22 mai 2024
Difficile à croire, mais vrai : le 15 mars 2024, la centrale nucléaire de Chooz (Grand Est) a autorisé des rejets de substances radioactives dans la Meuse sur la base de mauvaises analyses. EDF n’a pas examiné le bon échantillon. Il a donc déversé ses résidus de production dans le fleuve sans en avoir vérifié le contenu. Et déclare l’incident 2 mois après les faits.
Crédit photo : André Paris
Le fonctionnement des centrales nucléaires produit des déchets solides, mais aussi liquides et gazeux. Ces derniers, joliment nommés "effluents" [1] , sont des cocktails de substances chimiques radioactives qui sont rejetés dans l’environnement (par un canal qui rejoint un cours d’eau ou le milieu marin pour les formes liquides, par une cheminée pour les gaz). Le contenu de ces résidus de production doit être contrôlé avant qu’ils ne soient rejetés car il y a (heureusement) des limites qu’EDF ne doit pas dépasser. Ces limites, fixées par les autorités, sont obligatoires et sont définies pour chaque substance (quantité totale sur une certaine période et concentrations) pour éviter de trop surcharger le milieu naturel d’un coup et jouer sur le principe de dilution. Des échantillons de ces effluents sont donc prélevés et sont analysés avant de procéder aux rejets. Si le contenu respecte les limites autorisées, EDF peut ouvrir les vannes de ses réservoirs de déchets et les vidanger dans la nature.
On ne saura pas pourquoi - ni comment c’est possible - mais le 15 mars 2024, la centrale de Chooz autorise le rejet de ses effluents liquides dans la Meuse après avoir analysé un échantillon qui ne correspondait pas au contenu du réservoir vidangé. L’erreur serait "potentiellement liée à une inversion d’échantillon". C’est la seule bride d’explication que livrera EDF, dans un communiqué publié plus de 2 mois après les faits.
C’est par des vérifications faites au titre de l’assurance qualité que l’industriel a découvert son erreur. Une chose est sûre, la qualité n’était pas au rendez-vous le 15 mars lorsque les réservoirs de substances radioactives ont été vidangés dans la Meuse. Alors que EDF est censé contrôler tout ce qui sort de son installation nucléaire, préserver au maximum l’environnement des impacts de ses activités et éviter toute pollution du milieu naturel, les procédures élémentaires n’ont pas été respectées. Et les vérifications sont arrivées bien trop tard pour que l’industriel puisse rattraper son erreur.
Aucun problème, aucune conséquence affirme EDF : des calculs effectués après-coup (sur la base de quoi, on ne sait pas) lui permettent de garantir que les limites autorisées n’ont pas été dépassées.
Quand EDF a-t-il fait ses contrôles qualité ? Qu’est devenu l’échantillon qui devait être analysé ? D’où provenait le prélèvement qui a été utilisé pour autoriser les rejets ? Ça non plus, on ne le saura jamais. Malgré son caractère succin et tardif (2 mois après), le communiqué d’EDF montre un ébranlement profond des mesures destinées à contrôler les rejets de la centrale de Chooz, symptômatique d’un manque de souci de l’environnement.
L.B.
Détection d’une erreur sur certaines analyses radiochimiques réalisées en amont d’un rejet d’effluents concerté
Publié le 22/05/2024
Evénement environnement
Les centrales nucléaires réalisent régulièrement des rejets de leurs effluents dans le milieu naturel (fleuve, rivière ou mer) suivant un protocole défini et encadré réglementairement.
Le 15 mars 2024, un rejet autorisé de la centrale de Chooz a été réalisé en Meuse.
Après contrôles et vérifications au titre de l’assurance qualité, une erreur est détectée sur une analyse d’échantillons préalables au rejet. Celle-ci est potentiellement liée à une inversion d’échantillons.
Les mesures des effluents rejetés ont pu être reconstituées par calculs, permettant de conclure que les seuils radiochimiques réglementaires autorisés n’ont pas été dépassés et qu’il n’y a pas eu d’impact sur l’environnement.
La direction de la centrale nucléaire de Chooz a déclaré un événement significatif pour l’environnement (ESE) à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) le 17 mai 2024.
[1] Effluent radioactif : Gaz ou liquide contenant des substances radioactives, sous-produit d’un processus industriel ou de laboratoire, qui peut être recyclé, traité ou rejeté dans l’environnement après que son activité a été réduite par des dispositifs appropriés avant le rejet ou l’utilisation. Source : https://www.asn.fr/lexique/E/Effluent-radioactif