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Des accidents nucléaires partout

France : Civaux : Coeur mal surveillé et autres "anomalies"

4ème incident en 4 mois sur le réacteur 2




15 mai 2023


Il aura fallu des mois à EDF pour détecter que lors du redémarrage du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Civaux (Nouvelle Aquitaine) en début d’année, une erreur de paramétrage a faussé la surveillance de l’activité nucléaire dans la cuve. C’est le 4ème incident déclaré autour de ce redémarrage.


Après presque un an et demi d’arrêt pour contrôle de corrosion sous contrainte, le réacteur 2 de Civaux a redémarré au printemps 2023. Un redémarrage qui a été jalonné d’incidents.

Début janvier, alors que les générateurs de vapeurs [1] étaient contrôlés (les échangeurs de chaleurs en contact avec l’eau hautement radioactive réchauffée dans la cuve), près de 50 personnes ont été contaminées. Le sas censé confiner la radioactivité des équipements objets du chantier ne fonctionnait pas correctement et malgré plusieurs alarmes signalant la détection de radioactivité, rien n’a été fait. Toutes les personnes qui sont passées par le bâtiment réacteur entre le 7 et le 10 janvier ont respiré et/ou avalé des poussières radioactives émettant des rayonnements gamma, les plus pénétrants de tous.

En février, lors du rechargement du combustible dans la cuve du réacteur, le système qui surveille la radioactivité ambiante dans le bâtiment n’a pas été raccordé sur le bon circuit de ventilation. Une surveillance continue du niveau de radioactivité est pourtant nécessaire lorsque le combustible est manipulé car il y a un risque d’accident. Les vérifications préalables aux opérations sont manifestement passées à côté du problème. C’est au bout de 7 heures, et par une autre équipe, que la découverte a été faite. Autant que les règles qui imposent l’arrêt dans l’heure de toute manipulation de combustible en cas de problème de mesure de la radioactivité n’ont pas été respectées.

Toujours en février, alors que le redémarrage du réacteur est en cours, surviennent des difficultés de conduite : le réacteur sort à 3 reprises de son domaine de fonctionnement autorisé. Il y a trop d’air dans les tuyaux du circuit primaire et pas assez de pression. Malgré plusieurs essais, EDF n’arrive pas à faire remonter suffisamment la pression dans le circuit primaire, qui passe en dessous du minimum requis. L’industriel mettra plusieurs jours à retrouver une valeur autorisée pour ce paramètre pourtant crucial au contrôle de son réacteur nucléaire.

Début avril, le réacteur est enfin redémarré. Mais il sera rapidement déconnecté du réseau électrique : un problème sur une pompe empêche son bon fonctionnement. Le temps d’intervenir, de reprendre les opérations de montée en puissance, ce n’est qu’à la fin du mois que la production électrique sera opérationnelle et la puissance à son plein.

Mais début mai, un nouveau problème survient : un capteur au niveau d’un générateur de vapeur tombe en panne. Les mêmes générateurs de vapeur que ceux vérifiés début janvier et dont le chantier mal préparé a occasionné la contamination interne de près de 50 personnes. C’est aussi à ce moment là que, on ne sait trop comment, EDF découvre une erreur de paramétrage commise lors de la préparation du redémarrage : le système qui surveille le flux neutronique dans la cuve, donc la surveillance de la réaction nucléaire et la puissance du réacteur, était mal réglé. Là encore, les opérations ont clairement manqué de préparation et de précautions dans leur exécution. Il a fallu des mois à EDF pour découvrir son erreur. Afin de régler ces problèmes, EDF a encore du abaisser la puissance du réacteur nucléaire.

Erreur de paramétrage pour la surveillance du cœur du réacteur, erreur de lignage pour la surveillance de la radioactivité ambiante, contamination du personnel faute d’un chantier correctement géré, difficultés de conduite, défaillances d’équipements divers, détections tardives... Le cumul de ces incidents, tous significatifs [2] pour la sûreté [3] , amène à s’interroger. L’arrêt de plus d’un an a-t-il fait oublier à EDF les procédures de sûreté et de radioprotection ? Ou EDF était-il si pressé de redémarrer son réacteur nucléaire qu’il a passé outre les règles élémentaires ?

