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Décryptage de l’émission "C dans l’air" du 2 juillet 2009

24 juillet 2009 | 1667 vues




Une émission à la gloire de l’industrie nucléaire. L’émission est visionnable en ligne sur le site de France 5 :
https://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?page=resume&id_rubrique=1196



Les invités

 Jacques Percebois - Economiste (radicalement pronucléaire)

 Marie-Jeanne Husset - Directrice de la rédaction du mensuel 60 millions de consommateurs.
 Daniel Bour - Président de Sunnco.

 Christian Cachat - Président-directeur général de Rewatt

Animation par Yves Calvi.

Le document ci-dessous reprend les propos et éléments essentiels de l’émission. Les commentaires du Réseau "Sortir du nucléaire" sont précédés du symbole *

Le jeudi 2 juillet 2009, l’émission "C dans l’air", diffusée par France 5, était titrée "EDF, quelle énergie pour demain ?" et largement consacrée au nucléaire… ou plus exactement à la promotion du nucléaire. L’introduction de Yves Calvi a d’ailleurs tout de suite donné le ton :

Yves Calvi : "Les français viennent de montrer qu’ils ont confiance en EDF comme en atteste l’énorme succès du dernier emprunt, un succès largement fondé sur le nucléaire, dont les déchets continuent pourtant d’inquiéter, et de poser des problèmes à très long terme, même s’ils sont stockés sérieusement"

* Première affirmation gratuite : l’emprunt EDF serait un "énorme succès". Pourtant, seules 210 000 personnes (sur environ 40 millions d’adultes vivant en France) ont souscrit. Qui plus est, cet emprunt est un "succès" non pour EDF mais… pour ces souscripteurs, qui vont toucher des intérêts confortables, lesquels vont par contre être payés par tous les usagers. Mais ces quelques "détails" n’ont pas effleuré le journaliste.

* Yves Calvi enchaîne avec une affirmation aussi gratuite que sidérante : le supposé "succès" de l’emprunt EDF serait "largement fondé sur le nucléaire". Pourtant, les analystes boursiers ont donné une toute autre explication : les gens qui ont souscrit l’ont fait parce que EDF est une entreprise détenue par l’Etat et que, du coup, même en cas de faillite d’EDF, ils sont certains de retrouver leur mise et leurs intérêts. Cela n’a donc absolument RIEN à voir avec le nucléaire.

* Yves Calvi donne alors la parole au premier des quatre invités, autant dire l’invité principal tant l’animateur va lui donner la parole et s’appuyer sur lui, parfois de façon ostensible, pour promouvoir l’atome. Jacques Percebois est un économiste radicalement pronucléaire, et il va le démontrer largement, quitte à donner des informations fausses ou à remplacer l’information par des slogans.

Jacques Percebois : "L’électricité est France est, pour les particuliers comme pour les industriels, parmi les tarifs les plus bas d’Europe"

* Affirmation fausse (cf https://www.sortirdunucleaire.org/actualites/communiques/affiche.php?aff=583 ). Ces dernières années, les ménages de plus de la moitié des pays de l’Union européenne ont payé l’électricité moins cher qu’en France. Percebois raconte donc des salades, mais Yves Calvi, qui est pourtant journaliste, ne trouve rien à y redire. Au contraire…

Yves Calvi : "La France produit 78% de son électricité avec le nucléaire, on a donc eu un engagement maximaliste dont je crois que les français ne se plaignent pas en dépit de divers problèmes (…) on appuie sur le bouton, il y a de l’électricité : c’est le nucléaire. Au moment où il y a le problème avec le réchauffement climatique, on a de grosses inquiétudes sur la gestion des déchets nucléaires demain, mais on ne peut pas dire non plus que le nucléaire n’est pas d’une redoutable efficacité par rapport à un certain nombre d’enjeux".

* D’abord, Yves Calvi décrète que les français "ne se plaignent pas" du nucléaire. Quels français ? Tous ? Il ne cite aucune étude, aucun sondage. C’est une nouvelle affirmation gratuite… et fausse : malgré des décennies de publicités d’EDF (jusque dans les écoles primaires), de discours pronucléaires des politiques et de la majorité des éditorialistes, les avis sont très partagés sur le nucléaire, ce qui est un véritable miracle : les français ne se laissent pas tous imposer l’opinion des "élites". Mieux : 78% des Français estiment qu’il faut "en priorité développer les énergies renouvelables en France pour qu’elles deviennent la source principale d’énergie", et seulement 19% estiment qu’il faut "maintenir le nucléaire comme source principale d’énergie" (Sondage LH2 pour RMC et 20 minutes, février 2007). Yves Calvi n’a de toute évidence pas préparé son émission.

* Yves Calvi ose "Il y a de l’électricité, c’est le nucléaire". Même les publicités d’EDF sont plus subtiles que cette affirmation absurde. Le nucléaire ne représente pourtant que 15% de l’électricité dans le monde et 2% de la consommation mondiale d’énergie. On est alors en droit de se demander si Yves Calvi a seulement mal préparé son émission : ne fait-il délibérément de la propagande pronucléaire ?

* Yves Calvi laisse entendre - et il va y revenir lourdement par la suite - que les déchets radioactifs constituent le seul véritable problème avec le nucléaire, ce qui est complètement faux. Puis, il affirme "on ne peut pas dire que le nucléaire n’est pas d’une redoutable efficacité par rapport à un certain nombre d’enjeux." En clair : "si on remet en cause le nucléaire, on va perdre tous les avantages qu’il procure". Quels avantages ? Par rapport à quels "enjeux" ? Comme par hasard, Yves Calvi cite le réchauffement climatique, c’est-à-dire l’argument principal de l’industrie nucléaire. Pourtant, l’atome couvrant seulement 2% de la consommation mondiale d’énergie, sa contribution à la lutte contre le réchauffement est quasi nulle. Par la suite, Calvi va insister très lourdement sur la supposée "indépendance" due, selon-lui, au nucléaire. Mais le débat fait d’abord un petit détour par l’emprunt EDF…

Jacques Percebois : "L’emprunt peut servir pour construire de nouvelles centrales nucléaires notamment en Angleterre"

* Incroyable, Yves Calvi ne réagit pas. Alors que le PDG d’EDF venait de demander 20% d’augmentation du prix de l’électricité en France, il fallait immédiatement demander à Percebois "Mais alors c’est pour faire du nucléaire à l’étranger qu’EDF veut augmenter brutalement le prix de l’électricité en France ?" De toute évidence, Yves Calvi évite toute discussion pouvant nuire au développement du nucléaire. Et pour ceux qui n’auraient pas encore compris, il insiste :

Yves Calvi : "Est-ce qu’il y a aujourd’hui un virage à prendre ? Ceci dit, quand on questionne EDF et le nucléaire, il toujours le faire n’oubliant pas que le soir on rentre chez soi et on appuie sur le bouton"

* Toujours le même sous-entendu : sans le nucléaire, pas d’électricité. Et une fois de plus, Yves Calvi relance Percebois qui semble être le seul invité, les trois autres étant réduits au silence.

