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Des accidents nucléaires partout

France : Blayais : EDF éteint une pompe de refroidissement

Entre mauvais branchement et mauvais diagnostic, les alarmes persistent et EDF traîne




15 juillet 2024


Multiple erreurs commises durant l’arrêt de visite décennale du réacteur 3 de la centrale nucléaire du Blayais (Gironde). Qui ont mis à mal le système de refroidissement du combustible et les règles d’exploitation, puisque EDF a largement outrepassé les délais de réparation. Sans compter une erreur de câblage présente depuis près d’une décennie, que l’industriel n’a jamais détectée. Double déclaration d’incident qui démontre un profond manque de rigueur, qui ne date pas d’hier.


Crédit photo : André Paris

Les visites décennales sont des longs arrêts, effectués tous les 10 ans, pour examiner la conformité des équipements, faire des réparations et des modifications censées diminuer les risques d’accidents. Mais bien souvent, ces arrêts, riches en activités, sont aussi pourvoyeurs d’incidents.

Le 24 juin 2024, le combustible du réacteur 3 du Blayais est déchargé de la cuve, entreposé sous eau, dans une piscine de refroidissement. La chaleur dégagée par le combustible nucléaire est telle qu’il doit en permanence être refroidi. L’eau de la piscine à combustible est donc traitée : elle circule dans un système doté de pompes et d’échangeurs de chaleur, afin d’être refroidie.
Dans le cadre des travaux de visite décennale, une intervention prévue oblige à couper le courant qui permet ce refroidissement. EDF met donc en place un système parallèle pour continuer à fournir de l’électricité au système de traitement de l’eau de la piscine pleine de combustible. Mais l’électricien va se tromper dans son circuit électrique. Deux alarmes apparaissent en salle de commande, signalant un problème avec le circuit de refroidissement. EDF commet alors une seconde erreur, une erreur de diagnostic. Pour l’exploitant nucléaire, c’est à cause de l’intervention en cours que les alarmes sonnent.

Un long moment sera nécessaire pour que finalement, EDF se questionne un peu plus et entame des investigations un peu plus approfondies. C’est alors qu’il va vérifier les branchements de son circuit d’électricité qui permet d’alimenter le système de refroidissement de la piscine de combustible. Et ô surprise, un commutateur sur un tableau électrique n’était pas dans la bonne position. Une des pompes du circuit de refroidissement est donc restée hors-service, éteinte tout simplement. Durant 22 heures, alors que quand la piscine est remplie de combustible, les règles imposent que son système de refroidissement soit réparé dans les 8 heures. Non seulement EDF a pris le risque de ne plus refroidir suffisamment son combustible en ne vérifiant pas ses branchements, mais il n’a pas analysé la situation correctement et a tardé à réagir.
Qui plus est, une erreur de câblage était présente sur le circuit électrique de remplacement depuis près de 10 ans (2015) et empêchait l’arrêt automatique de la pompe. Pas seulement du réacteur 3, mais aussi du réacteur 4, car le système était commun. Ce sont donc les 2 circuits de refroidissement des 2 piscines de combustible qui étaient touchés, à chaque arrêt de leur alimentation électrique classique, depuis une décennie. Sans que jamais EDF ne s’en rende compte.

Manque de compétences basiques, défaut d’organisation, manque de rigueur et précipitation, non respect des délais de remise en état et mise à mal du refroidissement du combustible nucléaire, l’exploitant de la centrale du Blayais a vraiment cumulé. Il a d’ailleurs déclaré 2 évènements significatifs [1] pour la sûreté [2], l’un pour les erreurs sur le réseau électrique de remplacement (erreur de câblage depuis 10 ans qui affectait 2 réacteurs), l’autre pour avoir laissé le système de refroidissement de la piscine à moitié HS trop longtemps (non fonctionnement de la pompe et délai de détection).
EDF a aussi largement pris son temps pour déclarer ces incidents à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) car les faits, survenus entre le 24 et le 25 juin, n’ont été signalés que le 4 et le 5 juillet au gendarme du nucléaire. Soit une bonne une semaine plus tard. L’ASN est pourtant censée être avertie par les exploitants nucléaire au plus tôt des incidents survenus dans leurs installations.
L’information du public, elle, ne viendra qu’encore après, par deux communiqués qui éludent beaucoup d’informations. Décidément, EDF rechigne à dévoiler ses erreurs, et a une fâcheuse tendance à traîner.

