5 juillet 2021
Belleville, Flamanville, Nogent, Paluel, 4 sites nucléaires sont concernés, regroupant au total 10 réacteurs nucléaires. Chacun est équipé de 2 groupes électrogènes à moteur diesel. Ils doivent démarrer dès qu’il y a une coupure d’électricité. Ils sont d’une importance capitale pour éviter un accident, car un réacteur nucléaire doit ne doit jamais être privé d’eau ni d’électricité. On pourrait attendre d’un industriel, menant des activités à hauts risques, qu’il soit particulièrement précautionneux quant à l’entretien de ces équipements de secours. Mais non. La direction du parc nucléaire d’EDF vient de déclarer, début juillet 2021, qu’en raison d’un oubli dans les documents qui établissent le programme de maintenance de ces diesels, des pièces du moteur n’ont jamais été changées, alors qu’elles auraient dû l’être.
Il s’agit de flexibles des circuits de graissage et/ou d’alimentation en fioul du bloc moteur. Autrement dit des tuyaux par où passent graisse et carburant nécessaires au moteur. Pas des pièces accessoires donc. Il est bien indiqué dans le document en question que de manière générale, les flexibles doivent être remplacés tous les 7 cycles (sans qu’on sache à combien de temps équivaut un cycle). Mais pas dans le paragraphe concernant le moteur du groupe électrogène.
Comment se fait-il que ce qu’EDF nomme un "défaut documentaire" ait pu advenir et soit répercuté dans tous les documents de maintenance de tous les diesels de secours des réacteurs nucléaires de 1300MWe ? Ces documents n’ont-ils pas été vérifiés avant d’être édités et mis en application ?
D’ailleurs, depuis combien de temps ce programme de maintenance incomplet est-il en vigueur ? Et comment se fait-il que personne jusque là ne l’ai remarqué, ne se soit interrogé sur le fait que tous les tuyaux devaient être remplacés, sauf ceux du bloc moteur ?
Deux groupe électrogènes fonctionnant au diesel équipent chaque réacteur nucléaire et ils doivent être prêts à prendre le relai immédiatement pour fournir de l’électricité en cas de besoin. D’où la nécessité de faire une maintenance "préventive". L’idée étant d’anticiper, de prévenir, de faire en sorte que la panne n’arrive pas. Car quand EDF démarre une source électrique de secours d’un de ses réacteurs nucléaire, elle doit absolument fonctionner.
Ce n’est pas pour rien si tant de précautions sont prises concernant l’alimentation électrique des réacteurs nucléaires. Ces installations ne doivent jamais être privées d’électricité, car le combustible nucléaire, qu’il soit dans la cuve (en cours d’utilisation) ou dans les piscines (après utilisation), a toujours besoin d’être refroidi. Les systèmes de surveillance et les circuits de secours ont eux aussi besoin d’électricité pour fonctionner. D’où la multiplicité des sources électriques de secours pour chacun des 56 réacteurs nucléaires en fonctionnement en France.
Une multiplicité d’équipements pour une même fonction qui n’est pas de trop, puisqu’il n’est pas rare qu’une de ces sources électrique de secours ne soit pas en état de fonctionner. Déjà en 2016, une enquête du Journal de l’énergie révélait un état alarmant des diesels de secours. Depuis, de nombreuses déclarations d’incidents en lien avec l’état de ces équipements et leur incapacité à fonctionner ont été faites par EDF (voir notamment notre rubrique Et si la terre tremble ?, à cause d’erreurs lors d’opérations de maintenance. Avec des erreurs jusque dans les documents qui définissent quelle doit être cette maintenance et quand elle doit être faite, pas si étonnant que les groupes électrogènes de secours des réacteurs nucléaires soient si sujets aux avaries.
EDF a déclaré un évènement significatif pour la sûreté générique, puisqu’il concerne plusieurs sites nucléaires regroupant 10 réacteurs de 1300 MWe. L’Autorité de sûreté nucléaire a été prévenue par EDF le 11 juin 2021. Le public lui a été informé le 5 juillet. On ne sait pas quand EDF a découvert son "défaut documentaire", ni depuis combien de temps il perdurait. EDF affirme avoir vérifié les 20 moteurs diesels concernés et qu’aucune dégradation desdits flexibles n’a été constatée. Tous les flexibles seront quand même changés. Quand cette maintenance préventive sera-t-elle faite ? Ça non plus, EDF ne le dit pas. Il n’y a pas eu de conséquences réelle précise l’exploitant nucléaire. Mais sa petite erreur documentaire est quand même significative : elle a directement impacté les dispositifs de secours et donc, la sûreté de 10 réacteurs nucléaires. Et sans qu’EDF ne soit au courant qui plus est.
L.B.
Défaut documentaire du programme de maintenance des diesels de secours
Evénement sûreté
Publié le 05/07/2021
Tout équipement d’une centrale nucléaire fait l’objet d’un programme de maintenance préventive, dans lequel sont définies les opérations nécessaires au maintien des performances du matériel et les périodicités associées.
Dans les documents relatifs à la maintenance des diesels de secours du palier 1 300 MWe*, il est indiqué de manière générale, la nécessité de remplacer les flexibles tous les 7 cycles. Si cette demande a bien été reprise dans chaque paragraphe dédié à une partie du matériel, cette mention a été oubliée dans le paragraphe consacré au bloc moteur.
Les documents techniques ont été corrigés et mis à jour. Toutefois, cette imprécision a conduit au non-respect de la périodicité prescrite pour le remplacement des flexibles du circuit de graissage et/ou d’alimentation en fioul du bloc moteur sur des diesels de secours installés sur les sites de Belleville, Flamanville, Nogent-sur-Seine et Paluel.
Les contrôles menés sur l’ensemble des diesels impactés ne démontrent pas de dégradation des flexibles liée au non-respect de la périodicité de remplacement et ainsi la disponibilité des matériels.
Les activités des remplacements des flexibles sont programmées.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur la sûreté des installations, l’analyse montrant la disponibilité des diesels ainsi que des autres sources d’alimentation électriques (dont le second diesel de chaque tranche). La direction du parc nucléaire a déclaré un événement significatif de sûreté de niveau 0 sous l’échelle INES, qui en compte 7, à l’Autorité de sûreté nucléaire le 11 juin 2021 .