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Des accidents nucléaires partout

France : Civaux : EDF redémarre un réacteur mais oublie de modifier le logiciel de pilotage

Température trop basse du circuit primaire du réacteur 2




23 août 2021


Le 13 août 2021, le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Civaux (Nouvelle Aquitaine) redémarre après 8 mois d’arrêt pour travaux. Les équipes remarquent alors que la température du circuit primaire n’est pas assez élevée, ce qui est très problématique car c’est un critère essentiel pour garder la maîtrise de la réaction nucléaire en cours dans la cuve. La raison ? EDF a oublié de modifier les paramètres du logiciel de conduite du réacteur en passant à cette étape et a laissé des valeurs datant de la phase d’avant, inadaptées à la montée en puissance du réacteur.


Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur. C’est par ce refroidissement qu’il est possible d’évacuer la puissance thermique produite par la réaction nucléaire. La température et la pression de l’eau de ce circuit sont strictement réglementées selon les différentes phases de fonctionnement d’un réacteur, car ces 2 facteurs ont un impact sur la réaction nucléaire et son contrôle. EDF doit donc respecter certaines plages de températures et de pression et conduire son réacteur de manière à respecter ces critères. Encore faut-il que l’industriel implante les bons paramètres à respecter dans les logiciels de conduite.

Ce qui n’a pas été le cas à Civaux, puisque ces paramètres n’ont pas été modifiés alors que le réacteur a changé de phase de fonctionnement, la réaction nucléaire a été lancée et le réacteur est monté en puissance. Comment EDF, aux manettes de l’installation nucléaire, a-t-il pu oublier de modifier des paramètres aussi importants que la température du circuit primaire ? Comment se fait-il que les contrôles préalables au redémarrage et au changement de phase de fonctionnement n’aient pas détecté cette erreur ? Au final, par manque de rigueur, de vérifications, par manque d’application, EDF a lui-même amené son réacteur nucléaire à fonctionner en dehors du domaine prévu et autorisé par l’Autorité de sûreté.

Un oubli sans conséquence réelle dira l’industriel, il n’a pas été nécessaire d’arrêter en urgence la réaction nucléaire ! Pourtant l’incident est bien significatif [1] pour la sûreté [2] . Mais surtout, au delà des conséquences réelles ou potentielles immédiate de l’incident, au delà du pourquoi du comment de cet oubli là, les questions que posent les faits survenus le 13 août 2021 à Civaux sont plus vastes et plus profondes. Comment faire confiance à EDF pour respecter les règles s’il oublie de les appliquer ? Que peut-il advenir si un exploitant nucléaire ne respecte pas les règles édictées pour garder la maîtrise de son réacteur nucléaire ?

Ce que dit EDF :

Implantation incomplète de paramètres informatiques de pilotage

Evénement sûreté

Publié le 23/08/2021

Le pilotage d’un réacteur s’inscrit dans un cadre de prescriptions, parmi lesquelles les spécifications techniques d’exploitation (STE). Celles-ci indiquent notamment la température moyenne attendue pour l’eau du circuit primaire principal au regard de la puissance fournie par l’installation.

Le 13 août 2021, alors que le réacteur 2 est en phase de remontée en puissance après plusieurs mois d’arrêt pour des opérations de maintenance, les opérateurs en salle de commande ont constaté une température moyenne de référence de l’eau du circuit inférieure d’environ 5 degrés (sur un peu plus de 300°C) à celle attendue. Cette température a constitué un dépassement du seuil de température basse des STE.

Cette température basse avait pour origine une implantation incomplète de paramètres informatiques de pilotage modifiés quelques mois auparavant dans le cadre des opérations d’exploitation du réacteur. Les paramètres adéquats ont été réimplantés après l’observation de cette température trop basse.

Cet événement n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté de l’installation : le réacteur était à l’arrêt pendant la période d’implantation incomplète des paramètres informatiques et, pendant la période de redémarrage, l’écart de température est sans incidence en l’absence d’événement d’exploitation nécessitant un mouvement automatique et rapide des grappes de commande du réacteur.

La centrale nucléaire de Civaux a déclaré ce non-respect des spécifications techniques d’exploitation le 18 août à l’Autorité de sûreté nucléaire comme un événement significatif de sûreté de niveau 1 (anomalie) sur l’échelle INES, qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-civaux/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-civaux/implantation-incomplete-de-parametres-informatiques-de-pilotage


Ce que dit l’ASN :

Sortie du domaine de fonctionnement autorisé du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Civaux

Publié le 26/08/2021

Le 19 août 2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Civaux a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la température minimale autorisée de l’eau du circuit primaire principal du réacteur 2.

Ce non-respect constitue un écart aux règles générales d’exploitation, recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées.

Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments de combustible. Les règles générales d’exploitation définissent les limites minimales et maximales autorisées pour la pression et la température de cette eau. Elles doivent être respectées en permanence, notamment lors des opérations de mise à l’arrêt ou de redémarrage du réacteur, afin de garantir le respect des hypothèses de conception du réacteur.

Le 13 août 2021, alors que le réacteur 2 était en cours de redémarrage après son arrêt pour maintenance et renouvellement de son combustible depuis le 31 janvier 2021, l’exploitant a détecté que la température moyenne de l’eau du circuit primaire était inférieure d’environ 5°C à la valeur attendue. Cette température basse avait pour origine l’implantation de paramètres informatiques de pilotage du réacteur non adaptés à un redémarrage, restés en place depuis la fin du cycle précédent.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée à la réactivité du réacteur.

Compte tenu du non-respect des règles générales d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Dès la détection de l’atteinte de la température basse du circuit primaire, l’exploitant a procédé à l’implantation de paramètres informatiques adéquats.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Sortie-du-domaine-de-fonctionnement-autorise-du-reacteur-2-de-la-centrale-nucleaire-de-Civaux2


[1Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif

[2La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


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Installation(s) concernée(s)

Civaux

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
70