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Sortir du nucléaire n°26



Février 2005

Nucléaire : les deux faces civilo-militaires (p. 103)

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°26 - Février 2005

 Nucléaire militaire
Article publié le : 1er février 2005


L’industrie du nucléaire en France ne présente qu’un des aspects de l’étroite connexion entre les deux faces civilo-militaires du nucléaire. L’histoire de la mise en place de l’industrie nucléaire en France montre qu’elle fut d’abord militaire avant de s’étendre vers le civil. Cette histoire fait apparaître l’interrelations entre scientifiques, ingénieurs, industriels, décideurs politiques et militaires.



Selon Gabrielle Hecht, spécialiste de l’histoire des techniques, la mise en place du complexe industriel nucléaire français permet d’assister à la construction d’une identité française de l’après-guerre, faite de grandeur et de rayonnement 1. Ajoutons que ce « regard » de l’historienne s’applique aussi bien à l’armement atomique de la France qu’à son option du tout nucléaire « civil ».

Dès sa création en 1945, le Commissariat à l’énergie atomique souhaitait fédérer l’ensemble de la recherche atomique française. Ce vœu des fondateurs du CEA sera pourtant contesté dans le monde universitaire français qui, dans les facultés des sciences et au CNRS, mettra en place des unités de recherche sur la physique nucléaire. Face à la toute-puissance du lobby nucléaire, le rôle de ces universitaires « dissidents » contribuera notamment à la formation critique des réseaux militants 2. L’unanimisme du milieu scientifique n’est pas aussi important qu’on l’affirme et c’est un atout pour le débat démocratique encore à amplifier.

Du côté du Commissariat à l’énergie atomique, on prend en charge dans la structure même de l’institution — Direction des applications militaires et Direction civile — la gémellité du nucléaire. Les échanges de personnels entre les deux directions sont fréquents (dans les deux sens) et des laboratoires ou installations des centres civils travaillent également pour des applications militaires. Du côté militaire, les liens étroits entre civil et militaire ont été, non seulement reconnus, mais souhaités. L’un des « pères » de la bombe française, le général Charles Ailleret disait : « J’avais compris que l’un des dangers les plus grands qui menaçaient le programme militaire était l’opposition que j’ai souvent signalée de l’atome militaire à l’atome civil. Nous avions déjà réagi en cherchant, chaque fois que c’était possible, à proposer une promotion parallèle et coordonnée de programmes civils et militaires s’appuyant l’un sur l’autre. J’ai toujours veillé à ce que le nucléaire civil et le nucléaire militaire aillent de pair… Ce serait la mort du deuxième si le premier disparaissait 3. »

Peu de scientifiques ou de chercheurs du Commissariat à l’énergie atomique se sont lancés dans des confidences publiques sur leur itinéraire à l’intérieur de l’institution. Denis Breton 4 est pourtant l’un de ceux qui, comme il l’écrit, a forcé sa nature pour raconter la carrière d’un ingénieur du CEA. Il se défend, bien sûr, de n’évoquer rien de secret, mais son ouvrage Confessions atomiques d’un électron libre présente ainsi la dualité de sa carrière : « J’ai été une sorte d’électron, libre ou presque, oscillant entre les noyaux civils ou militaires du CEA au gré des besoins et des opportunités. » Commençant par le « civil », il participe aux tous débuts du premier réacteur français dit « Zoé », installé dans le fort de Châtillon en région parisienne, qui produisit néanmoins le premier milligramme de plutonium en novembre 1949. Il précise également que ces recherches « civiles » étaient déjà lorgnées par les militaires qui détachèrent un ingénieur militaire, J. Jacquesson, dans le service de la « pile » de Châtillon, comme on appelait alors les premiers réacteurs.

La seconde carrière de Denis Breton commence le

2 novembre 1966 à la Direction des applications militaires du CEA. « Je venais de franchir le barrage entre le civil et le militaire », écrit-il. C’est sans doute la raison qui présida à sa nouvelle mission qui consistait à « demander aux physiciens de la partie civile de collaborer avec la Dam ». C’était en pleine période de dissensions sur les recherches sur la fusion thermonucléaire, si bien que sa mission ne fut guère couronnée de succès. Denis Breton retourna alors à la direction civile pour prendre la charge de l’étude des plasmas pour la fusion thermonucléaire « contrôlée ».

