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Des accidents nucléaires partout

France : Civaux : Des légionelles dispersées à tout vent

Manque d’entretien, produits chimiques et risque sanitaire : EDF minimise




5 juillet 2024


La centrale nucléaire de Civaux (Nouvelle Aquitaine) a déclaré à l’Agence régionale de santé et aux autorités avoir rejeté dans l’air des agents pathogènes susceptibles de causer des infections grippales et pulmonaires. Par manque d’entretien et de surveillance, les légionelles ont pullulé dans un circuit de refroidissement. EDF a dû traiter le problème qu’il a généré à grand renfort de produits chimiques.


Crédit photo : André Paris

Les légionelles sont des bactéries qui adorent les ambiances chaudes et humides. Présentes naturellement dans les eaux, elles se multiplient dans les eaux tièdes. Les circuits de refroidissement et les climatisations sont donc leurs milieux de prédilection. Ces bactéries pouvant causer de graves infections pulmonaires ou des symptômes grippaux, leur concentration dans l’eau est strictement réglementée, et doit être surveillée  [1].

Mais la centrale de Civaux n’a manifestement pas effectué cette surveillance de manière suffisamment rapprochée. Et n’a pas anticipé correctement les risques engendrés par la prolifération de ces agents pathogènes dans ses circuits.
Fin juin 2024, le site nucléaire détecte une concentration en légionelles supérieure au seuil maximal autorisé dans une tour aéroréfrigérante, située sur le toit d’un bâtiment. Cette tour permet de refroidir de l’eau, elle-même utilisée pour refroidir des équipements de traitement des effluents radioactifs produits par la centrale, en mettant cette eau chaude au contact de l’air. L’évaporation de l’eau infestée de légionelles a engendré une dispersion atmosphérique de ces agents pathogènes, emportés par la vapeur d’eau créée par le transfert de chaleur entre l’air frais et l’eau chaude.

On ne sait ni à quand remonte le contrôle précédent de la teneur en légionelles dans ce circuit de refroidissement, ni la concentration mesurée fin juin. EDF précise seulement que le seuil réglementaire (100 000 unités formant colonie par litre) a été dépassé.
Pour juguler cette prolifération bactérienne et stopper les rejets dans l’air de ces agents pathogènes, EDF a nettoyé ses circuits. D’abord mécaniquement, car les dépôts dans les réservoirs et les tuyaux favorisent le développement des légionelles. Puis à grand coup de chlore, un produit chimique toxique et biocide (qui tue les organismes vivants), à l’odeur suffocante. Les eaux ainsi "traitées" ont ensuite été vidangées. Que sont-elles devenues, où EDF les a-t-elles rejetées ? L’industriel ne le dit pas.
Par cette opération de nettoyage, EDF a donc généré des déchets liquides chargés chimiquement qui ont probablement été rejetés ensuite, comme tous les effluents du site, dans l’environnement.

Plusieurs éléments sont absents du communiqué de l’exploitant : fréquence des contrôles, teneur mesurée en légionelles, quantité d’effluents générés... Mais EDF prend grand soin de minimiser les possibles impacts de l’incident, pourtant considéré comme significatif pour l’environnement [2] . Pour lui, la hauteur du niveau de rejet (à 16 mètres du sol) et le faible débit d’évaporation dans sa tour aéroréfrigérante (9m3 par heure) ont limité les dangers sanitaires provoqués par la dispersion de légionelles dans l’air. Sauf qu’on ne sait pas combien de temps ces rejets ont duré. Et qu’on ne sait pas non plus quelle quantité de légionelles a été dispersée, jusqu’où elles ont été emportées ni où elles sont retombées. Comment donc estimer les effets de l’incident ? Sur quelles mesures EDF s’appuie pour conclure à un impact nul sur la santé et sur l’environnement ?

Quand les autorités sanitaires fixent des limites à la prolifération d’agents pathogène, c’est qu’il existe des risques. Dépasser les limites, c’est donc prendre (et faire prendre) des risques. Ce qu’EDF n’admet manifestement pas. Pourtant, la batterie de précautions annoncée suite à cet incident montre bien, contrairement à la conclusion du communiqué de l’industriel, que les risques sanitaires et environnementaux sont bien réels. Sinon, pourquoi pourquoi mettre en place un suivi renforcé des concentrations en légionelles durant les 3 prochains mois ?

L.B.

Ce que dit EDF :

Dépassement du seuil de concentration en légionelles dans un circuit de refroidissement

Publié le 05/07/2024

Evénement environnement

La centrale de Civaux a la particularité de disposer d’une petite tour aéroréfrigérante  [3] située en toiture du bâtiment de traitement des effluents, qui assure le refroidissement des équipements de différents circuits auxiliaires. A l’instar de l’ensemble des équipements d’une installation nucléaire, elle est régie par une réglementation environnementale très stricte, notamment en termes de concentration en légionelles (qui fait l’objet d’un suivi régulier).

Fin juin 2024, les résultats des prélèvements réalisés dans ce circuit indiquent une concentration en légionelles supérieure au seuil réglementaire  [4] . Conformément aux dispositions prévues, des actions immédiates sont mises en œuvre pour remédier à la situation.

L’installation de refroidissement est immédiatement arrêtée, le circuit vidangé. Un nettoyage mécanique est ensuite réalisé, suivi d’une chloration.

A noter qu’une fois le circuit remis en service, un nouveau prélèvement pour analyse en légionelles sera effectué afin de contrôler l’efficacité des actions mises en place. En complément, un suivi renforcé des concentrations en légionelles sera réalisé pendant trois mois, avec des prélèvements planifiés tous les 15 jours.

L’impact pour l’environnement et la santé de cet événement est faible voire nul, étant donné la hauteur de dispersion à plus de 16m de l’équipement et d’un débit d’évaporation maximal faible (voisin de 9m3/h). Cependant, en raison du dépassement d’un seuil réglementaire, la centrale de Civaux a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire un événement significatif environnement le 4 juillet 2024. L’Agence régionale de santé et la Préfecture ont également été averties.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-civaux/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-civaux/depassement-du-seuil-de-concentration-en-legionelles-dans-un-circuit-de-refroidissement


[1Les Legionella font partie de la flore aquatique et sont trouvées dans de nombreuses sources d’eaux douces chaudes.
Les eaux douces contaminées et les systèmes d’air conditionnée sont les principales causes de contamination.
La bactérie se multiplie au sein de micro-organismes présents dans l’eau, à des températures comprises entre 15° et 50°C (douche, spas type bains à remous, tours de refroidissement). Ce sont des bactéries intracellulaires mais qui peuvent survivre à l’extérieur des cellules. La présence de dépôts organiques et d’autres micro-organismes, ainsi que de fer, zinc et aluminium dans les installations favorisent leur croissance. Elles sont résistantes à la chaleur et peuvent de ce fait être retrouvées au fond de cuves d’eau chaude.
Lorsque Legionella n’infecte pas les poumons, la maladie se manifeste sous forme d’un état grippal (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires...) et guérit spontanément en quelques jours. On parle alors de fièvre de Pontiac. La forme pulmonaire de la maladie, la légionellose, est quant à elle bien plus grave. Source : Institut Pasteur

[2Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[3Il s’agit d’un équipement totalement différent des grandes tours aéroréfrigérantes assurant le refroidissement de la vapeur utilisée dans le process de production d’électricité.

[4Les résultats indiquent une concentration supérieure à 100 000 UFC/L (unités formant colonie par litre)


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Installation(s) concernée(s)

Civaux

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