5 février 2018
Le 17 janvier 2018, un réservoir contenant un mélange de sodium et de potassium, alliage très réactif au contact de l’air et de l’eau, est découpé dans un atelier sur le site de Creys-Malville. Sauf que l’exploitant a mal estimé la quantité de solution restant dans le réservoir et l’a manipulé sans les précautions nécessaires. La solution toxique s’est répandue et a commencé à réagir au contact de l’air ambiant, conduisant à la formation de gaz, de chaleur et de superoxyde, matière extrêmement réactive. Des mesures d’urgence ont été prises, le chantier est suspendu. Le rapport des inspecteurs de l’ASN qui se sont rendus sur les lieux pour comprendre comment un tel accident a pu se produire ne laisse planer aucun doute : ce réservoir n’aurait pas du se trouver là ni être démantelé, il ne correspond pas à l’équipement prévu d’être traité dans cet atelier. Et comment cela a-t-il pu arriver ? Parce que EDF ne surveille ni suffisamment ni efficacement les entreprises sous-traitantes à qui elle confie les activités les plus risquées. Initialement déclaré au niveau zéro par l’exploitant, l’évènement vient d’être reclassé au niveau 1 à la demande de l’ASN.
L.B.
Le 02/02/18
Déclaration d’un évènement Significatif Sûreté de niveau 1 (échelle INES) lié au traitement d’un réservoir sodé
Le 16 janvier 2018, un réservoir contenant une faible quantité de NaK [1] (de l’ordre de quelques grammes) doit être démantelé dans un atelier de découpe dédié.
Lors de l’opération de vidange préalable à la découpe, la quantité de NaK récupérée est plus importante que le reliquat attendu et un début de réaction du NaK (échauffement et émission d’aérosols) est observée.
La réaction, rapidement maîtrisée par les intervenants, n’a aucun impact sur la sécurité des intervenants, ni l’environnement. Le chantier est néanmoins suspendu, et l’analyse réactive de l’événement conduit la centrale à déclarer, le 18 janvier 2018, un Evénement Significatif Sûreté (ESS) de niveau 0 pour manquement aux principes d’assurance qualité.
Le 1er février 2018, après analyse approfondie et échanges avec l’ASN, l’Evènement a été reclassé au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.
Inspection réactive du 24 janvier 2018 (extraits)
L’inspection du 24 janvier 2018 du site de Creys-Malville a été réalisée à la suite de la déclaration par EDF d’un évènement portant sur un écoulement accidentel de NaK [2] lors de la découpe d’un réservoir dans l’atelier MDA. L’objectif de l’inspection était de comprendre précisément le déroulement de cet évènement et de connaitre les mesures mises en œuvre par EDF pour le maitriser.
L’évènement déclaré par EDF concerne un écoulement accidentel de NaK lors de la découpe d’un réservoir en cellule MDA. Il ressort des premiers éléments de l’évènement que ce réservoir ne correspond pas à l’équipement prévu d’être traité dans l’atelier. Celui-ci n’aurait donc dû ni être présent, ni découpé.
Les premières mesures d’urgence ont consisté à neutraliser par de la poudre Marcalina et de l’argon les quelques égouttures récupérées dans une gatte, et à inerter sous argon le reste du NaK écoulé récupéré dans une « cocotte » (conteneur). Le réservoir, quant à lui, a été disposé (avec la cocotte) dans un caisson métallique recouvert d’un vinyle et injecté à l’argon. Cette disposition vise à éviter l’entrée d’oxygène dans le réservoir. En effet, le NaK a la particularité de réagir vivement avec l’eau et l’air et de conduire en outre à la formation de superoxyde, matière extrêmement réactive.