Cet itinéraire d’un ingénieur du CEA est emblématique de ce lien entre les deux faces du nucléaire. Au niveau de la recherche, distinguer entre activités civiles ou militaires est totalement vain et les chercheurs passent naturellement de l’une à l’autre, non seulement selon le déroulement de leur carrière professionnelle, mais aussi en ligne directe avec leur spécialité de physicien. Ainsi, un chercheur qui travaillera sur la fusion nucléaire « contrôlée » pourra très bien poursuivre des recherches sur les applications militaires de la fusion thermonucléaire. De même, les universitaires travaillant dans un laboratoire disposant d’un réacteur de recherche auront tout le loisir d’étudier les technologies nécessaires pour l’extraction du plutonium, par exemple. La science nucléaire est une.

L’industrie des matières premières

L’industrie des matières premières nucléaires commence par l’extraction de l’uranium qui fut d’abord confiée au CEA et à des entreprises où le CEA avait la majorité du capital. Elle fut, ensuite, reprise par Cogéma, filiale industrielle du CEA. Il va de soi que toutes les activités industrielles en amont de la production du plutonium ou de l’uranium enrichi sont communes aux filières militaires et civiles.

Le complexe industriel de Marcoule (Gard) où se fabriquait le plutonium militaire et où se produit encore le tritium nécessaire aux armes thermonucléaires en même temps que l’on fabrique le Mox des centrales civiles à l’usine Mélox est un véritable enchevêtrement d’entreprises et d’installations qui travaillent ensemble, quelles que soient les applications civiles ou militaires.

Robert Galley qui fut le constructeur du site de Marcoule coordonna par la suite la mise en place de l’infrastructure industrielle des usines militaires de Pierrelatte pour l’enrichissement de l’uranium. Dans ce but, la direction industrielle du CEA mit sur pied trois grandes sociétés privées pour développer le procédé de diffusion gazeuse :

• la Société pour l’usine de séparation isotopique (USSI) qui assura la tâche d’architecte industriel ;

• la Société des usines chimiques de Pierrelatte (SUCP), chargée de la production d’hexafluorure d’uranium (UF6) ;

• la Société de fabrication des éléments catalytiques (SFEC), chargée de fabriquer les barrières de diffusion.

Ces mêmes sociétés ou celles qui résultèrent d’alliances industrielles successives se retrouvent dans la construction des usines civiles d’enrichissement Eurodif.

Toutes ces sociétés sont liées d’une manière ou d’une autre à Cogéma, filiale du CEA, qui reste encore aujourd’hui le fournisseur des matières nucléaires pour toutes les filières civiles et militaires.

Sur le plan juridique, les installations de Marcoule et de Pierrelatte sont principalement réparties entre « Installations nucléaires de base » (INB) civiles et

« Installations nucléaires de base secrètes » (INBS) militaires. Cette répartition est cependant très artificielle, car il est difficile de distinguer le militaire du civil lorsque des installations sont situées sur la même aire géographique.

L’industrie des réacteurs

Dans le domaine de la construction et de la maintenance des réacteurs tant civils que militaires, les entreprises engagées sont les mêmes. Sans vouloir faire une liste exhaustive, on peut citer Framatome, Creusot-Loire, Jeumont Schneider, Merlin Gerin, Alstom, Technicatome, CGE, Pechiney ou les entreprises qui leur succédèrent par le biais de restructurations industrielles.

Le groupe des réacteurs « militaires » est composé 5 :

• de réacteurs prototypes installés à terre sur le site CEA « civil » de Cadarache : le PAT et ses modifications successives qui ont servi de prototype pour les chaufferies nucléaires des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (type Redoutable et type Triomphant) ; la CAP (Chaufferie avancée prototype) qui servit de prototype pour les chaufferies des sous-marins nucléaires d’attaque ; le RES (Réacteur d’essais) qui doit servir de prototype à la future chaufferie des sous-marins nucléaires d’attaque de la nouvelle génération (dite Barracuda) ;

• des six réacteurs des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la première génération (de type Redoutable) ;

• des quatre réacteurs des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la nouvelle génération (de type Triomphant) ;

• des six réacteurs des sous-marins nucléaires d’attaque ;

• des deux réacteurs du porte-avions Charles-de-Gaulle (de type Triomphant).

