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Des accidents nucléaires partout

France : Cruas : Un système coupe-feu hors service depuis 5 ans

La fréquence des contrôles et la qualité des interventions en question




17 mars 2022


À la centrale de Cruas (Ardèche), lors de l’arrêt du réacteur 4 en mars 2022, EDF a découvert qu’un système empêchant la propagation d’un incendie par les conduites de ventilation était hors-service. En cause, une intervention de maintenance datant de 2017. Le clapet en question avait pourtant été vérifié en 2018. En cas de feu, il n’aurait pas été possible de fermer ce clapet qui fait office de porte coupe-feu dans le système de ventilation et protège ainsi la salle de commande du réacteur.


En cas d’incendie, de montée de radioactivité, d’incendie ou de dégagement de chaleur extrême, le système de ventilation doit pouvoir être fermé pour éviter la dissémination de particules radioactives, la propagation des flammes et préserver une atmosphère viable pour le personnel et le matériel dans les locaux. Ce clapet hors-service depuis 5 ans empêchait donc la protection de la salle de commandes du réacteur 4. D’après EDF, sa fermeture automatique "aurait pu être retardée". Étant donné l’absence de fusible externe et le mauvais calibre du fusible interne qui commande sa fermeture, il y a de quoi remettre sérieusement en question sa capacité à fonctionner et, en tout état de cause, la rapidité avec laquelle le clapet se serait fermé, alors que le facteur temps est déterminant en cas d’accident.

Comment une double erreur a-t-elle pu être commise sur un dispositif si important ? Et comment se fait-il qu’elle n’ait pas été découverte plus tôt ? EDF précise que les contrôles de ces systèmes ont lieu tous les 4 ans environ, le dernier remontant à 2018. Un délai qui parait bien long étant donné l’enjeu. C’est donc non seulement la qualité des interventions d’entretien et celles des contrôles techniques qui s’ensuivent qui est remise en question, mais aussi la qualité et la fréquence des vérifications des équipements qui sont effectuées en prévention.

Quand on sait que le risque incendie est le risque majeur dans une installation nucléaire, qu’une telle chaîne de dysfonctionnements existe et perdure si longtemps a de quoi laisser dubitatif quant à la compétence d’EDF en tant qu’exploitant d’une centrale nucléaire. Certes, les faits n’ont pas eu d’impact réel sur la sûreté, puisqu’il n’y a - heureusement - pas eu d’incendie sur le réacteur 4 de Cruas au cours des 5 dernières années. Mais ces faits démontrent qu’EDF ne maîtrise ni les risques, ni l’état de ses installations comme il le devrait. Et que lorsque des problèmes surviennent, même lorsqu’ils sont causés par l’industriel lui-même, il est tout à fait possible qu’EDF ne les détecte pas pendant de très longs laps de temps.
L’exploitation d’une centrale nucléaire est intrinsèquement une activité risquée, mais si celui qui est aux commandes manque de rigueur, de compétences et de qualité, ces risques sont décuplés.

L.B.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un évènement significatif sûreté de niveau 1 relatif à un défaut prolongé de sectorisation

Publié le 17/03/2022

Le système de conditionnement et de ventilation de la salle de commande (DVC) permet, en cas de situation accidentelle, son confinement, tout en assurant des bonnes conditions de température et d’humidité pour le bon fonctionnement des matériels et la présence des salariés.

Le 10 mars 2022, l’unité de production n°4 est à l’arrêt pour maintenance programmée. Le contrôle de fermeture des clapets coupe-feu du système DVC et le remplacement des fusibles associés est programmé. Il est réalisé tous les 4 cycles, c’est-à-dire tous les 4 arrêts programmés pour renouvellement du combustible.

Au cours de l’intervention, il est constaté sur l’un des clapets l’absence du fusible externe et le calibre erroné du fusible interne, qui commandent la fermeture de ce clapet en cas d’incendie. En cas de montée en température ou de départ de feu avéré, ces défauts auraient pu entraîner un retard dans la fermeture automatique du clapet coupe-feu, conduisant à un possible défaut de sectorisation incendie.

Les deux fusibles interne et externe de l’actionneur du clapet ont été remplacés et l’essai de manœuvrabilité est satisfaisant.

Les premières analyses a posteriori relèvent que le défaut serait présent depuis une intervention réalisée en 2017 sur ce même matériel et que le contrôle réalisé en 2018 n’aurait pas permis de détecter celui-ci.

Aucun incendie n’ayant affecté les locaux concernés, cet événement n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté de l’installation.

Toutefois, en raison de l’impact potentiel et du caractère tardif de sa détection, la direction de la centrale de Cruas-Meysse a déclaré le 16 mars 2022 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/declaration-dun-evenement-significatif-surete-de-niveau-1-relatif-a-un-defaut-prolonge-de-sectorisation


Ce que dit l’ASN :

Défaillance d’un clapet coupe-feu du système de ventilation de la salle de commande

Publié le 23/03/2022

Le 16 mars 2022, EDF a déclaré à l’ASN un évènement significatif pour la sûreté relatif à la découverte, le 10 mars 2022, lors de la réalisation d’un contrôle périodique, de défauts affectant les fusibles thermiques d’un clapet coupe-feu du système de ventilation de la salle de commande (DVC) du réacteur 4.

Les clapets coupe-feu participent à la limitation de la propagation au travers des circuits de ventilation des fumées issues d’un incendie. Ainsi, les bâtiments sont sectorisés en volumes de feu distincts, qui permettent, en cas d’incendie, d’éviter que des équipements redondants soient affectés simultanément par un même incendie. Les clapets coupe-feu sont commandés à distance et sont également munis de fusibles thermiques qui permettent d’assurer leur fermeture en cas d’élévation de température dans un local.

Les investigations conduites par EDF ont mis en évidence que le clapet concerné était équipé d’un fusible interne de calibre supérieur à celui requis et que son fusible thermique externe était absent. Ces défauts auraient entraîné une fermeture tardive du clapet en cas d’élévation de température. Ils auraient pour origine le remplacement du clapet coupe-feu en mai 2017 et n’ont pas été détectées lors d’un précédent contrôle périodique réalisé en juillet 2018.

Le clapet concerné a été remis en conformité.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l’environnement. Toutefois, ces anomalies auraient entrainé un retard dans la fermeture du clapet en cas d’incendie et auraient pu conduire à la propagation d’un incendie entre volumes de feu de sûreté normalement sectorisés.

En raison de la détection tardive de ces anomalies, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/defaillance-d-un-clapet-coupe-feu-du-systeme-de-ventilation-de-la-salle-de-commande


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Installation(s) concernée(s)

Cruas

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144