Des dispositions compensatoires ont été mises en place : réinjections journalières d’argon ; surveillance journalière du caisson métallique par caméra thermique ; suspension des activités de l’atelier MDA ; surveillance atmosphérique et incendie (maintien de cette dernière hors activité dans l’atelier MDA). (...) Mais ces dispositions ne sont pas tracées dans un document qualité permettant de s’assurer de leur maintien effectif dans l’attente d’un retour à un entreposage conforme au référentiel de l’installation. Par ailleurs, la réinjection séquentielle d’argon ne permet pas garantir l’absence d’entrée d’oxygène dans le réservoir.
Les inspecteurs ont relevé que l’entreposage actuel s’effectue hors du cadre normal d’exploitation. En effet, selon les RGSE2 de l’INB 91 (Superphénix), les capacités contenant du NaK doivent être maintenues en surpression de gaz neutre de 100 mbar minimum, ce qui ne peut pas être le cas dans la mesure où le caisson n’est pas clos hermétiquement.
(...) Cet évènement a mis en évidence de nombreux écarts liés à la surveillance du sous-traitant impliqué dans l’évènement et a mis en exergue une fragilité plus globale de l’organisation associée à la surveillance des intervenants extérieurs par EDF/DP2D. EDF devra mettre en œuvre, avant la reprise des activités dans l’atelier MDA, des actions ambitieuses afin de renforcer efficacement la surveillance des activités qu’elle sous-traite.
Consulter la lettre de suite de l’inspection de l’ASN
Découpe d’un réservoir contenant un alliage liquide de sodium et de potassium (NaK) dans un atelier du réacteur Superphénix
Réacteur Superphénix - Réacteur nucléaire à neutrons rapides - EDF
Electricité de France (EDF), exploitant le site de Creys-Malville (Isère), a déclaré le 18 janvier 2018 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif relatif à la découpe d’un réservoir contenant un alliage liquide de sodium et de potassium (NaK) et à l’écoulement de ce liquide dans l’atelier de découpe du réacteur Superphénix (INB n° 91).
Le réacteur Superphénix, actuellement en démantèlement, dispose d’un atelier de découpe dont l’objectif est le traitement de certains matériels démantelés.
Le 16 janvier 2018, un défaut d’assurance de la qualité lors de la préparation d’une opération de traitement dans cet atelier a conduit à la découpe inappropriée d’un réservoir contenant du NaK liquide, produit qui a la particularité de réagir vivement avec l’eau et l’air. Ces réactions conduisent par ailleurs à la formation de superoxyde, matière elle-même extrêmement réactive.
Les opérateurs ont immédiatement appliqué les dispositions de neutralisation du NaK écoulé et ont sécurisé l’entreposage du réservoir concerné. Dans l’attente de la réalisation d’opérations de diagnostic et de la définition des actions de traitement à réaliser, des dispositions compensatoires ont été mises en œuvre par l’exploitant et les activités de l’atelier ont été mises à l’arrêt.
Cet événement n’a donc pas eu de conséquence sur l’installation, le personnel ou l’environnement.
L’ASN a mené le 24 janvier 2018 une inspection sur cet événement, qui a mis en évidence des incohérences entre les différents documents d’intervention et des insuffisances dans la surveillance par EDF du sous-traitant en charge des activités. L’ASN a demandé à EDF de mettre en œuvre un plan d’action préalable à la reprise des activités dans cet atelier.
Cet événement mettant en évidence plusieurs défaillances successives, dues à un manque de rigueur d’exploitation et de culture de sûreté, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires) qui en compte 8.
[1] Le NaK est un alliage métallique (mélange de sodium et de potassium) qui a la particularité d’être liquide à température ambiante, caractéristique qui lui confère sa réactivité (échauffement, dégagement d’aérosols, inflammation…) au contact de l’air et de l’humidité.
[2] NaK : Alliage de sodium (Na) et de potassium (K) qui a la particularité d’être liquide à température ambiante et de réagir facilement avec l’air et l’eau et de conduire en outre à la formation de superoxyde, matière extrêmement réactive. Il doit donc être manipulé avec des précautions particulières.