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Des accidents nucléaires partout

France : Cruas : Débordements et fuites récurrentes

Trop-plein d’eaux polluées, cuve percée et manque de surveillance : EDF déclare un nouvel incident mais n’explique rien




2 août 2024


À 4 reprises au cours des 2 derniers mois, le déshuileur, un système de dépollution des eaux industrielles de la centrale nucléaire de Cruas (Auvergne Rhône-Alpes), a débordé. Le trop-plein s’est déversé dans la salle des machines du réacteur 4, dans une cuve dite "de récupération". Mais celle-ci était percée.


Crédit photo : André Paris

EDF ne précise ni les raisons des débordements du déshuileur (un système fait pour récupérer les huiles et les hydrocarbures contenus dans les eaux industrielles), ni les quantités d’eaux souillées qui se sont déversées dans la salle des machines du réacteur. Pas non plus d’indication sur les concentrations des substances polluantes dans ces eaux usées, ni sur les durées des débordements, des écoulements et des infiltrations sous la salle des machines. Quant aux raisons de l’inétanchéité du revêtement en inox de la cuve de "récupération", là encore, mystère.

Il faut dire que le communiqué de l’industriel, s’il a le mérite d’exister, est plutôt succin. Trois petits paragraphes, aucune explication et une affirmation : "pas d’impact réel sur l’environnement". Sans aucun élément pour l’étayer. Sans notion des quantités qui ont débordé, des durées des fuites, des teneurs des différentes substances contenues dans ces eaux polluées, impossible de se faire une idée de l’impact environnemental de ces fuites répétées.

En revanche, les faits relatés démontrent à la fois un manque d’entretien des équipements et un manque de surveillance du fonctionnement de l’installation.
Le déshuileur est une sorte de puits, qui collecte les eaux souillées par les équipements non-nucléaires. Les huiles et les hydrocarbures se déposent en haut du puits, en surface de l’eau puisqu’ils sont plus légers. Le contenu du puits est ensuite pompé par le bas de celui-ci, ce qui permet d’aspirer l’eau et de laisser dans le puits les substances polluantes collectées. Or, pour que ce puits déborde à 4 reprises entre le 27 mai et le 30 juillet 2024, c’est bien que personne n’est allé en vérifier le niveau. Ou que les alarmes censées alerter sur le taux de remplissage n’étaient pas opérationnelles.

Chaque débordement du déshuileur a donc entraîné la couche d’hydrocarbures et d’huiles qui s’y était accumulée avec les eaux usées. Le tout s’est déversé dans une cuve dite de récupération, en bas de la salle des machines, qui n’est censée récupérer que des eaux déjà dépolluées. Est-ce pour cette raison que EDF n’avait pas pris la peine de réparer les dégradations de son revêtement ? L’industriel laissait-il fuiter la cuve de récupération, sachant que son contenu s’infiltrait au travers mais que n’étant que peu pollué, les conséquences étaient minimes ? Ou n’avait-il pas contrôlé le bon état de l’équipement depuis longtemps ?
Quoiqu’il en soit, le revêtement fissuré ne fait plus office de barrière d’étanchéité. Un manque de maintenance évident, et un laisser-aller sur l’entretien des équipements, même lorsqu’il s’agit de protection contre d’éventuelles atteintes environnementales.

Il y a peu à Cruas, ce sont des isolations thermiques qui ont été imbibées de combustible lors d’un chantier et qui ont commencé à prendre feu lorsqu’elles ont été remises au contact d’un équipement qui chauffait. Le manque de rigueur sur la tenue et l’entretien des équipements démontré par ce nouvel incident n’est donc pas un cas isolé.
Pour ces fuites répétées, EDF a déclaré aux autorités un évènement significatif pour l’environnement le 31 juillet 2024 [1]. L’industriel n’explique pas pourquoi 4 débordements sont survenus avant qu’il ne comprenne qu’il y avait un problème de fonctionnement dans son installation. Il a entamé les travaux de réfection de la cuve de récupération, pour la rendre de nouveau étanche. Il était temps. Dommage qu’il faille qu’un incident survienne et qu’il faille qu’il se répète plusieurs fois pour que l’exploitant nucléaire analyse la situation et se décide à agir.

L.B.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif environnement

Publié le 02/08/2024

Mercredi 31 juillet 2024, EDF a déclaré à l’Autorité de Sûreté Nucléaire un événement significatif environnement relatif à la présence ponctuelle d’effluents du circuit secondaire dans une cuve de récupération  [2] dont le cuvelage en inox est inétanche (travaux de réparation en cours).

Quatre situations d’exploitation distinctes entre le 27 mai et le 30 juillet 2024 ont conduit au débordement de la fosse du déshuileur vers la cuve de récupération. Dès détections de ces débordements, des moyens palliatifs ont été mis en place de manière réactive.

Cet évènement n’a pas eu d’impact réel sur l’environnement, au regard des effluents concernés (eaux issues du circuit secondaire pouvant contenir des traces d’huile, eaux brutes). Cependant, en raison du caractère répétitif du débordement, la direction de la centrale de Cruas-Meysse a déclaré cet évènement le 31 juillet 2024 auprès de l’Autorité de Sûreté Nucléaire sous la forme d’un évènement significatif pour l’environnement.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/declaration-dun-evenement-significatif-environnement-1


[1Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[2La cuve de récupération est située au niveau de la salle des machines de l’unité de production n°4 (partie non nucléaire de l’installation). Elle récupère d’une part, les effluents ayant transité dans le circuit secondaire après passage dans un déshuileur et d’autre part, des effluents ne nécessitant pas de déshuilage. Cette cuve de récupération est constituée d’une fosse en béton sur laquelle est apposée un cuvelage en inox.


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Installation(s) concernée(s)

Cruas

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144