Jacques Percebois : "le virage aujourd’hui c’est les "énergies non-carbonées". Autrefois on disait il y a les pronucléaires, les antinucléaires (…) Aujourd’hui la différence est entre les énergies carbonées - le charbon, le fuel, le gaz - et les énergies non-carbonées : le nucléaire, le solaire, l’éolien, l’hydraulique. Le clivage il est là."

* Jacques Percebois a bien appris sa leçon : inquiets devant la demande de l’opinion d’un développement massif des énergies renouvelables, les industriels du nucléaires ont récemment inventé un concept "lumineux" : les "énergies non-carbonnées". Cela permet d’arrimer le nucléaire aux énergies renouvelables. Il suffisait d’y penser. Sur le plateau de C dans l’air, personne ne peut apporter un autre son de cloche, seul Percebois à la parole, et il développe tranquillement les concepts inventés par l’industrie nucléaire.

Yves Calvi : "L’énergie nucléaire, même critiquée, reste incontournable aujourd’hui en France. Le gros problème, c’est la gestion des déchets nucléaires. Ils sont entreposés de manière temporaire à La Hague ou à Marcoule, mais on travaille à des sites d’enfouissement dits définitifs. Des tests ont lieu au laboratoire pilote de Bure dans la Meuse, à 500 m de profondeur. Reportage".

* A nouveau, Cavi décrète qu’il n’y a finalement qu’un problème avec le nucléaire : les déchets radioactifs. Exit les risques de catastrophe (accidents, séismes, inondations, etc…). Exit la vulnérabilité d’un système aussi centralisé (tempêtes, attentats, etc). Exit les pollutions par les mines d’uranium (en France, au Niger, etc). Exit les rejets radioactifs autour des centrales (alors que la polémique fait rage en Allemagne). Exit les rejets chimiques des centrales dans les rivières. Exit les fuites d’uranium (au Tricastin et ailleurs). Exit la prolifération nucléaire, les accords Sarkozy-Kadhafi. Exit le coût incommensurable du démantèlement des installations... Non, Yves Calvi décrète qu’il n’y a qu’un problème et, ça "tombe bien", la solution existe : enfouir les déchets radioactifs. Suit alors un reportage totalement scandaleux, un véritable publi-reportage tout à la gloire des projets d’enfouissement. (Voir en encadré l’analyse de ce reportage)

Yves Calvi : "on va revenir sur deux ou trois choses mais d’abord une première question : "L’avance de la France dans le secteur du nucléaire sera-t-elle un handicap dans le recherche d’autres modes de production d’électricité ?". Ca revient à dire, est-ce que cette avance, cette autonomie, cette indépendance qui est la notre et qui est incontestable, n’est-elle pas un handicap pour le reste ?"

* Comme par hasard, la question mise en exergue pose d’emblée que, avec le nucléaire, la France est "en avance". C’est une opinion qui peut être défendue, pourquoi pas, mais des gens estiment au contraire que la France a fait totalement fausse route. Mais, à C dans l’air, une seule version est acceptable : la France est "en avance", un point c’est tout. Et Yves Calvi d’insister lourdement (toujours au cas où on ne comprendrait pas) : "Cette avance, cette autonomie, cette indépendance qui est la notre et qui est incontestable". Circulez, il n’y a pas à discuter, c’est "incontestable". Pas besoin de donner des preuves (il est vrai qu’il n’y en a pas !), de citer des études des enquêtes, Yves Calvi ne connaît que la méthode totalitaire : "c’est indiscutable". On ne discute pas à C dans l’air.

Yves Calvi : "Nous sommes indépendants avec le nucléaire, sommes-nous dépendants concernant le solaire ?" Réponse évidente : "Oui". Yves Calvi enfonce le clou : "Ca vient d’où ?" Réponse : "D’Allemagne et d’Asie en particulier pour la matière première, le silicium." Toujours au cas où certains n’auraient pas compris, Yves Calvi en remet une couche : "Donc les entreprises sont globalement allemandes et elles font comme toutes les autres entreprises du monde, elles construisent en partie en Asie".

* Mine déconfite de Yves Calvi (comprendre : "Les renouvelables, c’est bon pour les étrangers, pour les délocalisations, etc"), qui met a nouveau sur orbite l’inévitable Percebois :

Yves Calvi : "Quel est le poids de l’énergie solaire sur la planète et le poids du nucléaire ?"

Jacques Percebois : "Le nucléaire, c’est 15% de l’électricité sur la planète, 32% en Europe et 78% en France. Le solaire en France c’est moins de 1%, zéro et quelques, les renouvelables c’est 2%"

* Mensonge délibéré de Percebois : l’hydroélectricité, énergie renouvelable, couvre 12% de la production d’électricité en France. D’ailleurs, sur la planète, les barrages produisent plus d’électricité que les 435 réacteurs en service : 3200 Twh/an contre 2600 Twh/an. Globalement, les renouvelables couvrent 15% de la consommation mondiale d’énergie, le nucléaire plafonnant à 2%. Mais, avec Yves Calvi, il n’y a qu’un discours acceptable : "les renouvelables sont négligeables par rapport au nucléaire". Ce qui est faux, et même inverse à la réalité. Percebois attaque sous un autre angle :

Jacques Percebois : "Les Allemands refusent par principe, pour des raisons politique, le nucléaire"

* Le message est clair : ne croyez pas que les Allemands rejettent le nucléaire à cause des risques, des déchets radioactifs, de la centralisation, du coût réel de cette énergie, de la prolifération, etc. Non, ils refusent le nucléaire "par principe", et "pour des raisons politiques". C’est à dire sans raison, de façon irrationnelle.

Jacques Percebois : "Ils refusent de continuer à faire du nucléaire, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays européens qui sont revenus en arrière - l’Angleterre accepte de refaire du nucléaire, l’Italie qui n’en avait jamais fait, accepte d’en faire, l’Espagne s’interroge, la Suède revient sur le nucléaire, on revient sur le nucléaire un peu partout en Europe".

* Cette question est très intéressante : des gens prétendent qu’il y a une "renaissance" du nucléaire, d’autres estiment que c’est un écran de fumée et que la quasi-totalité des réacteurs annoncés ne seront jamais construits. Mais à nouveau, sur le plateau de C dans l’air, seul le point de vue pronucléaire est exposé. Pourtant, Calvi est pourtant bien au courant de la polémique, mais il tend une fois de plus la perche à Percebois :

Yves Calvi : "Le boom du nucléaire n’est donc pas une intoxication politique et de propagande française ?"

Jacques Percebois : "Ce n’est pas EDF qui convainc tout le monde de faire du nucléaire"

Yves Calvi "Oui, voilà, bien sûr"

* On se régalera avec la conclusion de Calvi, une variante de "c’est indiscutable". Pour avoir un autre point de vue, mais celui-là basé sur des données incontestables puisque provenant directement des compagnies qui annulent leurs projets de réacteurs nucléaires, voir ici (cf https://www.sortirdunucleaire.org/actualites/communiques/affiche.php?aff=585 ).

