8 février 2023
Dans l’usine de La Hague (Normandie), où les combustibles usés sont "traités" pour en séparer les composants (uranium, plutonium et produits de fission), on baigne dans la radioactivité. Pourtant, on ne connaît pas si bien les règles de base en matière de sûreté [1].
Le 2 février 2023, une intervention est prévue sur la ventilation d’un atelier où les produits de fissions [1] sont mis sous verre (les déchets les plus radioactifs sont mis sous verre avant d’être mis dans des emballages, c’est la vitrification). La ventilation étant cruciale pour le confinement de la radioactivité dans l’installation, le chef de quart s’interroge : la vitrification doit-elle être poursuivie si la climatisation est coupée ? Les consignes particulières, édictées pour cette intervention sur la ventilation, censées baliser toutes les situations possiblement induites, en prévoir les conséquences et dicter la marche à suivre pour parer tous les risques, ne mentionnent rien à ce sujet.
Le chef fait alors appelle au supérieur qui est d’astreinte. Cette personne lui confirme - à tort - que la vitrification peut être poursuivie malgré l’arrêt du système de ventilation. Il faudra attende plusieurs heures, le passage de l’ingénieur responsable de la sûreté , pour que la situation soit identifiée et que la vitrification soit stoppée. Pour quiconque connaît les règles de base en matière de sûreté et de fonctionnement des installations, il va de soit que non, la vitrification des produits de fission ne pouvait pas être poursuivie sans système de ventilation puisqu’il assure un confinement de la radioactivité à l’intérieur, évitant ainsi une dissémination à l’extérieur de certains locaux et une contamination des personnes et de l’environnement. Les règles qui régissent le fonctionnement de l’usine de La Hague et de ses ateliers sont très claires à ce sujet. Mais encore faut-il les connaître.
Défaut de culture de sûreté dira l’Autorité de sûreté nucléaire. Défaut à plusieurs niveaux même, puisque non seulement les consignes édictées spécifiquement pour cette intervention n’ont pas précisé la nécessité d’arrêter la chaîne de vitrification, mais la personne d’astreinte, censée répondre aux urgences, n’a pas non plus identifié le problème.
Les faits ont été déclarés comme significatifs pour la sûreté par Orano le 6 février 2023. Ils montrent un manque de culture de sûreté qui s’est diffusé à plusieurs niveaux et qui se traduit à différentes étapes : défaut d’analyse préalable des risques, défaut lors de l’élaboration des consignes particulières, défaut d’analyse sur le coup par le chargé d’astreinte... Quand peut-on parler d’incompétence chez un exploitant nucléaire ? Quand il montre un défaut de culture de sûreté généralisé ?
L.B.
Communiqué local La Hague
Déclaration d’événement de niveau 1 : non-respect d’une consigne requise par les règles générales d’exploitation
08/02/2023
Dans le cadre d’une opération de maintenance programmée qui s’est déroulée le 2 février 2023 dans l’atelier de vitrification de l’usine UP3 sur le site Orano la Hague, il a été constaté qu’une consigne prévue par les règles générales d’exploitation, n’avait pas été respectée.
Celle-ci prévoit que la mise à l’arrêt des chaînes de vitrification doit être réalisée en cas d’arrêt de la ventilation, ce qui n’a pas été le cas. Toutefois, le second système de ventilation propre au procédé, a permis de garantir la continuité du confinement dynamique de l’installation. Le principe de défense en profondeur des installations du site Orano la Hague repose sur une succession de barrières dont des systèmes de ventilation indépendants.
L’opération de maintenance a été finalisée et la ventilation du bâtiment a été remise en fonctionnement le soir même. L’événement n’a eu aucune conséquence pour le personnel, l’environnement et l’installation concernée.
Toutefois, l’analyse de l’anomalie ayant relevé un non-respect du référentiel de sûreté, il a été proposé à l’ASN de classer cet événement au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7 [2]
Non-respect des règles générales d’exploitation
Publié le 13/02/2023
Usine de traitement d’éléments combustibles irradiés provenant des réacteurs nucléaires à eau ordinaire (UP3-A) Transformation de substances radioactives - Orano Cycle
Le 6 février 2023, Orano Recyclage a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif au non-respect des règles générales d’exploitation de l’atelier T7, concernant les actions à mettre en œuvre en cas d’arrêt de la ventilation du bâtiment.
Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées. Elles encadrent en particulier les interventions réalisées sur les équipements contribuant à la sûreté et prescrivent la conduite à tenir en cas d’indisponibilité de matériels.
L’atelier T7 met en œuvre l’étape de vitrification des déchets, dans le cadre des opérations de retraitement des combustibles usés. La vitrification permet de fixer les produits de fission et actinides mineurs, après leur séparation des autres produits du retraitement en phase liquide, dans une matrice de verre, en vue de leur stockage définitif.
Le 2 février 2023, une opération de maintenance imposant l’arrêt de la ventilation du bâtiment était programmée à 18h. Les actions encadrant cette opération sont décrites dans une consigne temporaire d’exploitation. Le chef de quart a relevé que celle-ci ne précisait pas si les chaînes de vitrification devaient être arrêtées. Il a donc fait appel à l’astreinte, qui lui a confirmé, par erreur, la possibilité de laisser les chaînes de vitrification en fonctionnement. L’arrêt de la ventilation a ainsi été déclenché dans ces conditions. A 22h, après identification de la situation par l’ingénieur sûreté d’exploitation lors de sa ronde, la mise à l’arrêt des chaînes de vitrification a été lancée. La ventilation a été remise en service à 22h37, après la fin de l’opération de maintenance.
L’arrêt de la ventilation du bâtiment de l’atelier T7 pendant près de 3h a donc été effectué sans que la production ne soit arrêtée, ce qui constitue un non-respect des RGE.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les personnes et l’environnement. Toutefois, en raison du défaut de culture sûreté mis en lumière par son déroulement, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.
[1] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[2] Produits de fission : Fragments de noyaux lourds produits par la fission nucléaire ou la désintégration radioactive ultérieure des éléments formés selon ce processus. Les produits de fission sont issus de la fission des atomes d’uranium et de plutonium (césium, strontium, iode, xénon...). Radioactifs pour la plupart, ils se transforment d’eux-mêmes en d’autres éléments. Ceux qui ne se désintègrent pas rapidement constituent une part des déchets radioactifs. https://www.asn.fr/lexique/P/Produits-de-fission
[3] Échelle INES : International Nuclear Event Scale (échelle de gravité des événements nucléaires) graduée jusqu’à 7.