8 juin 2021
Trois années pour découvrir que des documents donnaient des consignes divergentes pour faire la même chose. Trois années durant lesquelles les essais de bon fonctionnement sur plusieurs réacteurs nucléaires n’ont pas été faits dans les temps à cause de cette erreur documentaire et de la lenteur administrative d’EDF.
Tout est parti d’une erreur lors de l’écriture de la procédure à suivre pour tester les vannes des circuits vapeur des centrales du palier 1 300 MWe P’4 (12 réacteurs nucléaires répartis sur 5 sites : Belleville, Cattenom, Golfech, Nogent-sur-Seine et Penly). Une erreur sur la période de temps dans laquelle il faut réaliser ces essais de bon fonctionnement. D’un côté il est dit que ces essais, mensuels, peuvent être faits dans les 2 semaines (après l’échéance). D’un autre il est dit qu’il n’y a qu’une semaine de tolérance. Des consignes contradictoires donc. Qui n’ont pas été découvertes de suite. Et qui ont pris du temps à mettre à jour. Et encore plus de temps pour que les équipes d’EDF en prennent connaissance. Au final, à plusieurs reprises à Golfech (Occitanie) et à Penly (Normandie), les essais des vannes des circuit vapeurs principaux des réacteurs n’ont pas été réalisés dans les temps en 2019, en 2020 et en 2021.
L’évènement peut paraître anodin et sans gravité, des essais décalés de deux semaines au lieu d’une, et alors ? Alors c’est un glissement dans le temps du rythme auquel sont faits les essais. Et ces essais, s’ils sont obligatoires et mensuels, ce n’est pas par plaisir ou pour occuper les équipes. Les vannes vapeur sont essentielles au fonctionnement du réacteur, la vapeur étant ce qui permet d’évacuer la puissance thermique du réacteur. Produite dans les générateurs de vapeur, elle est envoyée sous haute pression vers la turbine qu’elle fait tourner, produisant ainsi de l’électricité. Si la vapeur ne peut plus s’échapper, si les vannes du circuit ne peuvent plus être manipulées, comme dans une cocotte minute, c’est l’explosion assurée.
L’évènement, déclaré significatif pour la sûreté (mais au plus bas niveau de gravité), montre à quel point l’organisation interne d’EDF est sujette aux erreurs. Des erreurs qui restent inaperçues, parfois plusieurs années. Des erreurs qui plus est sont génériques, et peuvent vite concerner de nombreux réacteurs nucléaires. Laxisme et manque de précautions n’ont pas leur place dans une centrale nucléaire, encore moins à la direction du parc d’EDF. Les documents opérationnels sont les références à suivre, ils donnent la recette à appliquer. S’ils ne sont pas à 100% fiables, la recette qu’ils décrivent est forcément faussée. Comment, avec des erreurs documentaires, ne pas faire d’erreurs en pilotant des réacteurs nucléaires ?
L.B.
Déclaration d’un événement significatif sûreté générique de niveau 0 relatif à un défaut documentaire relatif à la réalisation d’essais périodiques
Publié le 08/06/2021
Sur une centrale nucléaire, des essais périodiques sont régulièrement menés afin de s’assurer du bon fonctionnement des matériels. Des vannes du circuit de vapeur principal, acheminant la vapeur produite dans les générateurs de vapeur (VVP), font l’objet d’essais périodiques mensuels. Pour réaliser ces activités, les équipes appliquent des gammes opératoires, élaborées sur la base de règles d’essais nationales.
En 2018, lors de la rédaction de la gamme opératoire pour les centrales du palier 1 300 MWe P’4*, il est indiqué que l’essai doit être réalisé dans une période de deux semaines, tandis que la règle d’essais prescrit une semaine de tolérance.
Les documents techniques ont été corrigés et mis à jour. Toutefois, cet écart documentaire a conduit au non-respect de la tolérance prescrite, en 2019 pour les réacteurs n°1 et n°2 de Golfech et en 2020 pour le réacteur n°2 de Penly et en 2021 pour le réacteur n°1 de Penly.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur la sûreté des installations, l’analyse montrant que les matériels ayant toujours été disponible malgré ce non-respect de la tolérance.
La direction du parc nucléaire a déclaré un événement significatif de sûreté de niveau 0 sous l’échelle INES, qui en compte 7, à l’Autorité de sûreté nucléaire le 08 juin 2021 .
* Palier 1300 MWe P’4 : douze réacteurs de 1 300 MWe P’4 à Belleville, Cattenom, Golfech, Nogent-sur-Seine et Penly.