Mobilisation
Extraits de la lettre ouverte de Youri Bandajevsky du 21 mars
Chers collègues, amis et adversaires !
Près de six ans se sont écoulés depuis le jour de mon arrestation (le 13 juillet 1999).
Accusé dun crime de corruption que je nai pas commis, je me suis efforcé pendant toutes ces années de tenir bon dans des conditions de pressions psychologiques particulièrement pénibles, sans parler des difficultés dordre physique et matériel.
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Dans cette situation, il est extrêmement important de comprendre la cause de mon arrestation. Avec le temps, elle mapparaît de plus en plus nette et précise. Joserai exprimer ici mes considérations à ce sujet.
Jai été arrêté subitement, mais mon arrestation avait été minutieusement préparée de longue date. Les preuves en sont nombreuses. Dès mon premier appel officiel au Gouvernement de la République du Belarus en 1993, au sujet de létat de santé des enfants que nous avons examinés et de laccumulation de radiocésium dans leur organisme, jai senti un désaveu brutal de mon activité. Jusquà recevoir des menaces physiques. Toutefois, jai continué à travailler, et au cours des années qui suivirent, jai régulièrement publié les résultats de mes recherches dans des revues scientifiques. Je voudrais souligner que nombre de revues, aussi bien biélorusses quétrangères, refusaient de publier mes articles consacrés à limpact des éléments radioactifs incorporés sur lorganisme humain et animal. Cest pour cette raison que je décidai déditer des monographies. Entre 1990 et 1999, je publiai huit livres, consacrés à laction du radiocésium incorporé sur létat des organes et des systèmes vitaux de lorganisme. Plusieurs de ces livres ont été publiés en anglais et remis à mes collègues étrangers. Comme lEtat ne finançait pas ce genre de recherches, je devais compter sur laide de mes collègues dautres établissements scientifiques et médicaux du pays. Les conclusions de ce travail, basé sur les résultats dexamens cliniques, danalyses de laboratoire et détudes de pathologie morphologique, ainsi que de bon nombre dexpériences effectuées avec des animaux de laboratoire, montrent que les « faibles doses », comme on les appelle, de radionucléides de césium 137 incorporés sont extrêmement dangereuses pour lorganisme. Ces recherches ont reçu lapprobation déminents scientifiques du Bélarus et de Russie lors des soutenances de thèses, qui furent nombreuses sur ce sujet parmi les collaborateurs de lInstitut de médecine de Gomel que javais fondé en 1990 et dont jétais doyen jusquen 1999.
Considérant en toute candeur que les résultats des recherches consacrées à laction des éléments radioactifs sur lorganisme humain devaient être portés à la connaissance du public, je mefforçai de les rendre le plus largement connus à travers la presse, la radio et la télévision. Mon objectif nétait pas du tout de semer la panique, comme les médias présentent aujourdhui la chose, mais de montrer aux habitants des régions contaminées par les retombées de Tchernobyl comment il fallait vivre dans les conditions de risque radiologique, en respectant certaines mesures de sécurité personnelles et sociales. Ayant compris le pourquoi et le comment de la lésion des cellules des organes vitaux par le césium 137, nous proposions des méthodes réelles et efficaces pour se protéger de laction néfaste du radionucléide. Je suppose désormais que mon activité dans ce sens narrangeait pas ceux qui avaient intérêt à nier les effets à court et à long terme de laccident de Tchernobyl, en lien sans doute avec la politique nucléaire telle quelle est poursuivie au plan international. Je ne soupçonnais pas, à lépoque, la somme defforts développée par lAgence internationale de lénergie atomique (AIEA) pour préserver son activité à son niveau actuel ou même lui permettre de se développer davantage, en étouffant dans loeuf les moindres tentatives de lui faire ombrage.
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Mais en voulant cacher la vérité sur les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl, mes adversaires portent atteinte non seulement à la population de la République du Belarus et des autres pays de lespace post-soviétique, mais à tous les hommes de la Terre. Il y avait là une occasion unique en son genre dobtenir une connaissance objective sur la façon dont les éléments radioactifs à vie longue incorporés agissent sur lorganisme humain et les autres représentants de la biosphère, et délaborer des mesures efficaces de radioprotection. Elle est en train de disparaître.
Les derniers événements nous montrent pourtant à quel point cette information est importante pour lhumanité. Au siècle du terrorisme, avec nombre de centrales atomiques imparfaites créant des problèmes aussi bien pour leur entretien que pour leur exploitation, et face à la course aux armements nucléaires qui se poursuit toujours dans le monde, lAIEA est incapable de réaliser un contrôle efficace sur le développement de lénergie atomique.
Jappelle donc tous ceux qui sont capables de raisonner de manière sensée à débattre de la situation présente et je propose détablir un moratoire sur lexpansion et lutilisation de lénergie atomique tant à des fins militaires quà des fins civiles. Il faut comprendre que si lONU, les dirigeants de tous les pays sans exception et toutes les ONG ne sentendent pas pour appliquer des mesures efficaces pour protéger les hommes des risques de latome, tout ce qui vit sur Terre risque un jour de périr. Il est indispensable dentreprendre tous les efforts possibles pour préserver la vie sur la planète Terre au lieu de la détruire.
Un ministre tout en finesse
Le jour de l’anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl de 1986, le ministre délégué à l’Industrie Patrick Devedjian, faisant preuve d’une grande finesse, a déclaré :
Je ne suis pas impressionné par Tchernobyl parce que les conditions dans lesquelles le problème nucléaire est traité en France sont incomparables avec celles de l’Union soviétique, a-t-il dit, alors que le projet de loi sur l’énergie en cours d’examen au Parlement prévoit la construction d’un prototype du réacteur EPR pour renouveler le parc nucléaire. Chez nous, c’est totalement transparent, totalement démocratique et la sécurité est organisée d’une manière qui offre une vraie garantie aux citoyens.
Nous n’avons rien à voir avec Tchernobyl. Tchernobyl, c’est le système des communistes. Nous ne sommes pas un pays communiste, a conclu le ministre.
Source : Agence AP 26 avril 2005
Professeur Y. Bandajevsky
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Youri Bandajevsky
231314 Grodnenskaia oblast, Lidski raion,
d. Belitsa. Bélarus.