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Des accidents nucléaires partout

France : Nogent : Des "rayures sur des joints" : la maintenance et la transparence selon EDF




28 janvier 2020


Communication minimale de l’exploitant de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine (Aube). Et pourtant l’affaire ne manque pas de sel. L’évènement a d’ailleurs été reclassé à un niveau de gravité plus important que ce qu’avait initialement déclaré EDF.


C’est dans la lettre d’actualité de décembre 2019, publiée le 16 janvier 2020 sur le site internet de la centrale nucléaire, qu’il faut aller chercher l’information. Dans un petit encart à gauche intitulé Transparence, EDF annonce en quelques lignes que "des rayures ont été constatées sur des joints d’étanchéité de plusieurs matériels (...) requis en cas de situation accidentelle". C’est tout, l’exploitant n’en dira pas plus. Et ne communiquera pas sur le reclassement de l’évènement déclaré le 20 décembre 2019 au niveau le plus bas de l’échelle internationale INES. Pourtant, ce reclassement a été fait le 10 janvier 2020 , soit 1 semaine avant la publication de la lettre d’informations du site nucléaire. Bel exemple de la transparence selon EDF.

Cette "indisponibilité de matériels suite à la présence de rayure sur des joints d’étanchéité" (titre de la communication d’EDF) ne date pas d’hier, mais de plusieurs mois. C’est lors de la 3ème visite décennale du réacteur 1 de Nogent, ce grand programme de vérifications et de travaux qui a lieu tous les 10 ans, que des détériorations ont été découvertes sur certains équipements en mai 2019. Pas seulement sur des joints d’étanchéité comme nous le dit EDF, mais aussi sur des câbles électriques nous dit l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Câbles qui servent entre autre à manœuvrer les soupapes de protection du circuit primaire. Ces soupapes permettent de diminuer la pression dans le circuit primaire si jamais elle devient trop importante. Le circuit primaire étant ce qui permet le refroidissement du combustible nucléaire, préserver son intégrité physique (pour éviter une importante contamination radioactive) et fonctionnelle (pour maintenir un refroidissement) en toutes circonstances est fondamental. Or, du fait des dégradations des câbles, il n’était pas certain de pouvoir actionner ces soupapes en cas de besoin, comme lors d’un séisme ou en situation accidentelle comportant une dégradation de l’ambiance thermique dans le bâtiment réacteur. Ainsi nous dit l’ASN, impossible de garantir le retour du réacteur vers un état sûr en cas d’accident grave. C’est-à-dire, impossible de garder un quelconque contrôle du réacteur nucléaire si celui-ci rentre en fusion.

Ces soupapes de protection du circuit primaire sont donc des équipements importants. Elles doivent, comme tous les équipements classés dans cette catégorie, faire l’objet d’une maintenance. Et pas uniquement lorsqu’il y il a un dysfonctionnement avéré, mais aussi préventive, pour éviter justement l’apparition de pannes. Ces équipements doivent donc être régulièrement l’objet de contrôles, de vérifications de leur état et a minima d’un entretien classique (nettoyage etc.). Première question qui vient à l’esprit : comment se fait-il que ces détériorations n’aient pas été découvertes plus tôt ? Quid de la surveillance de l’état des installations, des contrôles des équipements importants pour la protection ? Faut-il attendre tous les 10 ans pour que des systèmes pourtant aussi cruciaux soient vérifiés et remis en état ?

À ces premières interrogations s’ajoute naturellement une deuxième vague de questions : comment ces détériorations sont-elles survenues ? D’où viennent-elles, quelle est leur cause ? C’est l’ASN qui nous donnera la réponse : elles ont été causées par l’utilisation d’outils inappropriés lors des interventions de maintenance précédentes. C’est donc l’entretien même de ces équipements de protection du circuit primaire qui les a abîmer au point de compromettre leur fonctionnement. Ce qui implique que les contrôles qui sont censés être faits après les interventions pour vérifier que tout a été fait correctement sont aussi passés à côté. Soit ces contrôles techniques post-intervention n’ont pas existé, soit ils ont été faits mais n’ont pas détecté le problème. Rassurant ! On comprend que l’exploitant ait choisi de passer cette information sous silence.

