15 juin 2021
Le 10 juin 2021, un court-circuit est survenu sur le réacteur 3 de la centrale de Cattenom (Moselle), à cause d’une intervention sur une armoire électrique. Résultat : plus du tout d’électricité pour alimenter le réacteur [1], en pleine manutention de combustible nucléaire. Une phase toujours critique car manipuler des assemblages de combustible chauds et irradiants n’est pas sans risques, pour les travailleur.ses comme pour l’environnement ou les populations à l’extérieur.
Les systèmes de secours se sont déclenchés, et les moteurs diesels ont pris le relai pour alimenter les systèmes les plus importants du réacteur. Mais la ventilation en zone nucléaire n’en fait pas partie. Pas plus que le système de manutention du combustible.
Les équipes d’EDF ont mis plus d’une heure à rétablir une alimentation électrique normale. Multiples erreurs de l’exploitant qui a non seulement privé son réacteur nucléaire d’un apport électrique complet, qui n’a pas été capable de respecter le délai maximum de réparation et qui a laissé durant tout ce temps ses travailleur.ses les plus exposé.es aux radiations sans ventilation et du combustible nucléaire en dehors de tout rangement, sans protection.
En zone nucléaire, la ventilation est essentielle. Elle participe d’abord au confinement de la radioactivité à l’intérieur du bâtiment et évite sa dispersion dans l’environnement. Mais elle sert aussi à maintenir des conditions ambiantes (température, pression, radiations) supportables pour le personnel et pour les équipements. Difficile de croire qu’en cas de perte de courant, ce système pourtant si important n’est pas maintenu fonctionnel. Le courant fourni par les systèmes de secours est limité, impossible de faire fonctionner tous les circuits d’un réacteur nucléaire avec, EDF a clairement choisi ses priorités.
La manutention du combustible nucléaire [1] est toujours un moment particulièrement risqué. Ouvrir la cuve, décharger sous l’eau un à un les assemblages de combustible, les ranger dans les alvéoles de stockage au fond de la piscine de refroidissement, tout en s’assurant qu’ils ne soient jamais dénoyés et restent toujours suffisamment refroidis, puis les recharger un à un dans le cœur du réacteur..., chaque manipulation représente un risque. Risque de perte d’étanchéité des assemblage et là encore, risque de dispersion de radioactivité dans l’environnement et risque de surexposition des personnes aux rayonnements ionisants, les travailleur.ses comme les populations. Mais aussi important - et risqué - que soient ces opérations de manutention - et donc les systèmes qui leurs sont associés - manifestement, l’apport électrique de secours ne permet pas non plus de les faire fonctionner.
Heureusement que les systèmes en question n’ont pas eu de défaillances sur le réacteur 3 de Cattenom, car un assemblage de combustible nucléaire y est resté accroché une heure et demie. On ne sait pas trop où, mais ni dans la cuve ni dans son alvéole de stockage. Quelque part sur le chemin entre les deux.
Une heure vingt sans ventilation en zone nucléaire, du combustible entre deux eaux, non sécurisé durant une heure et demie... À cause d’une intervention électrique et d’un court-circuit. Les réacteurs nucléaires d’EDF paraissent à l’aune de cet incident, bien peu sécurisés dès lors qu’il y a une coupure de courant. Une coupure qui a été provoquée par l’erreur de l’exploitant, qui n’a manifestement pas suffisamment préparé son intervention électrique. Qui plus est, que ce genre d’intervention se fasse en pleines opérations de manutention de combustible pose aussi question. L’industriel n’avait-il pas anticiper qu’il y avait un risque de perte d’électricité ? Et que tant qu’il y a des mouvements de combustible, ce n’est certainement pas le bon moment ?
La bonne nouvelle c’est que les moteurs diesel alimenté de fuel ont bien pris le relai et ont effectivement démarrés. La moins bonne, c’est qu’ils ont dû tourner plus longtemps qu’ils n’auraient dû, EDF n’ayant pas réussi à réparer dans le délai maximum autorisé (la zone nucléaire ne doit pas rester plus d’une heure sans ventilation). L’incident, s’il s’est "bien terminé", en dit long sur les choix d’EDF en cas d’accident sur l’alimentation électrique d’un réacteur nucléaire.
Les faits démontrent également un manque de préparation, d’anticipation et de réactivité , qui plus est lors une phase d’exploitation connue et réputée "sensible". Le combustible a depuis repris sa place, et la ventilation remarche. Aucune conséquence réelle dira EDF, "les sources électriques complémentaires ayant fonctionné". Encore heureux a-ton envie de dire...
Alors que l’exploitant nucléaire présente les faits comme un "dépassement de délai pour remise en service d’un transformateur électrique", l’évènement, significatif pour la sûreté, donne bien d’autres choses à voir que le simple "dépassement d’un délai". Et notamment des erreurs et des manquements qui ne devraient pas survenir sur une installation industrielle, encore moins quand ses activités présentent des niveaux de risques élevés comme c’est le cas dès que l’on touche à la radioactivité.
L.B.
Dépassement de délais lors de la remise en service du transformateur électrique auxiliaire de l’unité de production n°3
Publié le 15/06/2021
Jeudi 10 juin 2021, vers 11h, l’unité de production n°3 de la centrale nucléaire de Cattenom, actuellement en arrêt pour sa visite décennale, a perdu l’alimentation électrique par son transformateur auxiliaire (TA)* lors d’une intervention sur une armoire de commande.