Mais Percebois continue (décidément, c’est une émission presque entièrement pour lui)

Jacques Percebois : "Aujourd’hui il y a un retour vers le nucléaire parce que les priorités ont changé : pour lutter contre l’effet de serre, il faut des énergies non-polluantes"

* Et voilà que le nucléaire est intronisé "énergie non-polluante". Malgré les déchets radioactifs, les contaminations par les mines d’uranium, les rejets radioactifs et chimiques dans l’environnement des centrales, etc. Areva et EDF doivent se frotter les mains en regardant l’émission…

Yves Calvi : "On cherche partout parce qu’on sait que les solutions seront nécessairement conjointes".

* Attention, il s’agit là aussi d’un argument systématiquement avancé par l’industrie nucléaire, qui a inventé à cet effet la formule suivante, que vous entendrez souvent dans la bouche de dirigeants politiques acquis à l’atome : "Le nucléaire n’est pas LA solution, mais il n’y a pas de solution sans le nucléaire". Yves Calvi s’aligne : "Les solutions seront nécessairement conjointe". En clair, il est interdit de rejeter une énergie en particulier, toutes les énergies doivent être développées conjointement. A nouveau il s’agit d’une affirmation gratuite : en effet, si les citoyens le décident collectivement, il est parfaitement possible (et justifié) de rejeter une énergie, en l’occurrence le nucléaire. A nouveau, Yves Calvi tente de faire passer une option pronucléaire pour une évidence indiscutable.

Yves Calvi revient alors sur les déchets nucléaires en rappelant d’abord que "C’est facile de traiter cette question avec démagogie, aussi il faut rappeler qu’on vit sur cette indépendance depuis 50 ans, vous [ie Percebois] avez bien fait de nous le rappeler tout à l’heure"

* Encore une fois, Yves Calvi "déblaye" le terrain pour empêcher toute discussion. Son sous-entendu est clair : si vous posez le problème des déchets radioactifs, qui plus est si vous refusez de les accueillir près de chez eux, alors vous traitez cette question "avec démagogie". Et Yves Calvi entonne pour la énième fois le refrain de l’ "indépendance", remerciant même Jacques Percebois de l’avoir évoqué alors que c’est bien lui, Yves Calvi, qui n’a cessé d’en parler !

Yves Calvi "Le reportage était passionnant mais on se dit "qu’est ce qu’on va faire de toute cette saloperie", est-ce qu’on a des réponses cher Jacques Percebois ? On fait des trous… mais en même temps le nucléaire nous rend service, on est pris dans cette contradiction"

* A nouveau, c’est ce "cher Jacques Percebois" qui doit répondre, surtout pas un des autres invités…

Percebois : "Les déchets à vie courte- de quelques secondes à quelques années - et à faible activité il n’y a pas de problème, on les entrepose sur place et au bout de quelques années c’est réglé. Ce sont les déchets à vie longue - de trente ans à des millions d’années - et à forte activité qui posent problème. Ils représentent moins de 5% de tous les déchets"

* De même que Yves Calvi a posé arbitrairement que le seul problème avec le nucléaire était la question des déchets, Jacques Percebois pose arbitrairement que seul les déchets à vie longue et à forte activité posent problème. Or, différentes autres catégories de déchets radioactifs posent de vraies questions de santé publique. Par exemple, l’industrie nucléaire produit des quantités astronomiques de ferrailles et autres résidus plus ou moins radioactifs, et elle a essayé à plusieurs reprises de les intégrer dans les matériaux de la vie courante. Il a par exemple fallu de fortes mobilisations citoyennes à Feurs (Loire) pour empêcher Areva de livrer, avec la bénédiction de la préfecture, ses ferrailles radioactives à une fonderie ordinaire (cf https://www.viva.presse.fr/Polemique-autour-de-dechets_3803.html ). De même, le dossier des déchets "FAVL" (à faible activité et à vie longue) est véritablement explosif, les populations refusant à juste titre les projets d’enfouissement (voir plus loin).

Jacques Percebois : "Les 58 réacteurs nucléaires français produisent chaque année environ 1150 tonnes de déchets, une partie est retraitée, on en récupère certains, on les remets dans les centrales.

* On ne développera pas ce point qui est assez complexe, mais il faut savoir que la quasi-totalité des déchets radioactifs n’est pas réutilisée, à part une petite partie du plutonium. Ce qui fait d’ailleurs que Areva ne classe absolument pas le plutonium dans la catégorie "déchets". Il est donc totalement faux de prétendre que des déchets seraient "remis dans les centrales". Il s’agit d’un mythe laissant croire aux citoyens qu’il sera "bientôt" possible de se débarrasser des déchets radioactifs en les "remettant dans les centrales" comme on jette une bûche de bois dans une cheminée. Une fois de plus, Jacques Percebois n’informe pas, il développe la propagande pronucléaire…

Jacques Percebois "Les déchets "faible activité à vie longue" posent également un problème, ceux-là il faut les enfouir. On a beaucoup parlé dernièrement de deux sites dans l’Aube, c’est pour eux ces sites là.

* Jacques Percebois oublie de parler des fortes mobilisations an cours contre ces projets (voir plus loin dans l’émission).

Jacques Percebois "Mais ce qui pose vraiment un problème très important, ce sont les déchets à vie longue et à haute activité, c’est à peu près en France 2500 m3. On l’a vu dans le reportage, il y a actuellement un site expérimental à Bure. C’est dans cette région qu’on fera un site de stockage définitif.

* A nouveau, Jacques Percebois ne connaît que la version officielle, celle de l’Etat pronucléaire et des entreprises de l’atome. Il aurait dû dire "C’est dans cette région que les autorités veulent faire un site des stockage définitif". Yves Calvi se garde bien d’intervenir, de poser la question du refus de populations…

Jacques Percebois :"La loi de 2006 prévoit que le stockage est réversible pendant 100 ans parce que on estime que demain, il y aura peut-être de nouvelles techniques qui permettront de faire ce qu’on appelle de la "transmutation" - transformer des déchets à vie longe en déchets à vie courte ou moyennement longue - et le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) à l’heure actuelle travaille beaucoup sur ce sujet."

* Comme par hasard, Jacques Percebois oublie de parler des problèmes graves qui se poseront si cette hypothèse se réalise un jour : aller chercher des déchets nucléaires enfouis peut se révéler extrêmement dangereux (des gaz radioactifs se seront accumulés dans les galeries). Qui plus est, cela coûterait des sommes astronomiques qu’EDF et Areva se gardent bien de provisionner : si nos descendants veulent aller rechercher nos déchets enfouis, ils devront le faire à leurs risques et périls et à leurs frais. Quant à la transmutation, plus les recherches "avancent", plus l’objectif s’éloigne. Il ne faut pas compter sur ce délire d’alchimistes…

L’émission se poursuit par un REPORTAGE plutôt intéressant sur les énergies renouvelables.

Suivent quelques échanges sur les contraintes qui limitent le développement du solaire en ville.

Grâce à Marie-Jeanne Husset, Directrice de la rédaction du mensuel 60 millions de consommateurs, on entend alors un point de vue un peu plus rafraîchissant : elle rappelle que le solaire manque de compétences "à cause de l’impérialisme d’EDF" (qui a opté pour le nucléaire) mais aussi des pétroliers qui, dès les années 70, avaient investi dans le solaire "pour mieux le tuer".

Marie-Jeanne Husset continue : "Aujourd’hui, on ne pourrait refaire le programme nucléaire qu’on a lancé en 73 sans débat public, et je veux revenir sur les déchets parce que je brûlais de le dire tout à l’heure, la question du réchauffement climatique éloigne le problème du réchauffement climatique mais il va revenir celui-là, en particulier quand on va avoir à choisir les zones dans lesquelles on va enfouir les déchets, les populations vont réagir, c’est certain. Pour en revenir au problème de l’équipement en énergies renouvelables…"

* On imagine l’agacement de Yves Calvi qui avait parfaitement verrouillé la discussion sur les déchets radioactifs : voilà qu’une de ses invités, questionnée sur les problèmes posés par les énergies renouvelables, se permet de revenir en arrière et même de citer la réaction des populations. A juste titre : quelques jours après l’émission, les deux communes de l’Aube, citées par Jacques Percebois, ont retiré leurs candidature sous le pression des habitants qui ont refusé le coup de force des deux maires associés au lobby nucléaire. (cf https://www.romandie.com/infos/news2/090715162948.x1d1mbex.asp )

* Les invités, poussés par Yves Calvi, vont alors expliquer certaines difficultés rencontrées par lors du développement des énergies renouvelables, secteur qui décolle à peine du fait de la priorité absolue donnée au nucléaire depuis 40 ans. Et la conclusion d’Yves Calvi, loin de mettre en cause les autorités qui ont si peu fait pour les renouvelables, vaut le détour…

Christian Cachat rappelle que les incitations pour le solaire sont extrêmement récentes et que c’est un marché qui démarre seulement, avec parfois des dérives, et qu’il va falloir "faire le ménage"

Marie-Jeanne Husset explique que le domaine qui suscite le plus de plaintes des consommateurs, ce sont les pompes à chaleur. Beaucoup de consommateurs se sont vus "fourguer" des pompes à chaleur "air-air" à la place d’une bonne chaudière au gaz qui marchait très bien. On vient d’avoir un hiver rigoureux et ces gens ont dû acheter des chauffages d’appoint électriques et ont eu des factures électriques faramineuses. Il faut aussi vérifier si on est vraiment éligible au crédit d’impôt, certains on fait confiance au vendeur et ont eu ensuite un redressement fiscal.

Yves Calvi : "Franchement, ça ne donne pas envie de passer aux énergies renouvelables !"

* Franchement, cela ressemble à un vrai guet-apens. C dans l’air est pourtant diffusée par le serivce public, mais il est vrai que cette émission est produite par une société privée et les enregistrements réalisés dans les studios du groupe Lagardère…

Suit alors un REPORTAGE sur Desertec, un projet absurde de développement du solaire au Sud… pour alimenter le Nord. Cet aspect est à peine effleuré. Voir à ce sujet l’article "Desertec ne sert qu’à défendre des monopoles établis" (cf

https://www.lexpansion.com/economie/actualite-economique/desertec-ne-sert-qu-a-defendre-des-monopoles-etablis_190381.html )

Il est aussi question des problèmes rencontrés avec les pompes à chaleur, sans qu’il ne soit jamais expliqué que la plupart sont installées pour soutenir la consommation d’électricité et donc la politique nucléaire de la France.

En résumé, la majorité de l’émission était consacrée à la promotion du nucléaire, et la fin à la décrédibilisation des énergies renouvelables.

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REPORTAGE SUR LES DECHETS NUCLEAIRES

Autant le dire, ce reportage est indigne de la télévision publique et du journalisme de façon générale. Il s’agit véritablement d’un publi-reportage en faveur des projets de l’industrie nucléaire.

Voix off : "C’est un observatoire unique en France, enfoui à 500m de profondeur : voyage au centre de la Terre. 500m, une fois et demi la tour Eiffel."

* Ce reportage commence mal, avec une volonté manifeste de magnifier quitte à dire n’importe quoi (le centre de la Terre est à plus de 6000 km de profondeur !)

Interview d’un représentant de l’Andra : "Il faut être à plus de 200m de profondeur pour se mettre à l’abris des risques d’érosion qui pourraient arriver dans plusieurs milliers d’années, mais la on est à 500 m parce que la couche d’argile quasiment imperméable qui nous intéresse est à 500m "

* Voilà une merveilleuse application du "principe de sécurité" : théoriquement, il suffit d’être à 200m de profondeur. Là, on est à 500, plus du double : les citoyens peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles.

Voix off : Au fond du puis, 700m de galeries truffées de capteurs. Ici, depuis 2004, géologues et ingénieurs scrutent la roche dans ses moindres détails, ses mouvements, ses fissures, la présence éventuelle d’eau, et la réaction de l’argile à la chaleur dégagée par les déchets les plus radioactifs. Résultat, aujourd’hui les scientifiques en ont la certitude : ici, un stockage sans risque serait possible.

* Aucune référence à la mine de sel de Asse (Allemagne) où se déroule actuellement une véritable catastrophe nucléaire souterraine (https://www.24heures.ch/actu/monde/2008/09/05/poubelle-nucleaire-trouee-passoire ). Les autorités allemandes ont pourtant donné les mêmes assurances que l’Andra aujourd’hui : il était question d’une couche "géologiquement stable depuis 70 millions d’années", et "quasiment imperméable". Or les déchets nucléaires baignent désormais dans un immense lac souterrain radioactif.

Un représentant de l’Andra : "Même si des éléments radioactifs arrivaient un jour en surface, les doses seraient 100 ou 1000 fois inférieures aux limites autorisées."

* Personne n’est là pour expliquer que les "limites autorisées" sont fortement contestées : aucun seuil (en dessous duquel une irradiation serait inoffensive n’a jamais été scientifiquement prouvé. Personne non plus pour envisager l’hypothèse que les doses soient supérieures, ou même très supérieures, à ces "limites autorisées".

Au cas où on n’aurait pas compris, le reportage continue avec des interviews de scientifiques qui se félicitent du projet d’enfouissement tout en expliquant qu’il y a une possibilité de "réversibilité" (c’est-à-dire aller chercher les déchets "si d’autres solutions technologiques apparaissent". "Ces solutions pourront toujours être appliquées, il n’y a pas de cul-de-sac".

* Comme nous l’avons signalé plus haut, si nos descendants veulent aller rechercher nos déchets enfouis, ils devront le faire à leurs risques et périls et à leurs frais. Ce "détail" n’est bien sûr pas évoqué dans le reportage.

