en puissance.
Le 25 septembre 2021 durant l’arrêt programmé de l’unité de production n°2, lors d’un contrôle précédant l’ouverture du tampon d’accès pour faire rentrer le matériel nécessaire aux opérations de maintenance, les équipes du site constatent que l’un des quarante clames n’est pas dans la position attendue. Après analyse, ils constatent que la vis interne du vérin est grippée et que la clame n’est pas verrouillée depuis la dernière fermeture du tampon d’accès matériels lors de la visite décennale de l’unité de production n°2 en 2020.
Les essais au redémarrage de la visite décennale et le suivi en fonctionnement de l’installation ont toujours été conformes, et n’ont pas indiqué de défaut au niveau de l’étanchéité de l’enceinte de confinement.
Toutefois, la position de la clame constitue un non-respect de nos spécificités d’exploitation. C’est pourquoi, cet événement, bien qu’il n’ait eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations ou sur l’environnement, a été déclaré le 29 septembre par la direction de la centrale de Nogent-sur-Seine auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7, du fait de sa détection tardive.
Non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine
Publié le 12/10/2021
Centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 29 septembre 2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation concernant l’enceinte de confinement du réacteur 2.
L’enceinte de confinement d’un réacteur est équipée d’une ouverture de grande dimension appelée « tampon d’accès matériel » (TAM), pour permettre l’entrée et la sortie des matériels les plus volumineux utilisés pendant les périodes d’arrêt du réacteur. Les spécifications techniques d’exploitation du réacteur définissent les modalités d’ouverture et de fermeture du TAM.
Le 25 septembre 2021, lors du contrôle avant l’ouverture du TAM, dans le cadre de l’arrêt pour maintenance du réacteur 2 actuellement en cours, l’exploitant a constaté qu’un des 40 dispositifs assurant sa fermeture n’était pas verrouillé. Les investigations de l’exploitant ont montré que cet écart datait de la dernière fermeture du TAM, en juillet 2020, à l’issue de l’arrêt précédent.
L’étanchéité de l’enceinte de confinement a fait l’objet de tests au redémarrage du réacteur, à la fin de son arrêt pour maintenance intervenu en 2020, ainsi qu’au cours de son cycle de fonctionnement qui a suivi. Ces essais n’ont pas mis en évidence de défauts d’étanchéité. Néanmoins, le fonctionnement du réacteur avec un dispositif de verrouillage du TAM non conforme n’est pas autorisé par les spécifications techniques d’exploitation.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, il a affecté la fonction de sûreté liée au confinement du réacteur. En raison de la détection tardive de l’écart, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
L’exploitant a remis le verrouillage du tampon d’accès matériel en conformité dès détection de l’écart.
[1] Le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Nogent sur Seine a été arrêté pour sa troisième visite décennale du 9 février au 6 août 2020. https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/arret-de-reacteurs-de-centrales-nucleaires/arret-pour-visite-decennale-du-reacteur-27
[2] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[3] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
[4] INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES