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Sortir du nucléaire n°51



Automne 2011

Alternatives

Enercoop : l’émancipation énergétique à votre portée !

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°51 - Automne 2011

 Sortie du nucléaire  Energies renouvelables


Il existe un fournisseur d’électricité militant, à but non lucratif et qui fournit uniquement de l’électricité à 100 % d’origine renouvelable : Enercoop. Alors comment expliquer que, même parmi les personnes sensibilisées à l’écologie, seule une minorité ait sauté le pas et quitté EDF ?



La scène a lieu lors d’une réunion habituelle de militants écologistes qui n’ont rien à prouver de la sincérité de leurs motivations. La soixantaine de membres présents écoute attentivement le bilan des actions de l’année écoulée avant le passage en revue du plan de campagne pour l’année à venir. Avant cela, et en guise de transition, je prends la parole pour présenter l’état de la situation d’Enercoop aux membres de cette association amie.

Me tournant vers la salle et avant mon rapide exposé improvisé, je commence par lancer, sentencieux : "Je suppose que vous êtes tous chez Enercoop..."

Le silence qui s’en est suivi, et les mines perplexes s’affichant alors, m’en ont dit plus long sur l’imperméabilité des mentalités dans le domaine de la fourniture électrique que toutes les déductions et extrapolations idéologiques que j’avais pu faire auparavant.

Rappelons qu’Enercoop est née de la volonté d’un groupe d’entrepreneurs militants convaincus de la pertinence, idéologique autant qu’économique, d’un modèle proposant une ré-appropriation de la problématique de l’énergie par les citoyens. D’autant plus convaincus du bien fondé de la démarche que celle-ci avait fait ses preuves, puisque d’autres coopératives s’étaient déjà lancées dans une aventure similaire, en Belgique ou en Allemagne, avec succès.

Ce modèle repose sur l’idée que les citoyens ont été dépossédés, au profit de la technostructure ou de celui des grands groupes, des décisions qui les concernent en matière d’énergie et, principalement, l’une des ses formes les plus présentes au quotidien : l’élec­tricité.

Afin de libérer les citoyens de cette emprise et leur redonner la parole pour des décisions qui engagent y compris leur propre descendance, Enercoop propose une version revisitée du service public, reposant sur la décentralisation, la coopération, la participation et le souci de l’environnement par une commercialisation exclusive de renouvelables grâce à des contrats librement consentis entre producteurs et consommateurs. Modèle à l’opposé du monopole d’État, par essence centralisateur, autarcique et ouvert à toutes les dérives permises par un tel pouvoir.

Aux antipodes du fonctionnement d’EDF SA, chez Enercoop ce sont les consommateurs qui votent le prix de l’électricité, en adhérant aux principes intangibles d’une gouvernance égalitaire (un homme, une voix) et d’un approvisionnement exclusif en énergie renouvelable.

Précisons également qu’Enercoop, sans jamais avoir augmenté ses prix HT depuis sa création en 2006, a clôturé en 2010 ses comptes à l’équilibre pour la deuxième année consécutive (contrairement à tous les autres fournisseurs d’électricité dits alternatifs).

Enfin, il faut savoir que trois clients d’Enercoop sur quatre sont également sociétaires. C’est-à-dire membres de la coopérative par la souscription de parts de capital (avec un minimum de cent euros). Cette précision est d’importance car cela montre que, plus qu’un "client", le consommateur d’électricité fournie par Enercoop est plutôt un "consomm’acteur".

Pourtant, si c’est seulement en 2011 que le rythme de nouvelles souscriptions décolle, c’est largement dû à la catastrophe japonaise et au réveil des consciences que l’événement suscite.

Comment expliquer qu’il puisse rester encore des militants écologistes, et d’abord anti­nucléaires, qui n’aient pas encore adhéré à ce projet coopératif proposant tous les ingrédients pour les séduire ? Alors que tous connaissent les méfaits d’une politique énergétique menant notre pays littéralement à la ruine. Cela nous interpelle et mérite que nous nous arrêtions un instant sur le contexte socio-historique français pour tenter de répondre à cette question : d’où vient cette difficulté presque congénitale que nous avons en France à quitter EDF ?

Parmi les causes de cette résistance citons un attachement viscéral des Français, surtout lorsqu’ils se disent "de gauche", à un modèle centralisé issu des conquêtes sociales et économiques obtenues à la Libération, avec son programme de nationalisations. EDF, la SNCF ou la "Sécu", même combat.

La conquête donnant un accès égalitaire à la production électrique était portée par EDF, symbole de maîtrise collective de la production, avec la participation de puissants syndicats veillant jalousement au partage des richesses et aux conditions de travail de dizaines de milliers d’ouvriers et techniciens de tout rang. Ce qui avait de quoi séduire toute la gauche.

A cela venait s’ajouter l’accueil privilégié réservé par l’électricien national aux élites traditionnelles, parmi lesquelles l’éminent Corps des ingénieurs des Mines, faisant d’EDF une chasse-gardée, consolidant son emprise avec d’autant plus d’efficacité que les milieux politiques se sont toujours appuyés sur ces serviteurs zélés.

Ces ingénieurs n’ont eu aucun mal à exercer leur ascendant historique sur les décisions et les choix technologiques lourds. Et ce d’autant plus facilement que la classe politique était ­— est toujours —, soit totalement ignare en matière d’énergie, soit issue des mêmes types de Corps. C’est ainsi que 95 % des Français restent clients de l’électricien national quatre ans après l’"ouverture" de ce marché. Et, fait notable, le nombre de clients choisissant les offres de marché a été négatif au 4ème trimestre 2010 ; c’est-à-dire qu’il y a eu à la fin de l’année dernière plus de consommateurs pour revenir chez EDF que pour en sortir : vous avez dit "ouverture" ?

Six décennies de monopole ont laissé des traces bien profondes dans une opinion publique anesthésiée qui ne demande, au fond, qu’on lui fournisse son électricité au meilleur prix. Tant pis si la moitié de la facture est renvoyée aux générations futures.

La cécité qui en résulte empêche de manière très efficace les Français de voir les dérives perverses dans lesquelles EDF s’est engouffrée. Parmi lesquelles la maladive et irresponsable monoculture du nucléaire bénéficiant aux élites au pouvoir, cachées derrière la rhétorique bien efficace du "service public".

Dérives détournant les moyens qui devraient servir à la rénovation d’un réseau vétuste, à la promotion d’économies d’énergie massives ou au développement à grande échelle des énergies renouvelables ici, en France. Ces deux derniers points constituant, justement, l’objectif d’Enercoop.

Ce qu’EDF n’a pas encore compris, ni les hommes politiques qui la soutiennent dans son dévoiement d’une mission de service véritablement "public", c’est que les temps changent : gigantisme, monopole, centralisation extrême ne sont plus la meilleure réponse aux défis de ce siècle. Produire et distribuer l’énergie deviendra notamment l’affaire des citoyens, organisés en une multitude de petites unités de production, participant chacune à soutenir un réseau maillé de telle sorte que consommateur et producteur se confondent et s’entremêlent.

Le mastodonte soviétisé appartient à une autre ère et, pour peu que les Français, à commencer par les "militants", finissent de se réveiller et admettent cette réalité du 21ème siècle, nous devrions voir prospérer des coopératives de production et de distribution d’énergie dont le modèle promu par Enercoop servirait de référence.

Un modèle dont la finalité est l’investissement des particuliers dans des coopératives régionales visant la production locale et renouvelable et permettant l’autonomie énergétique. Avouez que c’est un beau projet. Un projet de société.

Et vous... vous y êtes, chez Enercoop ?

Claudio Rumolino

Ingénieur énergéticien,
membre du Réseau "Sortir du nucléaire"
Membre du conseil d’administration d’Enercoop

Plus d’info sur Enercoop : www.enercoop.fr

La scène a lieu lors d’une réunion habituelle de militants écologistes qui n’ont rien à prouver de la sincérité de leurs motivations. La soixantaine de membres présents écoute attentivement le bilan des actions de l’année écoulée avant le passage en revue du plan de campagne pour l’année à venir. Avant cela, et en guise de transition, je prends la parole pour présenter l’état de la situation d’Enercoop aux membres de cette association amie.

Me tournant vers la salle et avant mon rapide exposé improvisé, je commence par lancer, sentencieux : "Je suppose que vous êtes tous chez Enercoop..."

Le silence qui s’en est suivi, et les mines perplexes s’affichant alors, m’en ont dit plus long sur l’imperméabilité des mentalités dans le domaine de la fourniture électrique que toutes les déductions et extrapolations idéologiques que j’avais pu faire auparavant.

Rappelons qu’Enercoop est née de la volonté d’un groupe d’entrepreneurs militants convaincus de la pertinence, idéologique autant qu’économique, d’un modèle proposant une ré-appropriation de la problématique de l’énergie par les citoyens. D’autant plus convaincus du bien fondé de la démarche que celle-ci avait fait ses preuves, puisque d’autres coopératives s’étaient déjà lancées dans une aventure similaire, en Belgique ou en Allemagne, avec succès.

Ce modèle repose sur l’idée que les citoyens ont été dépossédés, au profit de la technostructure ou de celui des grands groupes, des décisions qui les concernent en matière d’énergie et, principalement, l’une des ses formes les plus présentes au quotidien : l’élec­tricité.

Afin de libérer les citoyens de cette emprise et leur redonner la parole pour des décisions qui engagent y compris leur propre descendance, Enercoop propose une version revisitée du service public, reposant sur la décentralisation, la coopération, la participation et le souci de l’environnement par une commercialisation exclusive de renouvelables grâce à des contrats librement consentis entre producteurs et consommateurs. Modèle à l’opposé du monopole d’État, par essence centralisateur, autarcique et ouvert à toutes les dérives permises par un tel pouvoir.

Aux antipodes du fonctionnement d’EDF SA, chez Enercoop ce sont les consommateurs qui votent le prix de l’électricité, en adhérant aux principes intangibles d’une gouvernance égalitaire (un homme, une voix) et d’un approvisionnement exclusif en énergie renouvelable.