Un représentant de l’Andra : "Le défi scientifique est d’apporter, au niveau où nous sommes à l’heure actuelle, les meilleures réponses aux questions qui sont posées par ces déchets radioactifs. Voilà"

* On admirera la maîtrise parfaite de la "novlangue" radioactive, et la conclusion, inattaquable : "Voilà". On ne saurait mieux dire…

Les invités

 Jacques Percebois - Economiste (radicalement pronucléaire)

 Marie-Jeanne Husset - Directrice de la rédaction du mensuel 60 millions de consommateurs.
 Daniel Bour - Président de Sunnco.

 Christian Cachat - Président-directeur général de Rewatt

Animation par Yves Calvi.

Le document ci-dessous reprend les propos et éléments essentiels de l’émission. Les commentaires du Réseau "Sortir du nucléaire" sont précédés du symbole *

Le jeudi 2 juillet 2009, l’émission "C dans l’air", diffusée par France 5, était titrée "EDF, quelle énergie pour demain ?" et largement consacrée au nucléaire… ou plus exactement à la promotion du nucléaire. L’introduction de Yves Calvi a d’ailleurs tout de suite donné le ton :

Yves Calvi : "Les français viennent de montrer qu’ils ont confiance en EDF comme en atteste l’énorme succès du dernier emprunt, un succès largement fondé sur le nucléaire, dont les déchets continuent pourtant d’inquiéter, et de poser des problèmes à très long terme, même s’ils sont stockés sérieusement"

* Première affirmation gratuite : l’emprunt EDF serait un "énorme succès". Pourtant, seules 210 000 personnes (sur environ 40 millions d’adultes vivant en France) ont souscrit. Qui plus est, cet emprunt est un "succès" non pour EDF mais… pour ces souscripteurs, qui vont toucher des intérêts confortables, lesquels vont par contre être payés par tous les usagers. Mais ces quelques "détails" n’ont pas effleuré le journaliste.

* Yves Calvi enchaîne avec une affirmation aussi gratuite que sidérante : le supposé "succès" de l’emprunt EDF serait "largement fondé sur le nucléaire". Pourtant, les analystes boursiers ont donné une toute autre explication : les gens qui ont souscrit l’ont fait parce que EDF est une entreprise détenue par l’Etat et que, du coup, même en cas de faillite d’EDF, ils sont certains de retrouver leur mise et leurs intérêts. Cela n’a donc absolument RIEN à voir avec le nucléaire.

* Yves Calvi donne alors la parole au premier des quatre invités, autant dire l’invité principal tant l’animateur va lui donner la parole et s’appuyer sur lui, parfois de façon ostensible, pour promouvoir l’atome. Jacques Percebois est un économiste radicalement pronucléaire, et il va le démontrer largement, quitte à donner des informations fausses ou à remplacer l’information par des slogans.

Jacques Percebois : "L’électricité est France est, pour les particuliers comme pour les industriels, parmi les tarifs les plus bas d’Europe"

* Affirmation fausse (cf https://www.sortirdunucleaire.org/actualites/communiques/affiche.php?aff=583 ). Ces dernières années, les ménages de plus de la moitié des pays de l’Union européenne ont payé l’électricité moins cher qu’en France. Percebois raconte donc des salades, mais Yves Calvi, qui est pourtant journaliste, ne trouve rien à y redire. Au contraire…

Yves Calvi : "La France produit 78% de son électricité avec le nucléaire, on a donc eu un engagement maximaliste dont je crois que les français ne se plaignent pas en dépit de divers problèmes (…) on appuie sur le bouton, il y a de l’électricité : c’est le nucléaire. Au moment où il y a le problème avec le réchauffement climatique, on a de grosses inquiétudes sur la gestion des déchets nucléaires demain, mais on ne peut pas dire non plus que le nucléaire n’est pas d’une redoutable efficacité par rapport à un certain nombre d’enjeux".

* D’abord, Yves Calvi décrète que les français "ne se plaignent pas" du nucléaire. Quels français ? Tous ? Il ne cite aucune étude, aucun sondage. C’est une nouvelle affirmation gratuite… et fausse : malgré des décennies de publicités d’EDF (jusque dans les écoles primaires), de discours pronucléaires des politiques et de la majorité des éditorialistes, les avis sont très partagés sur le nucléaire, ce qui est un véritable miracle : les français ne se laissent pas tous imposer l’opinion des "élites". Mieux : 78% des Français estiment qu’il faut "en priorité développer les énergies renouvelables en France pour qu’elles deviennent la source principale d’énergie", et seulement 19% estiment qu’il faut "maintenir le nucléaire comme source principale d’énergie" (Sondage LH2 pour RMC et 20 minutes, février 2007). Yves Calvi n’a de toute évidence pas préparé son émission.

* Yves Calvi ose "Il y a de l’électricité, c’est le nucléaire". Même les publicités d’EDF sont plus subtiles que cette affirmation absurde. Le nucléaire ne représente pourtant que 15% de l’électricité dans le monde et 2% de la consommation mondiale d’énergie. On est alors en droit de se demander si Yves Calvi a seulement mal préparé son émission : ne fait-il délibérément de la propagande pronucléaire ?

* Yves Calvi laisse entendre - et il va y revenir lourdement par la suite - que les déchets radioactifs constituent le seul véritable problème avec le nucléaire, ce qui est complètement faux. Puis, il affirme "on ne peut pas dire que le nucléaire n’est pas d’une redoutable efficacité par rapport à un certain nombre d’enjeux." En clair : "si on remet en cause le nucléaire, on va perdre tous les avantages qu’il procure". Quels avantages ? Par rapport à quels "enjeux" ? Comme par hasard, Yves Calvi cite le réchauffement climatique, c’est-à-dire l’argument principal de l’industrie nucléaire. Pourtant, l’atome couvrant seulement 2% de la consommation mondiale d’énergie, sa contribution à la lutte contre le réchauffement est quasi nulle. Par la suite, Calvi va insister très lourdement sur la supposée "indépendance" due, selon-lui, au nucléaire. Mais le débat fait d’abord un petit détour par l’emprunt EDF…

Jacques Percebois : "L’emprunt peut servir pour construire de nouvelles centrales nucléaires notamment en Angleterre"

* Incroyable, Yves Calvi ne réagit pas. Alors que le PDG d’EDF venait de demander 20% d’augmentation du prix de l’électricité en France, il fallait immédiatement demander à Percebois "Mais alors c’est pour faire du nucléaire à l’étranger qu’EDF veut augmenter brutalement le prix de l’électricité en France ?" De toute évidence, Yves Calvi évite toute discussion pouvant nuire au développement du nucléaire. Et pour ceux qui n’auraient pas encore compris, il insiste :

Yves Calvi : "Est-ce qu’il y a aujourd’hui un virage à prendre ? Ceci dit, quand on questionne EDF et le nucléaire, il toujours le faire n’oubliant pas que le soir on rentre chez soi et on appuie sur le bouton"

* Toujours le même sous-entendu : sans le nucléaire, pas d’électricité. Et une fois de plus, Yves Calvi relance Percebois qui semble être le seul invité, les trois autres étant réduits au silence.

