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Des accidents nucléaires partout

France : Gravelines : Alarme durant le redémarrage d’un réacteur

La surveillance de la puissance inopérante durant 3 heures




6 mai 2024


Fin avril 2024, alors que EDF relance la réaction nucléaire dans le réacteur 6 de la centrale de Gravelines (Nord), et qu’une surveillance très rapprochée de la montée en puissance lui est imposée, une alarme retentit en salle de commande : un capteur servant à mesurer l’activité dans la cuve ne marche plus. L’industriel mettra plus de 3 heures à rétablir son système de surveillance.


Crédit photo : André Paris

Le réacteur 6 de Gravelines était pourtant sous le coup d’une règle spécifique : lorsque les grappes de commandes [1], ces barres qui sont plus ou moins insérées dans la cuve au milieu du combustible et qui permettent lancer ou ralentir la réaction nucléaire sont manipulées ou ne peuvent pas remplir leur fonction, les alarmes signalant un problème avec la puissance du réacteur (donc avec la réaction nucléaire) doivent toutes être opérationnelles. Une surveillance ultra rapprochée en somme. Il faut dire que les changements de puissance, les phases dites transitoires, les moments où la réaction nucléaire évolue et n’est pas stabilisée, sont particulièrement délicates : elles présentent plus de risques de perte du contrôle de la réaction nucléaire en chaîne.

Malgré cette consigne particulière et alors que la montée en puissance en cours, un problème survient sur un capteur qui surveille la réaction nucléaire. La panne du capteur et la perte d’information associée a déclenché une alarme en salle de commande. Cette alarme a sonné durant plus de 3 heures, le temps que le capteur soit remplacé. Durant tout ce temps, l’alarme ne pouvait plus signaler un problème de puissance. De quoi douter de la qualité des vérifications des équipements requis lors du redémarrage du réacteur avant qu’il ne soit lancé. Et de la suffisance des dispositifs de surveillance lors de la montée en puissance du réacteur nucléaire. Alors même qu’une consigne particulière de surveillance rapprochée était imposée à EDF et que l’opération était particulièrement risquée.
Pour n’avoir pas respecté la consigne qui lui était imposée et avoir pris le risque de ne pas pouvoir identifier une perte de contrôle de la réaction nucléaire qu’il venait de lancer, l’industriel a déclaré un évènement significatif [2] pour la sûreté [3] le 3 mai aux autorités.

L.B.

Ce que dit EDF :

Non-respect d’une mesure compensatoire associée à une modification temporaire des spécifications techniques d’exploitation

Publié le 06/05/2024

Les spécifications techniques d’exploitation (STE) sont un recueil de règles d’exploitation approuvées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement d’une centrale nucléaire et les prescriptions de conduite du réacteur associées.

Le 30 avril 2024, l’unité de production n°6 est à l’arrêt pour simple rechargement et entame les activités préalables au redémarrage. Dans cette configuration du réacteur, EDF a mis en place une mesure compensatoire à une prescription particulière des spécifications techniques d’exploitation. Elle indique que lors de certaines manœuvres de grappes de commande, les alarmes permettant de mesurer de la réactivité dans le cœur doivent être disponibles.

A 12h37, l’une de ces alarmes apparait en salle de commande, entrainant son indisponibilité. Les équipes de la centrale procèdent à la remise en conformité d’un capteur assurant la surveillance permanente de la puissance du réacteur. Cette intervention permet d’acquitter l’alarme à 15h44 et de retrouver sa pleine disponibilité. Durant cette indisponibilité d’autres moyens redondants permettaient de mesurer l’activité du cœur.

L’alarme est restée indisponible durant 3 heures et 7 minutes, ne permettant plus de respecter la mesure compensatoire de la Prescription particulière des STE. Sans conséquence réelle sur la sûreté des installations ni sur la sécurité du personnel, cet événement a été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le 3 mai 2024 au niveau 1 de l’échelle INES, graduée de 1 à 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-gravelines/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-gravelines/declaration-dun-evenement-significatif-de-surete-de-niveau-1-non-respect-dune-mesure-compensatoire-associee-a-une-modification-temporaire-des-specifications


Ce que dit l’ASN :

Non-respect d’une prescription particulière des spécifications techniques d’exploitation (STE) du réacteur 6

Publié le 15/05/2024

Centrale nucléaire de Gravelines Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 3 mai 2024, l’exploitant de la centrale nucléaire de Gravelines a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté (ESS) relatif au non-respect d’une prescription particulière des STE du réacteur 6 concernant l’indisponibilité d’une alarme associée à la surveillance du flux neutronique du réacteur.

Les STE sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions associées pour la conduite des réacteurs, parmi lesquelles la surveillance du cœur du réacteur.

Le contrôle de la réaction nucléaire repose notamment sur des grappes de commande qui contiennent des matériaux absorbant les neutrons. Lors de la phase de redémarrage, ces grappes de commande ne sont pas encore requalifiées. Pour pallier cette indisponibilité, une prescription particulière des STE impose une surveillance du flux de neutrons, notamment par la disponibilité de l’alarme de « flux élevé ».

Le 30 avril 2024 à 12h37, alors que le réacteur 6 était en phase de redémarrage à la suite de son arrêt pour maintenance et rechargement, les équipes d’exploitation constatent l’apparition de l’alarme de « flux neutronique élevé » en salle de commande et considèrent celle-ci indisponible. Cette indisponibilité n’étant pas autorisée dans cet état de réacteur, l’application de consignes d’exploitation dédiées et le réglage du capteur de flux neutronique ont été réalisés, permettant de retrouver la disponibilité de cette alarme le 30 avril à 15h44.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement du fait notamment de la disponibilité d’autres dispositifs de surveillance du flux neutronique. Toutefois, en raison du non-respect d’une prescription particulière des STE, il a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-d-une-prescription-particuliere-des-ste-du-reacteur-6


[1Grappes de commande : Pour contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur, l’exploitant dispose de deux moyens principaux : - ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire, le bore ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire, - introduire les grappes de commande dans le cœur ou les en retirer, ces grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons. II convient, en marche normale du réacteur, de maintenir certaines grappes à un niveau suffisant, fixé par les spécifications techniques, d’une part pour que leur chute puisse étouffer efficacement la réaction nucléaire en cas d’arrêt d’urgence, d’autre part pour assurer une bonne répartition du flux de neutrons. https://www.asn.fr/lexique/G/Grappes-de-commande

[2Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[3La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


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Installation(s) concernée(s)

Gravelines

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