Quant aux réacteurs « civils », il faut compter (y compris ceux qui ont été déclassés), soixante-dix

« tranches » électrogènes et trente-deux réacteurs de recherches tous recensés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

L’industrie des déchets

La gestion des déchets du parc électronucléaire français et des autres installations nucléaires civiles et militaires est assurée par l’Agence nationale des déchets radioactifs (Andra) qui assure le stockage au Centre Manche (aujourd’hui fermé) et à Soulaines. Cependant l’Andra n’ayant pas la capacité de gérer certains types de déchets, notamment militaires, c’est le CEA qui en assure la gestion.

Le Centre CEA militaire de Valduc (Côte-d’Or) gère donc les déchets contaminés au tritium tandis que le Centre CEA « civil » de Cadarache (Bouches-du-Rhône) gère les déchets civils et militaires du CEA contaminés au plutonium. Le CEA parle d’entreposage « provisoire » en attendant que l’Andra ait trouvé une solution, notamment pour les déchets de haute activité et à longue vie prévus pour être stockés en couche profonde lorsque les essais du laboratoire souterrain de Bure (Meuse) auront été concluants. Le « provisoire » risque donc de durer longtemps. En effet, comment les scientifiques pourront-ils évaluer le comportement du site de stockage profond avec des déchets de haute activité ayant une durée de vie de plusieurs dizaines de milliers d’années, voire plus ? 6

Le combustible des réacteurs militaires est entreposé dans des installations spécifiques du Centre CEA civil de Cadarache dénommées « Cascad » 7.

Les industries de génie civil

On ne serait pas complet sur ce tour d’horizon du complexe industriel lié au nucléaire militaire et civil si l’on ne mentionnait pas les entreprises de génie civil qui ont été mises à contribution pour la construction des infrastructures de l’ensemble des installations civiles et militaires. Il a fallu construire de toutes pièces des sites dédiés à l’industrie nucléaire notamment à Marcoule, Pierrelatte, La Hague, les ports nucléaires de Brest-L’île Longue, Cherbourg et Toulon, les sites d’essais nucléaires du Sahara et de Polynésie, les emprises et les infrastructures des centrales nucléaires.

Beaucoup de ces sociétés ont aujourd’hui été l’objet de restructurations, mais l’évocation de leurs noms — bien connus du grand public — suffit à souligner l’étroite imbrication de l’ensemble industriel français dans les programmes nucléaires tant civils que militaires :

• grands travaux d’infrastructures : Spie-Batignolles, Dumez-Citra, Bouygues, Bouygues Offshore, Lafarge ;

• génie électrique, Electronique : CGEE, Bull, Thomson-CSF, SACM ;

• « équipements divers : Ateliers et Chantiers de Bretagne, Filotex, Intertechnique, Les Câbles de Lyon, Matra, Forex.

En raison de l’éloignement des sites d’essais nucléaires, il faut également citer l’apport considérable de « voyageurs » militaires et civils du CEA qui empruntaient (pendant trente ans pour la Polynésie) les avions des compagnies nationales (Air France, UTA, AOM…).

Les industries du complexe militaro-industriel

À cette liste non exhaustive, il faudrait ajouter une grande partie du complexe militaro-industriel qui est directement impliqué dans la construction des

« vecteurs » (sous-marins, avions, missiles) des armes nucléaires. Dassault Aviation, l’avionneur national, a construit toutes les générations de bombardiers emportant des armes nucléaires françaises : Mirage IV stratégiques porteurs des premières bombes atomiques françaises, Mirage III porteurs de l’arme nucléaire tactique, Super-Étendard de l’Aéronavale porteurs de l’arme nucléaire tactique, Mirage 2000 porteurs du missile nucléaire air-sol moyenne portée (ASMP), Rafale porteurs de la version modernisée du missile ASMP. La Direction des constructions navales (DCN), arsenal national de la Marine a construit les deux générations de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins qui concentrent aujourd’hui près de 90 % de la force nucléaire française, basés à l’île Longue. DCN a également construit les six sous-marins nucléaires d’attaque basés à Toulon ainsi que le porte-avions Charles-de-Gaulle, équipé de deux réacteurs nucléaires et transportant les armes nucléaires de l’Aéronavale (ASMP).

L’Aérospatiale, aujourd’hui relayée par le consortium européen EADS, a construit les missiles nucléaires français, depuis les dix-huit missiles du plateau d’Albion jusqu’aux diverses générations de missiles équipant les sous-marins de l’île Longue, en passant par les missiles Pluton et Hadès et les actuels ASMP.

