18 novembre 2020
L’exploitant de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (Ardèche) semble perdu dans les règles à suivre pour gérer son installation de manière à minimiser les risques qu’elle génère. Non seulement il valide un essai alors qu’il y avait un problème matériel qui n’a pas été détecté (ce qui remet en question la fiabilité de la procédure d’essai et la validité des tests), mais il lance plusieurs interventions en même temps sur le même réacteur, sans tenir compte de leur simultanéité et des conséquences associées.
En traitant ainsi les choses une par une et non dans leur globalité, EDF ne peut pas avoir de vision globale de ce qu’il se passe sur son installation. Ni s’assurer qu’il n’y aura pas de problèmes générés par la coexistence de plusieurs activités. Encore moins adapter la conduite à tenir en fonction de l’état réel des équipements. Des défauts sur des équipements électriques qui devront être remplacés, un mauvais réglage de mécanismes de commande rendant des systèmes indisponibles et en parallèle d’autres essais lancés en même temps qui n’auraient pas dû être autorisés puisque rendant eux aussi des équipements indisponibles... Ce n’est qu’après-coup qu’EDF s’est rendue compte qu’elle aurait dû tenir compte de l’ensemble des faits et adapter en conséquence sa conduite du réacteur. Ce n’est qu’après-coup que l’exploitant s’est rendu compte que sa source électrique de secours était hors service. Un exploitant qui pilote une centrale nucléaire à l’aveugle, sans même s’en rendre compte... La gestion de l’installation serait-elle devenue trop complexe pour EDF ?
L.B.
Déclaration d’un événement significatif de niveau 1 sur l’échelle INES concernant la détection a posteriori de non-respects des spécifications techniques d’exploitation
Publié le 18/11/2020
Le 4 novembre 2020, l’unité de production n°4 de la centrale de Cruas-Meysse est en arrêt programmé pour visite partielle. Un essai périodique est réalisé à deux heures du matin sur le turboalternateur de secours*, il est considéré satisfaisant et cet équipement est déclaré disponible.
Le lendemain après-midi, une analyse complémentaire établit qu’en raison d’une anomalie matérielle, l’équipement était en réalité indisponible. Des interventions techniques sont alors réalisées pour garantir le bon fonctionnement du turboalternateur de secours. Le 10 novembre, celui-ci est à nouveau disponible.
Cependant, il apparaît a posteriori qu’entre le 4 et le 5 novembre, la réalisation simultanée de deux activités du programme d’arrêt sur la même unité de production, cumulées à l’indisponibilité du turboalternateur de secours, modifiait la conduite des règles d’exploitation. Cette situation constitue un écart aux spécifications techniques d’exploitation, même si l’indisponibilité n’était pas connue au moment de l’événement.
Cet événement n’a pas eu de conséquences sur les installations, sur les personnes ou sur l’environnement. Il a été déclaré par la Direction de la centrale de Cruas-Meysse le 16 novembre 2020 à l’Autorité de sûreté nucléaire, au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.
*Chaque unité de production dispose d’un turboalternateur de secours. Il est actionné par de la vapeur et permet d’assurer l’alimentation électrique de plusieurs matériels et équipements, dans le cas où l’unité de production perdrait totalement ses deux alimentations électriques extérieures (lignes branchées sur le réseau national de transport d’électricité) ainsi que chacun de ses deux groupes électrogènes diesel de secours.
Détection tardive de l’indisponibilité du turbo-alternateur de secours et cumul d’indisponibilités de matériels
Publié le 08/12/2020
Centrale nucléaire de Cruas-Meysse - Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 16 novembre 2020, à l’occasion du redémarrage du réacteur 4 après son arrêt pour maintenance et renouvellement partiel du combustible, l’exploitant de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif à la détection tardive de l’indisponibilité du turbo-alternateur de secours du réacteur.
La centrale nucléaire de Cruas-Meysse est alimentée en électricité par deux lignes à très haute tension du réseau électrique. En cas de défaillance de ces alimentations externes, les réacteurs du site sont chacun équipés de deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel. Le site dispose en outre d’un groupe électrogène de secours supplémentaire capable d’alimenter l’un ou l’autre des réacteurs. Chacun de ces groupes électrogènes est en mesure d’alimenter en électricité les matériels permettant de maintenir un réacteur dans un état sûr. Néanmoins, pour pallier le risque de perte totale des alimentations électriques, tous les réacteurs sont équipés d’un turbo-alternateur de secours alimenté par la vapeur des générateurs de vapeur et capable d’assurer l’alimentation électrique des équipements minimaux de conduite, de l’éclairage d’ultime secours et de la pompe d’injection aux joints des groupes motopompes primaires pour éviter que ces derniers ne se détériorent. Enfin, à la suite de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, un troisième groupe électrogène de secours, plus résistant aux agressions externes, a été installé sur chaque réacteur : il s’agit du diesel d’ultime secours (DUS).
Le 4 novembre 2020, l’exploitant a procédé à la réalisation d’un essai périodique sur le turbo-alternateur de secours du réacteur 4. L’objectif de cet essai était de vérifier le bon démarrage de la pompe d’injection aux joints des groupes motopompes primaires en l’alimentant par le turbo-alternateur de secours. Les résultats de l’essai n’ont pas été satisfaisants, ce qui a conduit EDF à identifier des défauts matériels sur des composants électriques et un mauvais réglage du mécanisme de commande de la soupape de réglage de vapeur.
Dès la détection de l’indisponibilité du turbo-alternateur, l’exploitant a procédé au remplacement des composants électriques et a procédé au réglage de la soupape de réglage de vapeur. Le 10 novembre 2020, le turbo-alternateur était disponible à nouveau.
Toutefois, durant la période d’indisponibilité du turbo-alternateur, des essais sur d’autres équipements ont été réalisés alors qu’ils occasionnaient également des indisponibilités de matériels, qui n’auraient rétrospectivement pas dû être autorisées simultanément.
Cet événement n’a pas eu de conséquence immédiate sur les installations, sur l’environnement ou sur les travailleurs. Il a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité) par l’exploitant en raison du caractère tardif de la détection de l’indisponibilité du turbo-alternateur et du non-respect des règles en cas de cumul des indisponibilités des matériels.