22 mai 2023
La surveillance des équipements, y compris des plus importants, laisse à désirer à la centrale nucléaire de Cruas (Auvergne-Rhône-Alpes). Un enregistrement du niveau de radioactivité dans le bâtiment du réacteur 3 mais aussi sur le reste du site nucléaire a cassé et donnait des données fausses. Mais ce n’est que 8 mois plus tard que EDF s’en est aperçu.
Si la panne est survenue début septembre 2022, ce n’est que mi-mai 2023 qu’elle a été détectée. Un délai bien trop long et très embêtant quand il s’agit de mesurer les rejets radioactifs, le niveau de radioactivité dans les bâtiments et sur le site nucléaire. Même lorsque les opérations nécessitaient que l’enregistreur fonctionne, EDF ne s’est pas rendu compte de sa défaillance car il continuait à imprimer des données sur du papier, mais celles-ci étaient fausses. Et personne n’a songé à les vérifier....
C’est dire qui les contrôles préalables aux activités ont été faites avec efficacité... ! Autant dire que la préparation d’interventions et la radioprotection ont été franchement mises à mal. EDF ne semble pas faire grand cas des systèmes censés surveiller l’activité de son réacteur. Ce qui est pourtant le cœur de métier d’un exploitant nucléaire.
Des faits qui en disent long sur le manque de vérifications et la qualité ds contrôles des équipements à la centrale de Cruas. La panne, mécanique, n’était pas visible. Puisqu’il aura fallu plus de 8 mois pour la détecter, EDF ne fait manifestement pas de contrôle complet de cet équipement. Ou alors trop peu souvent. Quid de la maintenance préventive ? Des essais de bon fonctionnement ?
"Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle" argue l’exploitant de la centrale nucléaire de Cruas, grâce à la "redondance des informations liées à la surveillance post-accidentelle". Comprendre que, en cas d’accident, il y aurait eu d’autres moyens d’avoir des d’informations sur l’état du réacteur, les rejets à l’extérieur et le niveau de radioactivité ambiant dans les bâtiment. Car comme la plupart des systèmes vraiment important, l’enregistreur était en double. Mais la question qui se pose est est-ce que l’autre enregistreur aurait fonctionné ? EDF n’a pas vu la défaillance de l’un durant 8 mois, alors peut-il vraiment garantir que les autres équipements n’avaient pas eux aussi de panne cachée ?
Quoiqu’en dise l’exploitant, qui résume les faits au "non-respect de spécifications techniques", c’est là le véritable enjeu, le problème de fond que pointe cet incident : EDF sait-il vraiment ce qui marche et ne marche pas dans ses réacteurs nucléaires ?
L.B.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les spécifications techniques d’exploitation de l’unité de production n°3
Publié le 22/05/2023
Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles encadrent notamment les interventions réalisées sur les équipements contribuant à la sûreté et prescrivent la conduite à tenir en cas d’indisponibilité de matériels à travers le chapitre dédié aux spécifications techniques d’exploitation.
Le 3 septembre 2022 à 02h30, l’unité de production n°3 est en arrêt programmé pour visite partielle à l’état réacteur complètement déchargé (RCD). La courroie interne d’un enregistreur [1] du système de mesures de radioprotection casse de manière non visible. Le sélecteur de voies continue de fonctionner, le papier défile normalement et les valeurs mesurées sont affichées. La défaillance de l’enregistreur n’est pas détectée.
Le 25 septembre 2022, l’unité de production n°3 est à l’état arrêt pour intervention (API) fermé. L’enregistreur est requis au titre de la surveillance post-accidentelle pour une des quatre chaînes de mesures d’activité présentes sur l’enregistreur. La défaillance de l’enregistreur n’est pas détectée.
Le 15 mai 2023, l’écart entre la valeur affichée sur l’enregistreur et celle attendue est détecté. Après analyse, un défaut mécanique de l’enregistreur est mis en évidence et l’enregistreur concerné est remplacé puis remis en conformité le même jour, le 15 mai 2023.
Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations du fait de la redondance des informations liées à la surveillance post-accidentelle. Toutefois, en raison de la détection tardive du non-respect des spécifications techniques d’exploitation, la direction de la centrale de Cruas-Meysse l’a déclaré, le 17 mai 2023, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), en tant qu’évènement significatif sûreté au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.
Non-respect de la conduite à tenir associée à l’indisponibilité d’un système de mesure de la radioactivité
Publié le 25/05/2023
L’exploitant de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le 17 mai 2023, un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la conduite à tenir associée à l’indisponibilité d’un système de mesure de la radioactivité du réacteur n°3.
Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées. Elles prescrivent notamment des conduites à tenir et des délais d’intervention en cas d’indisponibilités fortuites de matériels, en fonction de leur importance pour le maintien en état sûr du réacteur.
Le 15 mai 2023, l’exploitant a détecté une anomalie de mesure du système de surveillance de la radioactivité (KRT) du réacteur 3. Ce système de mesure de la radioactivité permet de surveiller les rejets radioactifs et les niveaux d’activité à l’intérieur des bâtiments et sur le site. Ces valeurs sont transcrites sur un enregistreur papier. Après analyse, l’exploitant a identifié que cette anomalie était due à la rupture de la courroie assurant le positionnement de l’aiguille de l’enregistreur. Cette défaillance datait du 3 septembre 2022, lorsque le réacteur était en arrêt pour rechargement en combustible, mais n’avait pas été identifiée.
L’exploitant a procédé, le 15 mai 2023, au remplacement de l’enregistreur défectueux. Toutefois, le fonctionnement du système de surveillance de la radioactivité était requis par les RGE du réacteur, pendant son fonctionnement, à partir du 22 septembre 2022. Sa détection tardive n’a pas permis à l’exploitant de respecter la conduite prescrite par les RGE dans cette situation.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur l’environnement ou sur les travailleurs. Toutefois, compte-tenu de sa détection tardive au regard de la conduite à tenir préconisée par les règles générales d’exploitation (RGE) du réacteur 3, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.
[1] L’enregistreur concerné, en redondance avec un autre du même type, permet, en situation post-accidentelle, de disposer d’informations concernant l’état du réacteur et d’assurer la surveillance de l’installation. En particulier, il permet de visualiser la mesure d’activité présente à l’intérieur de l’enceinte du Bâtiment Réacteur.