L.B.

Ce que dit EDF :

  • Non-respect d’une spécification technique d’exploitation à la suite de la détection de l’indisponibilité d’une pompe du circuit de refroidissement de la piscine combustible de l’unité de production n°3

Publié le 04/07/2024

Dans le cadre de la visite décennale de l’unité de production n°3, des travaux doivent être réalisés sur l’une des deux voies principales d’alimentation électrique de l’unité, nécessitant sa mise hors tension (coupure de voie). Dans le cadre de ces activités, les spécifications techniques d’exploitation prévoient le maintien de l’alimentation électrique de certains matériels par d’autres moyens, dont l’une des deux pompes du circuit d’eau et de refroidissement de la piscine du bâtiment combustible, concernée par la coupure de voie électrique.

Le 24 juin 2024, à la suite du traitement de deux alarmes présentes en salle de commande, les équipes ont détecté une erreur de configuration de la réalimentation électrique de la pompe, conduisant à la considérer comme indisponible. La configuration de l’alimentation électrique a immédiatement été remise en conformité.

Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations car le refroidissement de la piscine combustible est toujours resté disponible et en service. Toutefois, l’indisponibilité de ce matériel, entraînant le non-respect des spécifications techniques d’exploitation associées, a conduit la direction de la centrale nucléaire du Blayais à déclarer à l’Autorité de sûreté nucléaire, le 2 juillet 2024, un événement significatif de niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-du-blayais/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-du-blayais/non-respect-dune-specification-technique-dexploitation-a-la-suite-de-la-detection-de-lindisponibilite-dune-pompe-du-circuit-de-refroidissement-de-la-piscine-combustible

  • Non-respect d’une spécification technique d’exploitation à la suite de la détection de l’indisponibilité d’une pompe du circuit de refroidissement de la piscine combustible de l’unité de production n°3

Publié le 08/07/2024

Dans le cadre de la visite décennale de l’unité de production n°3, des travaux doivent être réalisés sur l’une des deux voies principales d’alimentation électrique de l’unité, nécessitant sa mise hors tension (coupure de voie). Lors de la réalisation de ces activités, les équipes ont constaté une erreur de câblage sur un coffret de raccordement des pompes de refroidissement de la piscine de désactivation, conduisant à rendre indisponible l’automatisation de leur fermeture. La configuration du câblage électrique a immédiatement été remise en conformité.

Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations car le refroidissement de la piscine combustible est toujours resté disponible et en service. Toutefois, l’indisponibilité de l’automatisme de ce matériel, entraînant le non-respect des spécifications techniques d’exploitation associées, a conduit la direction de la centrale nucléaire du Blayais à déclarer à l’Autorité de sûreté nucléaire, le 5 juillet 2024, un événement significatif de niveau 1 sur l’échelle INES* qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-du-blayais/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-du-blayais/non-respect-dune-specification-technique-dexploitation-a-la-suite-de-la-detection-de-lindisponibilite-dune-pompe-du-circuit-de-refroidissement-de-la-piscine-combustible-0


Ce que dit l’ASN :

  • Non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 3

Publié le 15/07/2024

Centrale nucléaire du Blayais Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 2 juillet 2024, l’exploitant de la centrale nucléaire du Blayais a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 3 concernant la disponibilité d’une des deux pompes du circuit de refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible pendant sa 4ème visite décennale.

La piscine d’entreposage du combustible reçoit notamment l’ensemble des assemblages de combustible du cœur du réacteur pendant les arrêts pour rechargement. Afin d’évacuer la puissance résiduelle dégagée par ces assemblages, le refroidissement de la piscine est assuré par un circuit constitué de deux voies comportant chacune une pompe et un échangeur. Une fois le combustible transféré dans la piscine d’entreposage, les spécifications techniques d’exploitation du réacteur prévoient que les deux voies soient disponibles ; en cas d’indisponibilité d’un matériel d’une voie, les spécifications techniques prescrivent un délai pour sa remise en service.

Le 24 juin 2024, le réacteur 3 était à l’arrêt dans le cadre de sa quatrième visite décennale, et les assemblages de combustible du cœur étaient entreposés dans la piscine d’entreposage. L’exploitant a engagé des opérations de maintenance nécessitant la coupure d’une des deux voies principales d’alimentation électrique de ses installations.

Dans ce cadre, il devait rétablir l’alimentation électrique du système de refroidissement de la piscine d’entreposage et a donc procédé à des branchements permettant la mise en place d’une alimentation électrique auxiliaire de la pompe de refroidissement. A la suite de ces opérations, deux alarmes sont apparues en salle de commande. Dans un premier temps, l’exploitant a attribué leur apparition aux opérations de maintenance en cours. Toutefois, constatant la persistance de ces alarmes, l’exploitant a engagé de nouvelles investigations, qui l’ont conduit à constater que l’alimentation électrique était en défaut du fait d’une erreur de positionnement d’un commutateur de mise sous tension de l’alimentation électrique auxiliaire de la pompe.

Le basculement du commutateur en position conforme a permis de retrouver la disponibilité de la pompe de refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible. Au total, l’intervention a nécessité un délai de près de 22 heures depuis l’apparition des alarmes. Les spécifications techniques d’exploitation du réacteur, qui prescrivent dans une telle situation un délai de réparation maximal de 8 heures, n’ont donc pas été respectées.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur l’installation, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée au refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible du réacteur. En raison de l’indisponibilité de systèmes de sûreté associés, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-des-specifications-techniques-d-exploitation-du-reacteur-32

  • Non-respect d’une spécification technique d’exploitation des réacteurs 3 et 4

Publié le 18/07/2024

Centrale nucléaire du Blayais Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 5 juillet 2024, l’exploitant de la centrale nucléaire de Blayais a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation concernant la disponibilité d’une des deux pompes du circuit de refroidissement de la piscine de d’entreposage du combustible pendant la 4ème visite décennale du réacteur 3.

La piscine d’entreposage du combustible reçoit notamment l’ensemble des assemblages de combustible du cœur du réacteur pendant les arrêts pour rechargement. Afin d’évacuer la puissance résiduelle dégagée par ces assemblages, le refroidissement de la piscine est assuré par un circuit constitué de deux voies comportant chacune une pompe et un échangeur. Une fois le combustible transféré dans la piscine d’entreposage, les spécifications techniques d’exploitation du réacteur imposent que les deux voies soient disponibles.

Le 25 juin 2024, le réacteur 3 était à l’arrêt dans le cadre de sa quatrième visite décennale, et les assemblages de combustible du cœur étaient entreposés dans la piscine d’entreposage. Une des deux voies principales d’alimentation électrique du réacteur 3 était coupée dans le cadre d’opérations de maintenance. La pompe de refroidissement de la piscine d’entreposage concernée était réalimentée par un coffret électrique auxiliaire.

L’exploitant a alors remarqué qu’un voyant lumineux en salle de commande relatif à cette pompe n’était pas à l’état attendu. Le diagnostic de l’origine de ce défaut a conclu le 28 juin à une erreur de câblage sur le coffret électrique auxiliaire réalimentant la pompe. Cette erreur rendait indisponible l’automatisme de mise à l’arrêt de la pompe.

Les analyses de l’exploitant ont conclu que l’erreur de câblage remontait à juin 2015. De plus, le coffret électrique est utilisé pour les réacteurs 3 et 4. En conséquence, lors des coupures de la voie électrique concernée durant les arrêts des réacteurs 3 et 4 depuis juin 2015, l’automatisme de mise à l’arrêt d’une des deux pompes de refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible était indisponible.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée au refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible. En raison de l’indisponibilité des systèmes de sûreté associés, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

La remise en conformité de l’alimentation du dispositif de commande électrique de la pompe a été réalisée le 29 juin, ce qui a permis de retrouver la disponibilité de l’automatisme de mise à l’arrêt de la pompe.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-d-une-specification-technique-d-exploitation-des-reacteurs-3-et-4


[1Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[2La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


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