Conformément à ce qui est attendu, les deux diesels de secours ont démarré automatiquement afin de prendre le relai et d’alimenter immédiatement les systèmes de sûreté de l’unité de production n°3, le temps de procéder au diagnostic et de remettre en service le transformateur auxiliaire. La perte de l’alimentation électrique via le transformateur a conduit à l’arrêt de la ventilation dans les locaux de zone contrôlée (les diesels de secours ne permettant pas d’assurer cette fonction) et à la mise en sécurité automatique du système de manutention du combustible.
Nos règles d’exploitation prescrivent un délai d’une heure pour atteindre à nouveau un débit de ventilation défini et pour repositionner dans son alvéole l’assemblage combustible qui faisait l’objet d’une manutention programmée. Après la remise en service du transformateur auxiliaire, le niveau de débit attendu a été retrouvé après 1h et 19 minutes et l’assemblage combustible a été repositionné après 1h et 29 minutes.
Le dépassement de ces deux délais constituant un non-respect des règles d’exploitation, la direction de la centrale de Cattenom a déclaré un événement significatif sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, qui en compte 7, le 11 juin 2021 à l’Autorité de sûreté nucléaire.
Toutefois, à titre préventif, les chantiers avaient été suspendus au sein de la zone contrôlée. Par ailleurs, la manutention du combustible avait également été automatiquement interrompue et maintenue dans une position sûre.
Cet événement n’a donc pas eu d’impact sur la sûreté des installations, ni sur la sécurité des intervenants, les sources électriques complémentaires ayant fonctionné conformément à nos procédures.
*Les réacteurs sont alimentés en électricité à travers deux transformateurs indépendants : un transformateur dit de « soutirage » (TS) et un transformateur de secours dit « auxiliaire » (TA).
Perte des alimentations électriques externes du réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cattenom
Publié le 30/06/2021
Centrale nucléaire de Cattenom - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 11 juin 2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Cattenom a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif au non-respect des règles générales d’exploitation (RGE) du réacteur 3 à la suite de l’indisponibilité des alimentations électriques externes de ce réacteur.
Par conception, les réacteurs nucléaires à eau sous pression de 1300 MWe exploités par EDF comportent deux sources électriques externes (transformateur de soutirage et transformateur auxiliaire), deux sources internes (deux groupes électrogènes à moteur diesel pour chaque réacteur) et une turbine à combustion permettant de pallier l’indisponibilité ou la défaillance d’un groupe électrogène. Ces moyens ont été complétés, suite à l’accident de Fukushima, par la mise en place de diesels d’ultime secours sur chacun des réacteurs.
Le 10 juin 2021, le réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cattenom était en arrêt pour maintenance décennale, avec son combustible déchargé et entreposé dans la piscine du bâtiment combustible. Le transformateur de soutirage était indisponible dans le cadre des activités de maintenance. Dans cette configuration et conformément aux RGE, l’autre source électrique externe (transformateur auxiliaire) assurait l’alimentation électrique et une source électrique interne (un des deux groupes électrogènes de secours ou, à défaut, la turbine à combustion) doit être disponible en cas de perte de l’alimentation électrique externe.
A 10h56, une intervention sur une armoire de commande a provoqué l’ouverture du disjoncteur du transformateur auxiliaire et donc l’arrêt de l’alimentation électrique externe du réacteur 3. Cette situation a conduit notamment à l’arrêt de la ventilation dans les locaux des zones nucléaires et à l’arrêt de la manutention du combustible qui était en cours dans la piscine du bâtiment combustible.
Les RGE prescrivent un délai d’une heure pour la remise en service de la ventilation. Après investigation et intervention, l’alimentation par le transformateur auxiliaire a été rétablie après 1 heure et 12 minutes et la ventilation a été retrouvée après 1 heure et 19 minutes. La coupure du transformateur auxiliaire et le dépassement du délai d’une heure pour la remise en service de la ventilation constituent un non-respect des règles générales d’exploitation des installations.
Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur le personnel ni sur l’environnement. Toutefois, dans la mesure où plusieurs dispositions des règles générales d’exploitation n’ont pas été respectées, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.
Immédiatement après la perte du transformateur de soutirage, les deux alimentations électriques de secours (groupes électrogènes) ont pris le relais de l’alimentation principale et ont permis d’assurer le refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible. EDF a engagé une analyse approfondie de cet événement. L’ASN veillera à la qualité de l’analyse de l’événement et de ses conclusions.
[1] Même arrêté, un réacteur nucléaire consomme de l’eau et de l’électricité. Le combustible nucléaire, très chaud, doit en permanence être refroidi et les systèmes de sûreté, de surveillance et de radioprotection doivent continuer à fonctionner.
[2] Le combustible nucléaire se présente sous la forme d’assemblages constitués d’un faisceau de 264 crayons, liés par une structure rigide constituée de tubes et de grilles. Chaque crayon est constitué d’un tube de zirconium étanche dans lequel sont empilées les pastilles d’oxyde d’uranium, constituant le combustible. Les assemblages, chargés les uns à côté des autres dans la cuve du réacteur - il faut 205 assemblages pour un réacteur de 1450 MWe -, constituent le cœur. En fonctionnement, ces assemblages sont traversés de bas en haut par l’eau primaire qui s’échauffe à leur contact et emporte cette énergie vers les générateurs de vapeur https://www.asn.fr/Lexique/A/Assemblage-combustible