D’autres entreprises militaires françaises sont également fournisseurs des grandes entreprises citées plus haut. Parmi les plus importantes, il faut citer Matra, SNPE, SEP, Thomson-CSF…

La grandeur de la France

Le nucléaire civil et le nucléaire militaire concentrent ce que Gabrièle Hecht désigne sous le nom de « grandeur de la France ». Notre pays se présente modestement comme « une puissance mondiale moyenne », mais il est considéré comme « un Grand militaire » malgré le petit nombre de ses armes nucléaires en raison de son statut privilégié au Conseil de sécurité. Par contre, l’appellation reste justifiée par ce choix électronucléaire, unique parmi les pays industrialisés, qui fait de la France un « acteur mondial » de l’énergie nucléaire. Les deux domaines civil et militaire apparaissent si étroitement liés que la contestation ou le renoncement à l’un des domaines apparaîtrait comme un préjudice pour le bien-fondé de l’autre. Une large part de la société française reste imprégnée de cette idée que le nucléaire est essentiel à la grandeur de la France tant et si bien que certains présentent le nucléaire comme une composante de

l’« identité française » de ce début du XXIe siècle.

Le paradoxe de la recherche nucléaire

Si nombre de physiciens nucléaires s’engagèrent dans la construction de la bombe, ce fut souvent, au départ, lié au contexte de la Deuxième Guerre mondiale. Pourtant, paradoxalement, le monde scientifique est mobilisé autour de l’idéologie du « progrès » : la science est orientée pour le bien de l’humanité et n’a donc pas de frontières. Si l’on considère la période qui précéda la mise en place du

« programme Manhattan 1 », on est frappé de voir la circulation de l’information dans le milieu très international des atomiciens. La publication des résultats de recherches et les échanges entre scientifiques par le biais de colloques, conférences ou autres symposiums sont des activités « ordinaires », indispensables à la vitalité de la communauté scientifique. Il aura fallu que les orientations militaires de l’atome accaparent un grand nombre des meilleurs physiciens nucléaires pour que cessent ces échanges entre scientifiques sur injonction des militaires.

Libre circulation de l’information ou espionnage ?

Même lorsque les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki furent connus, l’idée du partage du secret des applications militaires de l’atome n’était pas étranger à la communauté scientifique, au nom de l’équilibre entre les puissances et même dans un but tout à fait pacifiste. Le physicien allemand Klaus Fuchs, réfugié en Angleterre puis jugé pour espionnage, résumait cet état d’esprit de quelques membres de la communauté scientifique : « Le secret partagé en deux signifiait la fin de la guerre ou du moins la fin de la guerre de totale destruction pour l’Humanité. Le scientifique n’est pas neutre, il doit avoir conscience de ce qu’il invente et il doit agir comme il l’entend pour ne pas être complice du mal que contient son invention 2. » Il aura fallu toute l’insistance des généraux et des dirigeants politiques pour mettre fin à de telles conceptions « internationalistes ». Au besoin, on sut impressionner chercheurs, ingénieurs et techniciens en « organisant » des procès à grand retentissement contre les « espions ». En 1951, l’affaire Rosenberg allait frapper les esprits. Si l’exécution des deux époux et la chasse aux communistes notifiait l’engagement du monde « libre » dans la guerre froide, elle visait également à mettre au pas la communauté scientifique.
B. B.

1) Nom de code du programme de la bombe nucléaire américaine.

2) Cité par Roberto Maiocchi, L’ère atomique, Castermann, 1993, p. 48.

Monarchie nucléaire

Sur le plan intérieur, la politique de défense de la France est articulée sur le pilier nucléaire que personne à droite comme à gauche n’a, jusqu’à une période récente, tenté de remettre en cause.

Seuls, les Verts, nouveaux venus sur l’échiquier politique français, affirment haut et fort la nécessité du renoncement à l’arme nucléaire et de sortie du nucléaire civil. Le Parti communiste appuie sur la nécessité du désarmement nucléaire sans pour autant proposer officiellement l’abandon de l’armement nucléaire : ses parlementaires se contentent de ne plus voter le budget de la défense et contestent les crédits nucléaires militaires. Aujourd’hui, nous n’avons pas, à gauche, de prises de position claires sur la dissuasion nucléaire comme cela avait été le cas à la fin des années 1970, où communistes et socialistes avaient adopté le principe d’une défense de la France articulée sur son armement nucléaire comme préalable à leur accession au pouvoir. Si le général de Gaulle fut le « géniteur » de la force de frappe française, ce fut sous le « règne » de François Mitterrand qu’elle atteignit son apogée avec 584 têtes nucléaires en 1992.

