14 mars 2022
Dans son laboratoire d’examen des combustibles actifs (LECA) à Cadarache (Provence Alpes Côte d’Azur), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) entrepose du combustible nucléaire. Emballé dans des étuis qui sont empilés dans des puits, les emballages utilisés doivent respecter des dimensions précises pour éviter tout risque de démarrage spontané d’une réaction nucléaire (le risque de criticité), ce qui peut arriver lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit.
Fin février 2022, les équipes du LECA se préparent à entreposer de nouveaux échantillons de combustible nucléaire usé. C’est alors quelles découvrent dans un puits d’entreposage un étui qui parait différent. Le CEA suspend alors ses opérations, et confirme début mars qu’il y a bien dans ce puits un étui qui n’est pas de la même taille que les autres. Il est trop grand, plus grand que le maximum autorisé pour prévenir tout risque de criticité. Comment cet étui a pu arriver là alors qu’il n’est pas aux normes ? Et pourquoi n’a-t-il pas été repéré avant ?
Le CEA fait quelques recherches dans ses dossiers. Cet étui, d’un diamètre de 124,5 mm (le maximum autorisé étant de 120 mm), a été fabriqué en 2013. Il n’est pas unique, il a été fait en série : 20 exemplaires identiques existent. Onze ont été mis dans des puits. Pour les 9 autres, le CEA ne sait pas ce qu’ils sont devenus. Manifestement, la traçabilité n’est pas le fort du CEA.
Les contrôles non plus, puisque un étui non conforme s’est retrouvé dans un puits où il n’aurait jamais dû être mis. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), prévenue par l’exploitant début mars de l’incident, se veut rassurante : une "note de calcul de criticité" démontre qu’il n’y a pas de risque de démarrage spontanée d’une réaction nucléaire tant que les étuis ne dépassent pas 136 mm de diamètre, ce qui est pile la taille du puits. En d’autres termes, tout ce qui peut rentrer ne générera pas de danger. D’où vient cette note de calcul, quelle marge d’erreur reste-il, pourquoi le CEA n’a pas construit le puits directement à la taille maximale autorisée, 120 mm de diamètre...? Autant de questions qui resteront sans réponse.
Depuis mi mars, le CEA fait un état des lieux des étuis entreposés dans ses puits, ce qui lui permettra de contrôler leurs caractéristiques et d’identifier le nombre exact d’étuis non-conformes. Mieux vaut tard que jamais peut-on se dire. Mais l’exploitant nucléaire n’est-il pas cessé déjà savoir ce qu’il y a dans ses puits et n’y mettre que ce que les règles l’y autorise ? N’est-il pas censé, justement au titre du risque de criticité - vérifier avant de les empiler dans ses puits que les étuis sont bien autorisés ? Contrôles absents, emballages non-conformes, manque de traçabilité, inventaire erroné... Apparemment, l’entreposage de matières radioactives se fait de manière bien peu rigoureuse au LECA du CEA.
L.B.
Découverte d’un étui d’entreposage de combustibles non conforme aux règles destinées à la maîtrise du risque de criticité dans l’INB 55 (LECA)
Publié le 14/03/2022
Leca et Star Utilisation de substances radioactives - CEA
Le 3 mars 2022, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a informé l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de la découverte d’un étui d’entreposage de combustibles de diamètre non conforme aux règles destinées à la maîtrise du risque de criticité, dans un puits d’entreposage de la cellule 5 de l’INB 55 LECA.
Le CEA réalise dans cette cellule l’entreposage d’échantillons de matière radioactive ainsi que le chargement et le déchargement d’emballages de transport. La cellule 5 présente deux ensembles d’entreposage de matières radioactives, dits « entreposage multifilières » et « entreposage Phénix ». Ces entreposages sont constitués d’un réseau de puits verticaux pouvant accueillir des étuis contenant du combustible nucléaire. Afin de prévenir le risque de criticité, la limite maximale du diamètre interne des étuis pouvant être introduits dans les puits de l’entreposage multifilières est fixée dans le référentiel de sûreté de l’INB 55 à une valeur de 120 mm.
Dans le cadre de la préparation de la réception de nouvelles matières dans l’installation, l’exploitant a suspecté la présence en puits d’entreposage d’étuis d’un diamètre interne supérieur à 120 mm. Les opérations dans la cellule 5 ont été suspendues le 22 février 2022. Le 1er mars 2022, l’exploitant a détecté la présence d’un étui, fabriqué en 2013, d’un diamètre interne de 124,5 mm, en écart au diamètre maximal autorisé par le référentiel de sûreté de l’INB. Une recherche documentaire réalisée par l’exploitant indique que vingt exemplaires de ce type d’étuis ont été fabriqués, onze ont été mis en puits, et la traçabilité de neuf étuis reste à déterminer.
Néanmoins, une note de calcul de criticité justifie la sûreté de l’entreposage multifilières de la cellule 5 du LECA pour des étuis d’un diamètre interne jusqu’à 136 mm, en fonctionnement normal. Des étuis dont le diamètre interne serait supérieur à cette limite ne peuvent physiquement pas être introduits dans les puits. Ceci constitue une barrière robuste pour garantir la maîtrise des réactions nucléaires en chaîne au sein de l’entreposage. Ainsi, cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement.
En raison du non-respect du référentiel de sûreté de l’installation relatif à la prévention du risque de criticité, l’incident a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
Un état des lieux des étuis entreposés en puits de la cellule 5 sera réalisé à partir du 16 mars 2022, avant la reprise des activités, notamment pour contrôler leurs caractéristiques et identifier le nombre exact d’étuis non-conformes. L’exploitant intégrera un examen de la géométrie des étuis de combustibles dans la réalisation de ses inventaires annuels de matières nucléaires au sein du LECA-STAR.