Jacques Percebois : "le virage aujourd’hui c’est les "énergies non-carbonées". Autrefois on disait il y a les pronucléaires, les antinucléaires (…) Aujourd’hui la différence est entre les énergies carbonées - le charbon, le fuel, le gaz - et les énergies non-carbonées : le nucléaire, le solaire, l’éolien, l’hydraulique. Le clivage il est là."

* Jacques Percebois a bien appris sa leçon : inquiets devant la demande de l’opinion d’un développement massif des énergies renouvelables, les industriels du nucléaires ont récemment inventé un concept "lumineux" : les "énergies non-carbonnées". Cela permet d’arrimer le nucléaire aux énergies renouvelables. Il suffisait d’y penser. Sur le plateau de C dans l’air, personne ne peut apporter un autre son de cloche, seul Percebois à la parole, et il développe tranquillement les concepts inventés par l’industrie nucléaire.

Yves Calvi : "L’énergie nucléaire, même critiquée, reste incontournable aujourd’hui en France. Le gros problème, c’est la gestion des déchets nucléaires. Ils sont entreposés de manière temporaire à La Hague ou à Marcoule, mais on travaille à des sites d’enfouissement dits définitifs. Des tests ont lieu au laboratoire pilote de Bure dans la Meuse, à 500 m de profondeur. Reportage".

* A nouveau, Cavi décrète qu’il n’y a finalement qu’un problème avec le nucléaire : les déchets radioactifs. Exit les risques de catastrophe (accidents, séismes, inondations, etc…). Exit la vulnérabilité d’un système aussi centralisé (tempêtes, attentats, etc). Exit les pollutions par les mines d’uranium (en France, au Niger, etc). Exit les rejets radioactifs autour des centrales (alors que la polémique fait rage en Allemagne). Exit les rejets chimiques des centrales dans les rivières. Exit les fuites d’uranium (au Tricastin et ailleurs). Exit la prolifération nucléaire, les accords Sarkozy-Kadhafi. Exit le coût incommensurable du démantèlement des installations... Non, Yves Calvi décrète qu’il n’y a qu’un problème et, ça "tombe bien", la solution existe : enfouir les déchets radioactifs. Suit alors un reportage totalement scandaleux, un véritable publi-reportage tout à la gloire des projets d’enfouissement. (Voir en encadré l’analyse de ce reportage)

Yves Calvi : "on va revenir sur deux ou trois choses mais d’abord une première question : "L’avance de la France dans le secteur du nucléaire sera-t-elle un handicap dans le recherche d’autres modes de production d’électricité ?". Ca revient à dire, est-ce que cette avance, cette autonomie, cette indépendance qui est la notre et qui est incontestable, n’est-elle pas un handicap pour le reste ?"

* Comme par hasard, la question mise en exergue pose d’emblée que, avec le nucléaire, la France est "en avance". C’est une opinion qui peut être défendue, pourquoi pas, mais des gens estiment au contraire que la France a fait totalement fausse route. Mais, à C dans l’air, une seule version est acceptable : la France est "en avance", un point c’est tout. Et Yves Calvi d’insister lourdement (toujours au cas où on ne comprendrait pas) : "Cette avance, cette autonomie, cette indépendance qui est la notre et qui est incontestable". Circulez, il n’y a pas à discuter, c’est "incontestable". Pas besoin de donner des preuves (il est vrai qu’il n’y en a pas !), de citer des études des enquêtes, Yves Calvi ne connaît que la méthode totalitaire : "c’est indiscutable". On ne discute pas à C dans l’air.

Yves Calvi : "Nous sommes indépendants avec le nucléaire, sommes-nous dépendants concernant le solaire ?" Réponse évidente : "Oui". Yves Calvi enfonce le clou : "Ca vient d’où ?" Réponse : "D’Allemagne et d’Asie en particulier pour la matière première, le silicium." Toujours au cas où certains n’auraient pas compris, Yves Calvi en remet une couche : "Donc les entreprises sont globalement allemandes et elles font comme toutes les autres entreprises du monde, elles construisent en partie en Asie".

* Mine déconfite de Yves Calvi (comprendre : "Les renouvelables, c’est bon pour les étrangers, pour les délocalisations, etc"), qui met a nouveau sur orbite l’inévitable Percebois :

Yves Calvi : "Quel est le poids de l’énergie solaire sur la planète et le poids du nucléaire ?"

Jacques Percebois : "Le nucléaire, c’est 15% de l’électricité sur la planète, 32% en Europe et 78% en France. Le solaire en France c’est moins de 1%, zéro et quelques, les renouvelables c’est 2%"

* Mensonge délibéré de Percebois : l’hydroélectricité, énergie renouvelable, couvre 12% de la production d’électricité en France. D’ailleurs, sur la planète, les barrages produisent plus d’électricité que les 435 réacteurs en service : 3200 Twh/an contre 2600 Twh/an. Globalement, les renouvelables couvrent 15% de la consommation mondiale d’énergie, le nucléaire plafonnant à 2%. Mais, avec Yves Calvi, il n’y a qu’un discours acceptable : "les renouvelables sont négligeables par rapport au nucléaire". Ce qui est faux, et même inverse à la réalité. Percebois attaque sous un autre angle :

Jacques Percebois : "Les Allemands refusent par principe, pour des raisons politique, le nucléaire"

* Le message est clair : ne croyez pas que les Allemands rejettent le nucléaire à cause des risques, des déchets radioactifs, de la centralisation, du coût réel de cette énergie, de la prolifération, etc. Non, ils refusent le nucléaire "par principe", et "pour des raisons politiques". C’est à dire sans raison, de façon irrationnelle.

Jacques Percebois : "Ils refusent de continuer à faire du nucléaire, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays européens qui sont revenus en arrière - l’Angleterre accepte de refaire du nucléaire, l’Italie qui n’en avait jamais fait, accepte d’en faire, l’Espagne s’interroge, la Suède revient sur le nucléaire, on revient sur le nucléaire un peu partout en Europe".

* Cette question est très intéressante : des gens prétendent qu’il y a une "renaissance" du nucléaire, d’autres estiment que c’est un écran de fumée et que la quasi-totalité des réacteurs annoncés ne seront jamais construits. Mais à nouveau, sur le plateau de C dans l’air, seul le point de vue pronucléaire est exposé. Pourtant, Calvi est pourtant bien au courant de la polémique, mais il tend une fois de plus la perche à Percebois :

Yves Calvi : "Le boom du nucléaire n’est donc pas une intoxication politique et de propagande française ?"

Jacques Percebois : "Ce n’est pas EDF qui convainc tout le monde de faire du nucléaire"

Yves Calvi "Oui, voilà, bien sûr"

* On se régalera avec la conclusion de Calvi, une variante de "c’est indiscutable". Pour avoir un autre point de vue, mais celui-là basé sur des données incontestables puisque provenant directement des compagnies qui annulent leurs projets de réacteurs nucléaires, voir ici (cf https://www.sortirdunucleaire.org/actualites/communiques/affiche.php?aff=585 ).