Ce que dit EDF :

Détection tardive du non-respect d’une spécification technique d’exploitation (STE) sur l’unité de production n°2 de Civaux

Publié le 15/05/2023

Evénement sûreté

Le pilotage d’un réacteur s’inscrit dans un cadre de prescriptions, parmi lesquelles les spécifications techniques d’exploitation (STE), qui recueillent l’ensemble des règles à respecter pour la conduite des installations.

Le 9 mai 2023, les équipes d’EDF détectent une erreur à l’origine d’un calibrage non-conforme de l’instrumentation neutronique du cœur de l’unité de production n°2, datant du redémarrage de l’unité de production (en début d’année). Le défaut de calcul est corrigé dans le contrôle commande à 19h40.

En parallèle, un défaut technique sur un capteur de pression d’un générateur de vapeur apparaît le même jour, à 14h37. La conduite à tenir prévue par les règles d’exploitation demande d’amorcer la baisse en pression et en température de l’unité de production puis sa déconnexion du réseau électrique sous une heure. A 15h37, les opérations de déconnexion de l’unité de production démarrent. Le capteur est repositionné en position conforme à 20h38.

En raison du cumul d’un défaut matériel et de la détection (dite tardive car détectée a posteriori) du non-respect d’une spécification technique, la centrale nucléaire de Civaux a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 11 mai 2023, un événement significatif de sûreté de niveau 1 (anomalie) sur l’échelle INES, qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-civaux/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-civaux/detection-tardive-du-non-respect-dune-specification-technique-dexploitation-ste-sur-lunite-de-production-ndeg2-de-civaux


Ce que dit l’ASN :

Détection tardive de l’implantation de paramètres erronés dans le système de mesure de la puissance nucléaire du cœur (RPN)

Publié le 17/05/2023

Centrale nucléaire de Civaux Réacteurs de 1450 MWe - EDF

Le 11 mai 2023, l’exploitant de la centrale nucléaire de Civaux a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de l’implantation de paramètres erronés dans les systèmes RPN, cumulée à un défaut sur un capteur de pression d’un générateur de vapeur. En application des règles générales d’exploitation, cette situation a conduit EDF à replier le réacteur 2 le temps de corriger ces défauts.

Le système de mesure de la puissance nucléaire (RPN) permet d’assurer la surveillance permanente de la puissance du réacteur. En cas d’anomalie, ce système peut déclencher des alarmes en salle de commande ou l’arrêt automatique du réacteur.

Le 31 janvier 2023, une modification de paramètres informatiques a entraîné une erreur de calibration du système RPN. Cette erreur a été détectée par l’exploitant le 9 mai 2023.

Le même jour, de manière indépendante mais concomitante, le signal d’un capteur de pression d’un générateur de vapeur a été mis en défaut. L’exploitant a engagé le repli du réacteur conformément à la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation (RGE) en cas de cumul d’événements de ce type, pour corriger les défauts rencontrés.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les personnes et l’environnement. Toutefois, il a affecté la fonction de sûreté liée à la maîtrise de la réactivité. En raison de la détection tardive de l’implantation de paramètres erronés dans le système de mesure de la puissance nucléaire du cœur, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Le jour même, l’exploitant a implanté temporairement un facteur de pénalisation dans le calcul des marges de pilotage et il a basculé le suivi de la pression du générateur de vapeur vers des capteurs redondants, puis il a repris la production d’électricité. Le 12 mai, l’exploitant a implanté les paramètres corrects de calibration du système RPN.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/detection-tardive-de-l-implantation-de-parametres-errones-dans-le-systeme-de-mesure-de-la-rpn


[1Un générateur de vapeur (GV) est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Chaque générateur de vapeur comporte plusieurs milliers de tubes en forme de U, qui permettent les échanges de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau des circuits secondaires pour la production de la vapeur alimentant la turbine https://www.asn.fr/Lexique/G/Generateur-de-vapeur

[2Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[3La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


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Installation(s) concernée(s)

Civaux

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70