18 juillet 2019
Nouvelle prise de risque avec la réaction nucléaire à l’usine de fabrication de combustible Framatome de Romans-sur-Isère (Drôme), où des bouteilles d’uranium en poudre ont été stockées en dehors des zones autorisées. Elles ont été déplacées pour une "opération d’exploitation", mais personne n’a semble-t-il pensé à les remettre ensuite sur l’espace d’entreposage autorisé. L’exploitant ne précise pas la date de l’opération d’exploitation, on ne sait donc pas combien de temps ces matières nucléaires ont été oubliées dans un espace interdit.
Les entreposages de matières fissiles (dont le noyau peut être fissionné par un neutron) sont très strictement réglementés dans les installations nucléaires, car une réaction nucléaire peut se déclencher toute seule si une quantité trop importante est rassemblée au même endroit. Ce nouvel incident vient donc souligner une fois de plus la méconnaissance des règles de sûreté de base dans cette installation et les violations récurrentes des règles d’exploitation censées régir le fonctionnement de l’installation et garantir un minimum de sûreté.
En effet, ce n’est pas un incident isolé dans cet usine de fabrication de combustible nucléaire. La prise de risque avec la criticité est même une thématique récurrente, que ce soit dans l’atelier de Conversion qui transforme l’HF6 en poudre d’oxyde d’uranium, ou dans l’atelier de Pastillage qui transforme la poudre en pastilles d’uranium enrichi, pastilles qui placées ensuite dans des gaines en zirconium constitueront les crayons de combustibles.
En quelques semaines à l’automne 2018, 3 évènements significatifs pour la sûreté ont été déclarés par le site nucléaire de Romans-sur-Isère :
▸ des matières fissiles ont été stockées sur un emplacement non autorisé mais qui a pourtant été balisé, juxtaposé à l’entreposage réglementaire. Elle sont restées 2 mois sur cet emplacement risqué et interdit avant que l’exploitant ne se rende compte de la situation ;
▸ une trop grande quantité de matière fissile a été réunie et manipulée sur un même poste de travail, et c’était cette fois-ci de l’uranium très enrichi (pouvant aller jusqu’à 93,5%) ;
▸ une accumulation de pastilles d’uranium et de résidus de matières fissiles découverte dans une machine qui dépassait la quantité maximale prévue dans la démonstration de sûreté.
Sans oublier qu’en mars 2018, une rupture de tuyauterie avait inondé un atelier de récupération d’uranium enrichi. C’est un employé qui a découvert la situation par hasard, la fuite était en cours depuis une durée indéterminée. Alors que les infiltrations dans différents locaux avaient rendus inopérants plusieurs systèmes, dont la ventilation assurant le confinements des matières radioactives au sein de l’installation ! Et sans oublier non plus qu’en mars 2019, de la poudre d’uranium enrichi a été entreposée dans des sacs en vinyle, alors que ce type d’emballage est formellement interdit pour entreposer cette matière radioactive.
Ce nouvel incident déclaré mi juillet 2019 n’est donc qu’un exemple de plus d’un manque de culture de sûreté et de rigueur de l’exploitant de cette installation dédiée au combustible nucléaire. Violations multiples et répétées des règles d’exploitations, prises de risques avec la criticité, la radioprotection et la dissémination de matières radioactives... À penser que l’Autorité de sûreté nucléaire a été bien optimiste en arguant d’améliorations en terme de management de la sûreté et de rigueur d’exploitation et qu’elle a levé un peu trop tôt la surveillance renforcée sous laquelle était placée l’installation depuis 2014*.
L.B.
Le 19/07/2019
Framatome Romans : entreposage d’un chariot dans un emplacement non autorisé
Sur le site Framatome de Romans-sur-Isère, l’installation des combustibles de puissance est dédiée à la fabrication de combustibles uranium pour alimenter les réacteurs de production d’électricité. Dans cette installation, l’atelier conversion a pour mission de transformer l’hexafluorure d’uranium (UF6) en poudre d’oxyde d’uranium.
L’uranium, sous forme de poudre, est parfois transporté dans des bouteillons. Afin de prévenir les risques de criticité [1], les règles générales d’exploitation de l’installation prévoient que les bouteillons soient entreposés en chariots porte-bouteillons sur des emplacements balisés. Or, le 12 juillet, lors d’une ronde, un salarié a constaté la présence d’un chariot de matières nucléaires hors de son emplacement dédié.
Le chariot avait été déplacé lors d’une opération d’exploitation et il n’a pas été remis à son emplacement spécifique. Dès détection, le chariot a été remis sur son emplacement dédié.