Mais Percebois continue (décidément, c’est une émission presque entièrement pour lui)

Jacques Percebois : "Aujourd’hui il y a un retour vers le nucléaire parce que les priorités ont changé : pour lutter contre l’effet de serre, il faut des énergies non-polluantes"

* Et voilà que le nucléaire est intronisé "énergie non-polluante". Malgré les déchets radioactifs, les contaminations par les mines d’uranium, les rejets radioactifs et chimiques dans l’environnement des centrales, etc. Areva et EDF doivent se frotter les mains en regardant l’émission…

Yves Calvi : "On cherche partout parce qu’on sait que les solutions seront nécessairement conjointes".

* Attention, il s’agit là aussi d’un argument systématiquement avancé par l’industrie nucléaire, qui a inventé à cet effet la formule suivante, que vous entendrez souvent dans la bouche de dirigeants politiques acquis à l’atome : "Le nucléaire n’est pas LA solution, mais il n’y a pas de solution sans le nucléaire". Yves Calvi s’aligne : "Les solutions seront nécessairement conjointe". En clair, il est interdit de rejeter une énergie en particulier, toutes les énergies doivent être développées conjointement. A nouveau il s’agit d’une affirmation gratuite : en effet, si les citoyens le décident collectivement, il est parfaitement possible (et justifié) de rejeter une énergie, en l’occurrence le nucléaire. A nouveau, Yves Calvi tente de faire passer une option pronucléaire pour une évidence indiscutable.

Yves Calvi revient alors sur les déchets nucléaires en rappelant d’abord que "C’est facile de traiter cette question avec démagogie, aussi il faut rappeler qu’on vit sur cette indépendance depuis 50 ans, vous [ie Percebois] avez bien fait de nous le rappeler tout à l’heure"

* Encore une fois, Yves Calvi "déblaye" le terrain pour empêcher toute discussion. Son sous-entendu est clair : si vous posez le problème des déchets radioactifs, qui plus est si vous refusez de les accueillir près de chez eux, alors vous traitez cette question "avec démagogie". Et Yves Calvi entonne pour la énième fois le refrain de l’ "indépendance", remerciant même Jacques Percebois de l’avoir évoqué alors que c’est bien lui, Yves Calvi, qui n’a cessé d’en parler !

Yves Calvi "Le reportage était passionnant mais on se dit "qu’est ce qu’on va faire de toute cette saloperie", est-ce qu’on a des réponses cher Jacques Percebois ? On fait des trous… mais en même temps le nucléaire nous rend service, on est pris dans cette contradiction"

* A nouveau, c’est ce "cher Jacques Percebois" qui doit répondre, surtout pas un des autres invités…

Percebois : "Les déchets à vie courte- de quelques secondes à quelques années - et à faible activité il n’y a pas de problème, on les entrepose sur place et au bout de quelques années c’est réglé. Ce sont les déchets à vie longue - de trente ans à des millions d’années - et à forte activité qui posent problème. Ils représentent moins de 5% de tous les déchets"

* De même que Yves Calvi a posé arbitrairement que le seul problème avec le nucléaire était la question des déchets, Jacques Percebois pose arbitrairement que seul les déchets à vie longue et à forte activité posent problème. Or, différentes autres catégories de déchets radioactifs posent de vraies questions de santé publique. Par exemple, l’industrie nucléaire produit des quantités astronomiques de ferrailles et autres résidus plus ou moins radioactifs, et elle a essayé à plusieurs reprises de les intégrer dans les matériaux de la vie courante. Il a par exemple fallu de fortes mobilisations citoyennes à Feurs (Loire) pour empêcher Areva de livrer, avec la bénédiction de la préfecture, ses ferrailles radioactives à une fonderie ordinaire (cf https://www.viva.presse.fr/Polemique-autour-de-dechets_3803.html ). De même, le dossier des déchets "FAVL" (à faible activité et à vie longue) est véritablement explosif, les populations refusant à juste titre les projets d’enfouissement (voir plus loin).

Jacques Percebois : "Les 58 réacteurs nucléaires français produisent chaque année environ 1150 tonnes de déchets, une partie est retraitée, on en récupère certains, on les remets dans les centrales.

* On ne développera pas ce point qui est assez complexe, mais il faut savoir que la quasi-totalité des déchets radioactifs n’est pas réutilisée, à part une petite partie du plutonium. Ce qui fait d’ailleurs que Areva ne classe absolument pas le plutonium dans la catégorie "déchets". Il est donc totalement faux de prétendre que des déchets seraient "remis dans les centrales". Il s’agit d’un mythe laissant croire aux citoyens qu’il sera "bientôt" possible de se débarrasser des déchets radioactifs en les "remettant dans les centrales" comme on jette une bûche de bois dans une cheminée. Une fois de plus, Jacques Percebois n’informe pas, il développe la propagande pronucléaire…

Jacques Percebois "Les déchets "faible activité à vie longue" posent également un problème, ceux-là il faut les enfouir. On a beaucoup parlé dernièrement de deux sites dans l’Aube, c’est pour eux ces sites là.

* Jacques Percebois oublie de parler des fortes mobilisations an cours contre ces projets (voir plus loin dans l’émission).

Jacques Percebois "Mais ce qui pose vraiment un problème très important, ce sont les déchets à vie longue et à haute activité, c’est à peu près en France 2500 m3. On l’a vu dans le reportage, il y a actuellement un site expérimental à Bure. C’est dans cette région qu’on fera un site de stockage définitif.

* A nouveau, Jacques Percebois ne connaît que la version officielle, celle de l’Etat pronucléaire et des entreprises de l’atome. Il aurait dû dire "C’est dans cette région que les autorités veulent faire un site des stockage définitif". Yves Calvi se garde bien d’intervenir, de poser la question du refus de populations…

Jacques Percebois :"La loi de 2006 prévoit que le stockage est réversible pendant 100 ans parce que on estime que demain, il y aura peut-être de nouvelles techniques qui permettront de faire ce qu’on appelle de la "transmutation" - transformer des déchets à vie longe en déchets à vie courte ou moyennement longue - et le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) à l’heure actuelle travaille beaucoup sur ce sujet."

* Comme par hasard, Jacques Percebois oublie de parler des problèmes graves qui se poseront si cette hypothèse se réalise un jour : aller chercher des déchets nucléaires enfouis peut se révéler extrêmement dangereux (des gaz radioactifs se seront accumulés dans les galeries). Qui plus est, cela coûterait des sommes astronomiques qu’EDF et Areva se gardent bien de provisionner : si nos descendants veulent aller rechercher nos déchets enfouis, ils devront le faire à leurs risques et périls et à leurs frais. Quant à la transmutation, plus les recherches "avancent", plus l’objectif s’éloigne. Il ne faut pas compter sur ce délire d’alchimistes…

L’émission se poursuit par un REPORTAGE plutôt intéressant sur les énergies renouvelables.

Suivent quelques échanges sur les contraintes qui limitent le développement du solaire en ville.