L’Autorité de sûreté nucléaire nous dit avoir vérifié, avant le redémarrage du réacteur, que tous les équipements de protection abîmés avaient bien été remis en état et que les bons outils étaient utilisés sur les 2 réacteurs du site nucléaire de Nogent. Il était nécessaire de rappeler à l’exploitant le principe de la maintenance de ses équipements, à savoir les maintenir en état au lieu de les abîmer. Et nécessaire aussi de rappeler à EDF qu’elle doit respecter les règles d’exploitation de son site nucléaire : les matériels qui doivent fonctionner en cas d’accident doivent être en état de fonctionner. Tout comme le combustible nucléaire doit être manipulé en respectant les règles de bases. À croire que les évidences ne sont pas toujours si évidentes pour l’exploitant de la centrale de Nogent. À croire aussi qu’EDF a sa propre notion de ce qu’est la "transparence" étant donné sa manière de communiquer sur ce qu’il s’est passé.

Ce que dit EDF :

Unité de production n°1 : indisponibilité de matériels suite à présence de rayures sur des joints d’étanchéité

Au mois de mai 2019 lors de contrôles de maintenance effectués durant la visite décennale de l’unité de production n° 1, des rayures ont été constatées sur des joints d’étanchéité de plusieurs matériels. Ces matériels étant requis en cas de situation accidentelle, la centrale a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le 20 décembre 2019 un événement significatif sûreté de niveau 0.

Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur le fonctionnement et la sûreté des installations.

https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/producteur-industriel/carte-des-implantations/centrale-nogent-sur-seine/actualites/lettre_nogent_actualites_et_environnement_decembre_2019_172.pdf


Ce que dit l’ASN :

Le 28/01/2020

Non- respect d’exigences associées à des matériels classés pour fonctionner aux conditions accidentelles du réacteur 1

Publié le 28/01/2020

Centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine - Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 10 janvier 2020, l’exploitant de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine a reclassé au niveau 1 de l’échelle INES un événement significatif pour la sûreté, déclaré à l’ASN le 20 décembre 2019 au niveau 0, relatif au non-respect d’exigences associées à des matériels classés pour fonctionner aux conditions accidentelles du réacteur 1, et notamment des soupapes de protection du circuit primaire principal.

Le circuit primaire principal permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur. Il est équipé de soupapes de protection contre les surpressions, dont l’ouverture et la fermeture doivent pouvoir être commandées depuis la salle de commande du réacteur.

Lors de l’arrêt pour visite décennale du réacteur 1 qui s’est déroulé d’avril à septembre 2019, l’exploitant a constaté des défauts sur des câbles électriques contribuant à la commande de certains équipements, dont des soupapes de protection du circuit primaire. Ces défauts auraient pu remettre en cause la mise en œuvre de ces matériels en cas de séisme ou de situation accidentelle comportant une dégradation de l’ambiance thermique dans le bâtiment réacteur et ainsi ne pas garantir le retour du réacteur vers un état sûr en cas d’accident grave.

L’origine de ces écarts serait liée à l’utilisation d’un outillage inadéquat lors des interventions de maintenance précédentes sur ces équipements électriques.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois il a affecté les fonctions de sûreté liées au confinement et au refroidissement du réacteur. Au regard de l’indisponibilité des équipements concernés, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Avant la remise en service du réacteur 1 à l’issue de son arrêt pour visite décennale, l’ASN s’est assurée auprès de l’exploitant de la remise en état des équipements concernés. Elle a également vérifié l’utilisation d’un outillage adéquat lors des dernières interventions de maintenance sur les équipements similaires du réacteur 2.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-respect-d-exigences-associees-a-des-materiels


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