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Des accidents nucléaires partout

France : Chinon : Pas de quoi stopper la réaction nucléaire si besoin

Niveau de bore trop bas depuis des mois dans un réservoir du réacteur 4




20 juillet 2021


Mi juillet 2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Chinon (Centre - Val de Loire) a déclaré que durant plusieurs mois, il n’y avait pas assez de bore dans les réservoirs spécifiquement prévus pour injecter de l’eau borée dans le circuit primaire et ainsi stopper la réaction de fission nucléaire en cas de besoin.


Le bore [1] est le principal moyen pour stopper une réaction nucléaire en chaîne [2] . Tout l’enjeu d’avoir un niveau de bore adapté est donc de pouvoir maîtriser la fission nucléaire en cours dans la cuve du réacteur nucléaire. Le circuit dont il est question (circuit RIS  [3] ) permet non seulement d’injecter du bore dans le circuit primaire en cas de besoin (et donc de ralentir puis de stopper la réaction nucléaire) mais aussi d’assurer un refroidissement du combustible en cas de fuite sur le circuit primaire (c’est le circuit primaire qui assure le refroidissement du combustible et l’évacuation de la puissance thermique qu’il dégage  [4] ). Si le combustible n’est plus refroidit, c’est l’explosion. C’est pourquoi lorsque le niveau de bore n’est pas suffisant dans le circuit RIS, un réacteur nucléaire doit être arrêté immédiatement, comme l’imposent les règles édictées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

EDF avait bien constaté un en décembre 2020 que le niveau d’un des réservoirs du circuit RIS, contenant de l’eau borée, était monté. Des robinets - sur on ne sait quel circuit - fuyaient, déversant ainsi de l’eau dans ce réservoir. L’exploitant a réparé les robinets, mais s’est arrêté là dans son questionnement sur les impacts de ces fuites. Il aurait pourtant été légitime - et logique - de vérifier que cet apport d’eau n’avait pas trop modifié la concentration de bore dans l’eau et qu’en tout état de cause, le taux de bore restait dans des seuils autorisés. Mais l’industriel spécialisé dans l’atome ne s’est pas posé la question, ou alors il n’a pas suffisamment poussé ses vérifications.
Ce n’est que fin juin 2021, plus de six mois après, qu’EDF a constaté que la concentration en bore dans ce réservoir était en dessous du minimal. Depuis la mi-février précisera l’ASN. Un peu tard pour s’en rendre compte... Mieux vaut tard que jamais ? Si l’eau de ce réservoir avait été utilisée, elle n’aurait pas stoppé la réaction nucléaire comme attendu. C’est donc un tiers du circuit d’injection de sécurité qui était hors-service, sans qu’EDF ne le sache. Le réacteur a été mis à l’arrêt. EDF a d’abord déclaré les faits comme significatifs pour la sûreté mais au plus bas niveau de gravité de l’échelle INES [5] . Quand les analyses ont révélées que le niveau était inférieur au minimum requis depuis plus de 4 mois, la gravité des faits a été réévaluée. Un paramètre si important que l’est la concentration de bore dans un réacteur nucléaire est resté sans surveillance durant plusieurs mois, et ce alors même qu’un incident susceptible d’affecter ce critère était survenu peu de temps avant. Des faits, significatifs pour la sûreté, qui ont affecté la maîtrise de la réaction nucléaire du réacteur EDF. Des faits qui démontrent clairement le manque de précautions, d’analyses et de suivi sur le site nucléaire de Chinon.

Ce que dit EDF :

Non-respect de la concentration en bore minimale requise par les Spécifications Techniques d’Exploitation dans un réservoir de l’unité de production n°4 de la centrale nucléaire de Chinon

Publié le 20/07/2021

Le 26 juin 2021, la concentration en bore d’un réservoir du système d’injection de sécurité « RIS MP » [6] de l’unité de production n°4 est constatée légèrement inférieure à la limite requise par les Spécifications techniques d’exploitation (STE). Conformément à la conduite à tenir, le réacteur n°4 est mis à l’arrêt.

Les actions immédiatement menées par les équipes de la centrale ont permis de retrouver une concentration en bore de nouveau conforme le 28 juin 2021.

La direction de la centrale de Chinon a déclaré cet événement, le 30 juin 2021 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme événement significatif sûreté de niveau 0 sur l’échelle INES, qui en compte 7.

Après analyses approfondies, la concentration en bore du réservoir est estimée inférieure à la limite requise par les spécifications techniques d’exploitation depuis le 15 février 2021, ce qui constitue un dépassement du délai de remise en conformité prévu par les STE. Par conséquent, le 16 juillet 2021, la direction de la centrale de Chinon a reclassé cet événement significatif au niveau 1 de l’échelle INES à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations, la sécurité des salariés ni sur l’environnement.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-chinon/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-chinon/non-respect-de-la-concentration-en-bore-minimale-requise-par-les-specifications-techniques-d-exploitation-dans-un-reservoir-de-l-unite-de-production-ndeg4-de-la-centrale


Ce que dit l’ASN :

Détection tardive du non-respect de la concentration minimale en bore d’un accumulateur RIS du réacteur 4.

Publié le 22/07/2021

Centrale nucléaire de Chinon B - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 16 juillet 2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Chinon a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive du non-respect de la concentration minimale en bore de l’un des accumulateurs du circuit d’injection de sécurité.

Le circuit d’injection de sécurité (circuit RIS) permet, en cas d’accident (par exemple une fuite importante du circuit primaire du réacteur) d’introduire de l’eau borée sous haute pression dans celui-ci afin d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur. Ce circuit comporte notamment des accumulateurs, qui sont des gros réservoirs maintenus sous pression.

En fin d’arrêt du réacteur 4 en décembre 2020, une augmentation du niveau de l’un des accumulateurs est constatée avec pour cause l’inétanchéité de robinets. Le 26 juin 2021, la concentration en bore dans l’accumulateur est mesurée en-dessous de la valeur minimale requise. L’analyse de la situation montre que le passage de la concentration en bore de cet accumulateur sous la valeur requise est estimé au 15 février 2021.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, le personnel ou l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée à la maîtrise de la réactivité du réacteur. En raison de l’indisponibilité de l’équipement concerné en cas d’accident, associée à sa détection tardive, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Le brassage du contenu de l’accumulateur avec le circuit du système de traitement et réfrigération des piscines a permis l’obtention de la concentration requise le 28 juin 2021.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Detection-tardive-du-non-respect-de-la-concentration-minimale-en-bore


[1Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile. https://www.asn.fr/Lexique/B/Bore

[2Réaction nucléaire en chaîne : Suite de fissions nucléaires au cours desquelles les neutrons libérés provoquent de nouvelles fissions, à leur tour génératrices de neutrons expulsés vers des noyaux cibles, etc. https://www.asn.fr/Lexique/R/Reaction-en-chaine

[3Le circuit d’injection de sécurité (RIS) permet, en cas d’accident causant une brèche importante au niveau du circuit primaire du réacteur, d’introduire de l’eau borée sous pression dans celui-ci. Le but de cette manœuvre est d’étouffer la réaction nucléaire et d’assurer le refroidissement du cœur. https://www.asn.fr/Lexique/R/RIS

[4Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire

[5INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES

[6Le système d’injection de sécurité (RIS) est un système de secours conçu pour assurer la maitrise de la réaction en chaine et le refroidissement du réacteur en cas de perte d’eau de refroidissement. Il est composé de 3 circuits indépendants (RIS MP : Moyenne Pression ; RIS HP : Haute Pression ; RIS BP : Basse Pression) et le circuit RIS MP est composé de 3 réservoirs.


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