Grâce à Marie-Jeanne Husset, Directrice de la rédaction du mensuel 60 millions de consommateurs, on entend alors un point de vue un peu plus rafraîchissant : elle rappelle que le solaire manque de compétences "à cause de l’impérialisme d’EDF" (qui a opté pour le nucléaire) mais aussi des pétroliers qui, dès les années 70, avaient investi dans le solaire "pour mieux le tuer".

Marie-Jeanne Husset continue : "Aujourd’hui, on ne pourrait refaire le programme nucléaire qu’on a lancé en 73 sans débat public, et je veux revenir sur les déchets parce que je brûlais de le dire tout à l’heure, la question du réchauffement climatique éloigne le problème du réchauffement climatique mais il va revenir celui-là, en particulier quand on va avoir à choisir les zones dans lesquelles on va enfouir les déchets, les populations vont réagir, c’est certain. Pour en revenir au problème de l’équipement en énergies renouvelables…"

* On imagine l’agacement de Yves Calvi qui avait parfaitement verrouillé la discussion sur les déchets radioactifs : voilà qu’une de ses invités, questionnée sur les problèmes posés par les énergies renouvelables, se permet de revenir en arrière et même de citer la réaction des populations. A juste titre : quelques jours après l’émission, les deux communes de l’Aube, citées par Jacques Percebois, ont retiré leurs candidature sous le pression des habitants qui ont refusé le coup de force des deux maires associés au lobby nucléaire. (cf https://www.romandie.com/infos/news2/090715162948.x1d1mbex.asp )

* Les invités, poussés par Yves Calvi, vont alors expliquer certaines difficultés rencontrées par lors du développement des énergies renouvelables, secteur qui décolle à peine du fait de la priorité absolue donnée au nucléaire depuis 40 ans. Et la conclusion d’Yves Calvi, loin de mettre en cause les autorités qui ont si peu fait pour les renouvelables, vaut le détour…

Christian Cachat rappelle que les incitations pour le solaire sont extrêmement récentes et que c’est un marché qui démarre seulement, avec parfois des dérives, et qu’il va falloir "faire le ménage"

Marie-Jeanne Husset explique que le domaine qui suscite le plus de plaintes des consommateurs, ce sont les pompes à chaleur. Beaucoup de consommateurs se sont vus "fourguer" des pompes à chaleur "air-air" à la place d’une bonne chaudière au gaz qui marchait très bien. On vient d’avoir un hiver rigoureux et ces gens ont dû acheter des chauffages d’appoint électriques et ont eu des factures électriques faramineuses. Il faut aussi vérifier si on est vraiment éligible au crédit d’impôt, certains on fait confiance au vendeur et ont eu ensuite un redressement fiscal.

Yves Calvi : "Franchement, ça ne donne pas envie de passer aux énergies renouvelables !"

* Franchement, cela ressemble à un vrai guet-apens. C dans l’air est pourtant diffusée par le serivce public, mais il est vrai que cette émission est produite par une société privée et les enregistrements réalisés dans les studios du groupe Lagardère…

Suit alors un REPORTAGE sur Desertec, un projet absurde de développement du solaire au Sud… pour alimenter le Nord. Cet aspect est à peine effleuré. Voir à ce sujet l’article "Desertec ne sert qu’à défendre des monopoles établis" (cf

https://www.lexpansion.com/economie/actualite-economique/desertec-ne-sert-qu-a-defendre-des-monopoles-etablis_190381.html )

Il est aussi question des problèmes rencontrés avec les pompes à chaleur, sans qu’il ne soit jamais expliqué que la plupart sont installées pour soutenir la consommation d’électricité et donc la politique nucléaire de la France.

En résumé, la majorité de l’émission était consacrée à la promotion du nucléaire, et la fin à la décrédibilisation des énergies renouvelables.

***********************

REPORTAGE SUR LES DECHETS NUCLEAIRES

Autant le dire, ce reportage est indigne de la télévision publique et du journalisme de façon générale. Il s’agit véritablement d’un publi-reportage en faveur des projets de l’industrie nucléaire.

Voix off : "C’est un observatoire unique en France, enfoui à 500m de profondeur : voyage au centre de la Terre. 500m, une fois et demi la tour Eiffel."

* Ce reportage commence mal, avec une volonté manifeste de magnifier quitte à dire n’importe quoi (le centre de la Terre est à plus de 6000 km de profondeur !)

Interview d’un représentant de l’Andra : "Il faut être à plus de 200m de profondeur pour se mettre à l’abris des risques d’érosion qui pourraient arriver dans plusieurs milliers d’années, mais la on est à 500 m parce que la couche d’argile quasiment imperméable qui nous intéresse est à 500m "

* Voilà une merveilleuse application du "principe de sécurité" : théoriquement, il suffit d’être à 200m de profondeur. Là, on est à 500, plus du double : les citoyens peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles.

Voix off : Au fond du puis, 700m de galeries truffées de capteurs. Ici, depuis 2004, géologues et ingénieurs scrutent la roche dans ses moindres détails, ses mouvements, ses fissures, la présence éventuelle d’eau, et la réaction de l’argile à la chaleur dégagée par les déchets les plus radioactifs. Résultat, aujourd’hui les scientifiques en ont la certitude : ici, un stockage sans risque serait possible.

* Aucune référence à la mine de sel de Asse (Allemagne) où se déroule actuellement une véritable catastrophe nucléaire souterraine (https://www.24heures.ch/actu/monde/2008/09/05/poubelle-nucleaire-trouee-passoire ). Les autorités allemandes ont pourtant donné les mêmes assurances que l’Andra aujourd’hui : il était question d’une couche "géologiquement stable depuis 70 millions d’années", et "quasiment imperméable". Or les déchets nucléaires baignent désormais dans un immense lac souterrain radioactif.

Un représentant de l’Andra : "Même si des éléments radioactifs arrivaient un jour en surface, les doses seraient 100 ou 1000 fois inférieures aux limites autorisées."

* Personne n’est là pour expliquer que les "limites autorisées" sont fortement contestées : aucun seuil (en dessous duquel une irradiation serait inoffensive n’a jamais été scientifiquement prouvé. Personne non plus pour envisager l’hypothèse que les doses soient supérieures, ou même très supérieures, à ces "limites autorisées".

Au cas où on n’aurait pas compris, le reportage continue avec des interviews de scientifiques qui se félicitent du projet d’enfouissement tout en expliquant qu’il y a une possibilité de "réversibilité" (c’est-à-dire aller chercher les déchets "si d’autres solutions technologiques apparaissent". "Ces solutions pourront toujours être appliquées, il n’y a pas de cul-de-sac".

* Comme nous l’avons signalé plus haut, si nos descendants veulent aller rechercher nos déchets enfouis, ils devront le faire à leurs risques et périls et à leurs frais. Ce "détail" n’est bien sûr pas évoqué dans le reportage.

Un représentant de l’Andra : "Le défi scientifique est d’apporter, au niveau où nous sommes à l’heure actuelle, les meilleures réponses aux questions qui sont posées par ces déchets radioactifs. Voilà"

* On admirera la maîtrise parfaite de la "novlangue" radioactive, et la conclusion, inattaquable : "Voilà". On ne saurait mieux dire…

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