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Des accidents nucléaires partout

France : Bugey : EDF redémarre le réacteur 4 sans tout vérifier

Un système de secours débranché, 2ème incident en 10 jours




28 novembre 2022


Le réacteur 4 de la centrale nucléaire du Bugey (Auvergne Rhône Alpes) a redémarré courant novembre 2022 après un arrêt de plus de 6 mois [1]. Durant cet arrêt, plusieurs opérations ont été effectuées sur les équipements, mais toutes n’ont pas été terminées. Ni vérifiées.


C’est ainsi que le réacteur a redémarré avec un système débranché. Si il y avait eu une coupure électrique et que le réacteur avait dû fonctionner sur son diesel d’ultime secours (comme cela peut être le cas après un tremblement de terre, un accident ou une inondation), le système qui permet de refroidir l’enceinte du réacteur et de stopper la réaction nucléaire n’aurait pas fonctionné.

Durant l’arrêt, un relai d’une cellule électrique permettant d’alimenter le dispositif ultime d’évacuation de la puissance résiduelle de l’enceinte de confinement (EASu) par le diesel d’ultime secours a été démonté. Un neuf a été installé fin juin, mais la cellule en question n’a pas été ré-embrochée. Ce n’est que le 19 novembre, une fois que le réacteur avait redémarré, que EDF s’est aperçu du problème. Autant dire que les vérifications techniques censées être faites après les interventions et les contrôles préalables au redémarrage du réacteur ont failli quelque part. Le réacteur 4 a fonctionné 2 semaines sans que un dispositif de secours qui ne pouvait pas être alimenté en électricité par le groupe électrogène de secours qui permet de fournir du courant en cas d’accident. Les règles imposent pourtant de baisser la puissance du réacteur sous 3 jours si le système EASu n’est pas totalement disponible. EDF a déclaré les faits significatifs [2] pour la sûreté [3] aux autorité fin novembre 2022.

C’est la seconde déclaration du genre concernant le redémarrage du réacteur 4. Peu avant, l’industriel a annoncé avoir découvert, 10 jours après avoir entamé le redémarrage, que le dispositif de protection du réacteur (qui permet de détecter les anomalies dans le cœur et de déclencher les arrêts d’urgence) n’était pas opérationnel. Outre les questions que posent ces déclarations d’incidents sur la qualité des interventions effectuées lors de l’arrêt, c’est à se demander si EDF a pris le temps de correctement vérifier l’ensemble de ses équipements avant de redémarrer le réacteur 4 de la centrale du Bugey.

Ce que dit l’ASN :

Détection tardive de l’indisponibilité du dispositif ultime d’évacuation de la puissance résiduelle de l’enceinte

Publié le 28/11/2022

Centrale nucléaire du Bugey Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 24 novembre 2022, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de l’indisponibilité du dispositif ultime d’évacuation de la puissance résiduelle de l’enceinte de confinement (EASu) du réacteur 4.

Dans le cadre des quatrièmes visites décennales des réacteurs de 900 MWe, EDF installe sur chaque réacteur un dispositif ultime d’évacuation de la puissance résiduelle de l’enceinte de confinement (EASu). L’objectif de ce dispositif est d’ajouter un moyen d’appoint en eau borée dans le réacteur permettant d’évacuer la puissance résiduelle dégagée à l’intérieur de l’enceinte de confinement, même en cas d’accident grave avec fusion du cœur.

En mai 2022, alors que le réacteur 4 était à l’arrêt et que le dispositif EASu n’était pas requis, un relais d’une cellule électrique permettant la réalimentation de ce dispositif par le groupe électrogène à moteur diesel d’ultime secours (DUS) a été démonté sur le réacteur 4 pour l’installer sur un autre équipement. Le 24 juin 2022, un relais neuf a été installé sans que la cellule électrique concernée ne soit ré-embrochée à l’issue de l’intervention. Ce défaut a rendu indisponible la réalimentation du dispositif EASu par le DUS.

Le 19 novembre 2022, un agent de terrain a détecté que la cellule électrique était débrochée. Après analyse, la cellule a été ré-embrochée trois heures plus tard.

Or, dans le cadre du redémarrage du réacteur 4, le dispositif EASu était requis par les spécifications techniques d’exploitation (STE) depuis le 3 novembre 2022. Dans cette configuration, les STE prévoient le repli du réacteur sous 3 jours, délai qui n’a donc pas été respecté.

Cet incident n’a pas eu de conséquence sur l’installation, l’environnement ou le personnel. Toutefois, compte tenu de l’indisponibilité du dispositif EASu du réacteur 4 pendant une durée supérieure à celle préconisée par les spécifications techniques d’exploitation, il a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/detection-tardive-de-l-indisponibilite-du-dispositif-ultime-d-evacuation


Ce que dit EDF :

Détection de l’indisponibilité d’une cellule électrique sur l’unité de production n°4 de la centrale nucléaire du Bugey

Publié le 30/11/2022

Chaque unité de production de la centrale du Bugey est raccordée à 3 groupes électrogènes, dont un DUS – Diesel d’Ultime Secours - utilisable en situation d’urgence.

Au mois de mai 2022, un essai périodique est réalisé sur l’unité de production n°2. A l’issue de cet essai, un défaut est détecté sur un relai au niveau d’une cellule électrique.

La pièce nécessaire à la remise en conformité de la cellule électrique est prélevée sur l’unité de production n°4, alors en arrêt pour maintenance.

En juin 2022, à réception de la pièce de rechange, le nouveau relai est mis en place dans la cellule électrique de l’unité n°4.

En novembre 2022, les équipes détectent que la cellule électrique est restée débrochée. Elle est immédiatement réembrochée.

Ce défaut d’embrochage a rendu indisponible la réalimentation d’un tableau électrique par le DUS, ayant pour conséquence de rendre non manœuvrables depuis la salle de commandes plusieurs vannes du système permettant de compléter les moyens de refroidissement de l’enceinte du bâtiment réacteur en cas de situation accidentelle (EASu).

Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations, ces vannes restant manœuvrables en local.

Cette indisponibilité représente toutefois un écart aux spécifications techniques d’exploitation.

En raison de la détection tardive de l’indisponibilité des matériels, la direction de la centrale de Bugey a déclaré le 23 novembre à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) un évènement significatif sûreté au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-du-bugey/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-du-bugey/detection-de-lindisponibilite-dune-cellule-electrique-sur-lunite-de-production-ndeg4-de-la-centrale-nucleaire-du-bugey


[1Le réacteur 4 de la centrale nucléaire du Bugey a été arrêté pour maintenance et rechargement en combustible le 9 avril 2022 pour atteindre à nouveau sa puissance nominale le 25 novembre 2022. https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/arret-de-reacteurs-de-centrales-nucleaires/arret-pour-maintenance-et-rechargement-en-combustible-du-reacteur-425

[2Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif

[3La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


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Installation(s) concernée(s)

Bugey

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