Précisons également qu’Enercoop, sans jamais avoir augmenté ses prix HT depuis sa création en 2006, a clôturé en 2010 ses comptes à l’équilibre pour la deuxième année consécutive (contrairement à tous les autres fournisseurs d’électricité dits alternatifs).

Enfin, il faut savoir que trois clients d’Enercoop sur quatre sont également sociétaires. C’est-à-dire membres de la coopérative par la souscription de parts de capital (avec un minimum de cent euros). Cette précision est d’importance car cela montre que, plus qu’un "client", le consommateur d’électricité fournie par Enercoop est plutôt un "consomm’acteur".

Pourtant, si c’est seulement en 2011 que le rythme de nouvelles souscriptions décolle, c’est largement dû à la catastrophe japonaise et au réveil des consciences que l’événement suscite.

Comment expliquer qu’il puisse rester encore des militants écologistes, et d’abord anti­nucléaires, qui n’aient pas encore adhéré à ce projet coopératif proposant tous les ingrédients pour les séduire ? Alors que tous connaissent les méfaits d’une politique énergétique menant notre pays littéralement à la ruine. Cela nous interpelle et mérite que nous nous arrêtions un instant sur le contexte socio-historique français pour tenter de répondre à cette question : d’où vient cette difficulté presque congénitale que nous avons en France à quitter EDF ?

Parmi les causes de cette résistance citons un attachement viscéral des Français, surtout lorsqu’ils se disent "de gauche", à un modèle centralisé issu des conquêtes sociales et économiques obtenues à la Libération, avec son programme de nationalisations. EDF, la SNCF ou la "Sécu", même combat.

La conquête donnant un accès égalitaire à la production électrique était portée par EDF, symbole de maîtrise collective de la production, avec la participation de puissants syndicats veillant jalousement au partage des richesses et aux conditions de travail de dizaines de milliers d’ouvriers et techniciens de tout rang. Ce qui avait de quoi séduire toute la gauche.

A cela venait s’ajouter l’accueil privilégié réservé par l’électricien national aux élites traditionnelles, parmi lesquelles l’éminent Corps des ingénieurs des Mines, faisant d’EDF une chasse-gardée, consolidant son emprise avec d’autant plus d’efficacité que les milieux politiques se sont toujours appuyés sur ces serviteurs zélés.

Ces ingénieurs n’ont eu aucun mal à exercer leur ascendant historique sur les décisions et les choix technologiques lourds. Et ce d’autant plus facilement que la classe politique était ­— est toujours —, soit totalement ignare en matière d’énergie, soit issue des mêmes types de Corps. C’est ainsi que 95 % des Français restent clients de l’électricien national quatre ans après l’"ouverture" de ce marché. Et, fait notable, le nombre de clients choisissant les offres de marché a été négatif au 4ème trimestre 2010 ; c’est-à-dire qu’il y a eu à la fin de l’année dernière plus de consommateurs pour revenir chez EDF que pour en sortir : vous avez dit "ouverture" ?

Six décennies de monopole ont laissé des traces bien profondes dans une opinion publique anesthésiée qui ne demande, au fond, qu’on lui fournisse son électricité au meilleur prix. Tant pis si la moitié de la facture est renvoyée aux générations futures.

La cécité qui en résulte empêche de manière très efficace les Français de voir les dérives perverses dans lesquelles EDF s’est engouffrée. Parmi lesquelles la maladive et irresponsable monoculture du nucléaire bénéficiant aux élites au pouvoir, cachées derrière la rhétorique bien efficace du "service public".

Dérives détournant les moyens qui devraient servir à la rénovation d’un réseau vétuste, à la promotion d’économies d’énergie massives ou au développement à grande échelle des énergies renouvelables ici, en France. Ces deux derniers points constituant, justement, l’objectif d’Enercoop.

Ce qu’EDF n’a pas encore compris, ni les hommes politiques qui la soutiennent dans son dévoiement d’une mission de service véritablement "public", c’est que les temps changent : gigantisme, monopole, centralisation extrême ne sont plus la meilleure réponse aux défis de ce siècle. Produire et distribuer l’énergie deviendra notamment l’affaire des citoyens, organisés en une multitude de petites unités de production, participant chacune à soutenir un réseau maillé de telle sorte que consommateur et producteur se confondent et s’entremêlent.

Le mastodonte soviétisé appartient à une autre ère et, pour peu que les Français, à commencer par les "militants", finissent de se réveiller et admettent cette réalité du 21ème siècle, nous devrions voir prospérer des coopératives de production et de distribution d’énergie dont le modèle promu par Enercoop servirait de référence.

Un modèle dont la finalité est l’investissement des particuliers dans des coopératives régionales visant la production locale et renouvelable et permettant l’autonomie énergétique. Avouez que c’est un beau projet. Un projet de société.

Et vous... vous y êtes, chez Enercoop ?

Claudio Rumolino

Ingénieur énergéticien,
membre du Réseau "Sortir du nucléaire"
Membre du conseil d’administration d’Enercoop

Plus d’info sur Enercoop : www.enercoop.fr



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