Cet évènement, qui n’a eu aucune conséquence sur le personnel ou l’environnement, constitue un écart aux règles générales d’exploitation, relatif à la prévention du risque de criticité. C’est pourquoi, Framatome Romans a proposé à l’Autorité de Sûreté Nucléaire de le classer au niveau 1 de l’échelle internationale des évènements nucléaires (INES**) graduée jusqu’à 7.
Non-respect d’une règle de maîtrise de la criticité
Publié le 29/07/2019
Usines Framatome de fabrication de combustibles nucléaires - Fabrication de substances radioactives - Framatome
La société Framatome a déclaré le 17 juillet 2019 à l’ASN un événement significatif relatif à la maîtrise du risque de criticité [2].
L’événement est survenu dans l’usine de fabrication de combustible située sur la commune de Romans-sur-Isère (Drôme), dans l’installation nucléaire de base (INB) n° 98, dédiée à la fabrication d’éléments combustibles standards utilisés dans les réacteurs à eau sous pression. La matière nucléaire utilisée dans cette installation est de l’uranium à un taux d’enrichissement maximal de 5 %.
Dans cette installation, certaines catégories de matière uranifère du processus de fabrication sont conditionnées dans des conteneurs de type « bouteillons », qui sont ensuite entreposés soit directement au sol, soit en chariots porte-bouteillons sur des emplacements balisés.
Le 12 juillet 2019, un opérateur a détecté lors d’une ronde la présence d’un chariot de matières nucléaires entreposé en dehors d’un emplacement dédié.
Dès la détection de cette anomalie, les équipes de Framatome ont déplacé le chariot présent vers un emplacement autorisé.
Cet évènement n’a pas eu de conséquence sur les travailleurs ou sur l’environnement.
En raison du non-respect, pendant plusieurs heures, des règles générales d’exploitation de l’installation relatives à la prévention du risque de criticité, l’incident a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des évènements nucléaires graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
* Appréciation 2018 par l’ASN de l’usine Framatome de Romans-sur-Isère :
Framatome a maintenu en 2018 ses efforts en matière de rigueur d’exploitation et a mis en œuvre un programme ambitieux de travaux au sein des deux installations.
En 2018, le site a notamment poursuivi le renforcement des effectifs dans les domaines suivants : sûreté, conduite des projets, contrôles réglementaires et surveillance des prestataires.
Au cours de l’année 2018, l’ASN a contrôlé la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre des réexamens périodiques de la sûreté des deux INB (INB 98 et 63) : ces engagements consistent en des études complémentaires de sûreté ou en la mise en œuvre de travaux de renforcement des bâtiments (gestion du risque d’incendie, renforcements parasismiques, amélioration du confinement).
L’amélioration du management de la sûreté et de la rigueur d’exploitation se confirme. Ces renforcements doivent cependant être poursuivis, notamment par la systématisation du contrôle des activités. En effet, 4 événements en lien avec la prévention du risque de criticité, dont 3 ont fait l’objet d’inspections réactives de l’ASN, ont été déclarés et classés au niveau 1 de l’échelle INES en 2018.
En matière de radioprotection, la situation s’est améliorée mais peut encore progresser sur certains aspects. Les enjeux dosimétriques restent toutefois modérés au niveau des installations, qui ne mettent pas en œuvre d’uranium de retraitement.
En matière de protection de l’environnement, le site doit encore progresser sur la maîtrise des filières des déchets, notamment sur la distinction entre déchets radioactifs et déchets conventionnels.
Compte‑tenu des améliorations significatives réalisées par le site en matière de management de la sûreté, d’organisation et de rigueur d’exploitation, l’ASN a décidé en mai 2018 de lever le dispositif de surveillance renforcée de ce site, qui avait été mis en place en 2014. https://www.asn.fr/L-ASN/L-ASN-en-region/Auvergne-Rhone-Alpes/Installations-nucleaires/Usines-de-fabrication-de-combustibles-nucleaires-de-Romans-sur-Isere
** INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES
[1] Le risque de criticité est le risque de démarrage d’une réaction nucléaire en chaîne lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit. Afin de prévenir ce risque, les quantités de matière sont limitées dans les installations et entreposées de façon stricte.
[2] Le risque de criticité est défini comme le risque de démarrage d’une réaction nucléaire en chaine lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit. Pour prévenir ce risque, les règles générales d’exploitation de l’installation prévoient, notamment, la limitation de la masse de matière présente à chaque étape de fabrication et le contrôle de la géométrie de la matière fissile.