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Des accidents nucléaires partout

France : Gravelines : Le réacteur 1 modifié redémarre avec difficultés

EDF lance la réaction nucléaire sans vérifier que tout est au vert




11 mars 2022


Lors de l’arrêt pour 4ème visite décennale du réacteur 1 de Gravelines (Hauts-de-France), un panneau de commandes supplémentaire a été installé. Il fait parti des modifications décidées suite à la catastrophe de Fukushima. Ce panneau est conçu pour résister à des conditions extrêmes (séismes, inondation etc.) et permettre entre autres de déclencher les systèmes d’urgence en cas de besoin. Mais lorsqu’il a redémarré le réacteur, EDF a oublié de vérifier le tableau de commandes récemment installé. Le réacteur a fonctionné plusieurs jours avec un circuit d’injection de sécurité bloqué, alors que la réaction nucléaire était lancée.


Le circuit d’injection de sécurité (RIS) est un des circuits les plus importants d’un réacteur nucléaire. Il est directement connecté au circuit primaire qui assure le refroidissement du combustible en fonctionnement normal. Le circuit RIS permet de continuer ce refroidissement en cas de problème sur le circuit primaire, et d’injecter du bore [1] afin de stopper la réaction nucléaire dans la cuve. Sans refroidissement du combustible, celui-ci surchauffe et à terme cette chaleur peut le faire fondre et provoquer l’explosion du réacteur (comme à Fukushima).

Le nouveau panneau de signalisation et de commandes installé durant la 4ème visite décennale de Gravelines 1 permet notamment de déclencher ou de bloquer certains circuits, dont le circuit d’injection de sécurité. Après avoir été installé, ce nouveau dispositif de commande a été testé. Mais suite à ces essais réalisés début février 2022, EDF a laissé une des commandes en position "inhibée", empêchant ainsi le circuit d’injection de sécurité de fonctionner.

Le 1er mars, le réacteur redémarre : la réaction nucléaire est lancée. Le circuit RIS doit être comme les autres équipements importants pour la sûreté disponible et et capacité de remplir ses fonctions en cas de besoin. Mais EDF n’a manifestement pas songé à tout vérifier. En tout cas, l’exploitant n’a pas vérifié les configurations sur son nouveau tableau de commandes. Ce n’est que 4 jours plus tard, le 4 mars 2022, qu’EDF va se rendre compte que le circuit d’injection de sécurité est hors-service en raison de la mauvaise position d’une des commandes du nouveau tableau. Le dispositif, censé rendre le réacteur plus résistant et éviter les accidents graves, a fait tout le contraire : il a augmenté le risque d’un accident en condamnant le circuit d’injection de sécurité.
À vouloir rajouter des systèmes pour réduire les risques d’accidents, EDF ne complexifie-t-il pas encore plus ses réacteurs ? Les modifications effectuées sont-elles suffisamment bien intégrées dans les protocoles de vérifications ? Les équipes suffisamment formées ? EDF a déclaré le 8 mars les faits à l’Autorité de sûreté nucléaire comme étant significatifs pour la sûreté. Une chose est sûre : à Gravelines, le redémarrage du réacteur 1, à l’arrêt depuis mi août 2021, a été lancé un peu trop vite, sans tout ait bien été vérifié. Y compris le bon fonctionnement des équipements les plus importants.

L.B.

Ce que dit EDF :

Détection tardive de l’indisponibilité d’une fonctionnalité d’un circuit de sauvegarde du réacteur de l’unité n°1

Publié le 10/03/2022

Lors des 4èmes visites décennales des réacteurs à 900 MW, un nouveau « panneau de signalisations et de commandes complémentaires » est installé dans les salles de commande des unités de production. Il permettrait, en cas de situation naturelle extrême de type séisme ou inondation, d’enclencher les dispositifs de secours ultimes.

Sur l’unité de production n°1, à l’arrêt pour la réalisation de sa 4ème visite décennale depuis le 14 aout 2021, ce nouveau dispositif est installé et opérationnel.

Le 9 février 2022, le réacteur 1 de Gravelines est à l’arrêt. Dans le cadre des tests de bon fonctionnement des commandes du nouveau panneau, l’un des commutateurs est placé en position inhibée (INH). Dans cette position, ce commutateur empêche l’ouverture d’une vanne du circuit d’injection de sécurité RIS. Il s’agit d’un circuit de sauvegarde qui permet d’introduire de l’eau borée dans le circuit primaire en cas de situation accidentelle, afin de maitriser la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur.

Le 1er mars, les procédures de redémarrage du réacteur sont en cours. Elles indiquent que le circuit d’injection de sécurité doit être disponible.

Le 4 mars 2022, lors d’une ronde de surveillance, les équipes de la centrale constatent que le commutateur est toujours dans la position INH. Lorsqu’un réacteur est en fonctionnement, ce commutateur doit être en position neutre. Les équipes procèdent donc à sa remise en conformité. La fonction de recirculation du circuit RIS est disponible, conformément aux spécifications techniques d’exploitation.

Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations. En raison de la détection tardive de l’indisponibilité, la direction de la centrale de Gravelines a déclaré le 8 mars 2022 à l’Autorité de sûreté nucléaire un évènement significatif de sûreté au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-gravelines/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-gravelines/detection-tardive-de-lindisponibilite-dune-fonctionnalite-dun-circuit-de-sauvegarde-du-reacteur-de-lunite-ndeg1


Ce que dit l’ASN :

Détection tardive de l’indisponibilité partielle de la fonction de recirculation du circuit d’injection de sécurité du réacteur 1

Publié le 21/03/2022

Le 8 mars 2022, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de l’indisponibilité partielle de la fonction de recirculation du circuit d’injection de sécurité du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Gravelines.

Le circuit d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d’accident causant une brèche importante au niveau du circuit primaire du réacteur, d’introduire de l’eau borée sous pression dans celui-ci. Le but de cette manœuvre est d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur. Ce système de sauvegarde est alimenté en eau par des réservoirs. Afin de maximiser le volume d’eau disponible, un système de recirculation permet de réutiliser l’eau injectée. Ce système dispose de deux voies redondantes.

Dans le cadre de la quatrième visite décennale du réacteur 1, un nouveau panneau de signalisation et de commande est installé en salle de commande. Ce panneau permet de commander des équipements conçus pour la gestion d’un événement naturel extrême de type séisme ou inondation.

Le 9 février 2022, à l’issue des essais de bon fonctionnement des nouvelles commandes, l’un des commutateurs a été laissé en position inhibée. Cette position empêche l’ouverture d’une vanne d’une des voies du système de recirculation de l’eau déjà injectée. Or, à compter du 1er mars 2022, cette voie devait être disponible compte-tenu des procédures de redémarrage en cours. La mauvaise position du commutateur a été découverte le 4 mars 2022.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur. En raison de l’indisponibilité de l’équipement concerné, associée à sa détection tardive, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Dès la découverte de cette erreur, EDF a corrigé la position du commutateur restaurant ainsi la fonction de recirculation du circuit d’injection de sécurité.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/detection-tardive-de-l-indisponibilite-partielle-de-la-fonction-de


[1Le bore a la capacité d’absorber les neutrons. Il permet ainsi de moduler la réaction nucléaire en chaîne


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Installation(s) concernée(s)

Gravelines

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168