14 août 2024
Alors que le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Chooz (Ardennes) est sur le point de redémarrer, EDF s’est aperçu le 11 août 2024 qu’il s’était trompé dans la configuration de deux circuits assurant le refroidissement du combustible, des piscines et la gestion du niveau et de la qualité de l’eau. L’industriel a ainsi pris le risque d’exposer les tuyauteries de ces deux circuits à une pression trop importante, ce qui aurait eu pour conséquence leur dégradation et la perte de refroidissement des organes vitaux du réacteur nucléaire.
Crédit photo : André Paris
Même à l’arrêt un réacteur nucléaire doit toujours être refroidi. La chaleur résiduelle dégagée par le combustible, qu’il soit encore dans la cuve ou entreposé sous eau dans une piscine, doit être évacuée. C’est pourquoi il existe un système de refroidissement à l’arrêt (dit RRA [1]) pour assurer la circulation d’un minimum d’eau dans le circuit primaire [2] et un système nommé PTR qui refroidit et gère le niveau d’eau des piscines (du bâtiment réacteur et du bâtiment combustible). Ce système permet aussi de remplacer le circuit RRA en cas de problème sur celui-ci. Les deux circuits sont donc connectés : une vanne permet de les relier. Cette vanne, si elle doit être ouverte dans certains cas, doit rester fermer lorsque la cuve du réacteur est refermée. En effet, si elle reste ouverte, les circuits PRT et RRA seraient soumis à une pression bien supérieure que celle pour laquelle ils sont conçus.
Le 8 août, alors que la fermeture de la cuve du réacteur était en cours, EDF a oublié de fermer cette vanne. Cette erreur ne sera détectée que trois jours plus tard. Les règles régissant le fonctionnement de l’installation sont pourtant très claires : la vanne doit être fermée lorsque la cuve du réacteur est fermée. Et on ne peut pas dire que la procédure à appliquer soit rare : les réacteurs nucléaires sont régulièrement mis à l’arrêt pour changer une partie de leur combustible. Cette erreur est donc survenue lors d’une opération classique dans la vie de l’installation. Ce qui rend l’erreur d’EDF encore plus inexplicable et encore moins inexcusable.
Ni le communiqué de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ni celui d’EDF n’expliquent comment une telle erreur a pu se produire. Outre le non-respect de la procédure, c’est bien l’absence de vérification des configurations qui pose question. Les arrêts et les redémarrages sont réputés pour être des phases délicates, où tout doit être vérifié et où l’exploitant doit être certain de parfaitement maîtriser son installation. Pour avoir mis en péril le refroidissement du combustible, pris le risque de soumettre deux circuits de refroidissement à une surpression, ne s’en être aperçu que bien tardivement et avoir laissé le réacteur 1 de Chooz trois jours dans un état interdit par les règles d’exploitation, EDF a déclaré aux autorités un incident significatif [3] pour la sûreté [4]. Quand EDF n’est pas capable d’appliquer les consignes de conduite d’un réacteur nucléaire, il y a effectivement une atteinte aux dispositifs existants pour limiter les risques d’accidents.
L.B.
Déclaration d’un événement significatif pour la sûreté de niveau 1 à la suite du non-respect d’une prescription permanente des spécifications techniques d’exploitation (STE)
14/08/2024
La centrale nucléaire de Chooz a déclaré à l’Autorité de Sûreté Nucléaire, le 13 août 2024, un événement significatif pour la sûreté de niveau 1 à la suite du non-respect d’une prescription permanente des spécifications techniques d’exploitation (STE) [5] .
Pour rappel, l’unité de production n°1 est à l’arrêt depuis le 5 juillet 2024 pour maintenance et rechargement en combustible.
Le 11 août à 5h, lors du lancement des opérations de fermeture de la cuve du réacteur, étape préalable au démarrage, les équipes de conduite détectent la position ouverte d’une vanne du circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA).
Selon les spécifications techniques d’exploitation (STE), cette vanne doit être fermée lorsque le couvercle est posé sur la cuve du réacteur, afin de valider la disponibilité des circuits requis au cours des différentes phases de redémarrage du réacteur.
Bien que cet événement n’ait pas eu de conséquence réelle sur la sûreté, il relève d’un non-respect d’une prescription permanente des STE.
La direction de la centrale de Chooz a déclaré cet événement le 13 août 2024 comme significatif pour la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.
Non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 1
Publié le 26/08/2024
Centrale nucléaire de Chooz B Réacteurs de 1450 MWe - EDF
Le 13 août 2024, l’exploitant de la centrale nucléaire de Chooz B a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect d’une prescription permanente des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 1 concernant l’isolement de la liaison entre le circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA) et le système de traitement et de refroidissement des piscines d’entreposage du combustible (PTR).
Le système RRA assure, lors des phases d’arrêt des réacteurs, la circulation et un niveau d’eau minimal dans le circuit primaire afin d’évacuer la chaleur résiduelle provenant des assemblages de combustible présents dans le cœur du réacteur. Le système PTR assure quant à lui le refroidissement, la purification, le remplissage, la vidange et le maintien du niveau de deux piscines, l’une destinée à l’entreposage des assemblages de combustible dans le bâtiment du combustible, et l’autre située dans le bâtiment du réacteur. Le système PTR peut également être utilisé pour suppléer le système RRA en cas d’indisponibilité totale de ce système lors de ces phases d’arrêt.
Dans certains états de fonctionnement du réacteur, la liaison entre les systèmes RRA et PTR doit être isolée par la fermeture d’une vanne, afin de ne pas soumettre certains équipements à une pression supérieure à la pression admissible. Le 8 août 2024, dans le cadre des opérations de fermeture de la cuve du réacteur 1 en vue de son redémarrage après un arrêt pour maintenance et rechargement du combustible, l’exploitant a opéré un changement d’état du réacteur en laissant cette vanne ouverte, alors que les spécifications techniques d’exploitation imposaient qu’elle soit fermée.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur. En raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur, il a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
Dès la découverte de l’événement par l’exploitant, la vanne d’isolement de la liaison RRA / PTR a été mise dans la configuration requise par la consigne de conduite.
[1] Circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA) : Ce circuit assure l’évacuation de la puissance résiduelle dégagée par le combustible, quand il est encore dans la cuve, pendant les périodes d’arrêt. https://www.asn.fr/lexique/R/RRA
[2] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[3] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[4] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[5] Les centrales nucléaires sont exploitées conformément à un ensemble de Règles Générales d’Exploitation (RGE) qui sont le « code de la route » des centrales nucléaires. Parmi ces règles, les STE définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associés, en situation normale d’exploitation ainsi qu’en situation incidentelle.