Le consensus sur la dissuasion nucléaire reste le discours obligé de la classe politique, même si, dans l’opposition, le Parti socialiste critique aujourd’hui les choix coûteux de la modernisation de l’arsenal nucléaire 1. Lors de l’Université d’été de la défense, en septembre 2004, le président de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, l’UMP Guy Teissier, s’est également aventuré sur le terrain de la critique en déclarant : « Nous devons aller vers une pause… Je crains que nous ne puissions pas supporter en même temps le coût du nucléaire et celui de l’entretien de notre armée. » Mal lui en prit : la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie — dont on sait que sa fonction en fait la porte-parole de l’Elysée en matière de défense — lui répliqua vertement : « Alors qu’on voit de nouveaux pays se doter de l’arme nucléaire, est-ce le moment où l’on va se déshabiller ? Ce serait ahurissant, pas sérieux ! 2 » En matière nucléaire, le système démocratique parlementaire reste entre parenthèses : le pouvoir unique et sans partage du président de la République fait de la France une « monarchie nucléaire ».

B. B.

1) Paul Quilès, Assemblée nationale, Avis n° 1866 « Défense » sur le projet de loi de finances pour 2005, p. 23.

2) AFP, 7 septembre 2004 ; Libération, 8 septembre 2004.
Bruno Barrillot
1) Gabrielle Hecht, Le rayonnement de la France. Énergie nucléaire et identité nationale après la Seconde Guerre mondiale, La Découverte, 2004.

2) Citons par exemple le Groupement des scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire et sa Gazette nucléaire ; la Crii-Rad, l’Accro, Wise-Paris, sans oublier quelques auteurs, pionniers aujourd’hui trop méconnus tels Charles-Noël Martin, Louis Puiseux et quelques journalistes telles Jacqueline Denis-Lempereur, Martine Barrère…

3) Louis Puiseux, Crépuscule des atomes, Hachette, 1988, p. 186.

4) Denis Breton, Confessions atomiques d’un électron libre. De Zoé à la fusion thermonucléaire, Éditions des Écrivains, 2002.

5) Jean-Marie Collin, « Propulsion nucléaire navale : un inventaire complet », Cahier de l’Observatoire des armes nucléaires, n0 9, avril 2002.

6) Les « experts » du CEA ont réponse à tout ! Dans le Plan quinquennal de recherche & développement. Effluents et déchets du CEA (1990-1994) de mars 1990, p. 51, les auteurs écrivent, très sérieusement, à propos du stockage profond, qu’une « période initiale de 10 000 ans sera privilégiée, lors des évaluations de sûreté »…

7) Bruno Barrillot et Mary Davis, Les déchets nucléaires militaires, CDRPC, 1994, pp. 337-339.

Selon Gabrielle Hecht, spécialiste de l’histoire des techniques, la mise en place du complexe industriel nucléaire français permet d’assister à la construction d’une identité française de l’après-guerre, faite de grandeur et de rayonnement 1. Ajoutons que ce « regard » de l’historienne s’applique aussi bien à l’armement atomique de la France qu’à son option du tout nucléaire « civil ».

Dès sa création en 1945, le Commissariat à l’énergie atomique souhaitait fédérer l’ensemble de la recherche atomique française. Ce vœu des fondateurs du CEA sera pourtant contesté dans le monde universitaire français qui, dans les facultés des sciences et au CNRS, mettra en place des unités de recherche sur la physique nucléaire. Face à la toute-puissance du lobby nucléaire, le rôle de ces universitaires « dissidents » contribuera notamment à la formation critique des réseaux militants 2. L’unanimisme du milieu scientifique n’est pas aussi important qu’on l’affirme et c’est un atout pour le débat démocratique encore à amplifier.

Du côté du Commissariat à l’énergie atomique, on prend en charge dans la structure même de l’institution — Direction des applications militaires et Direction civile — la gémellité du nucléaire. Les échanges de personnels entre les deux directions sont fréquents (dans les deux sens) et des laboratoires ou installations des centres civils travaillent également pour des applications militaires. Du côté militaire, les liens étroits entre civil et militaire ont été, non seulement reconnus, mais souhaités. L’un des « pères » de la bombe française, le général Charles Ailleret disait : « J’avais compris que l’un des dangers les plus grands qui menaçaient le programme militaire était l’opposition que j’ai souvent signalée de l’atome militaire à l’atome civil. Nous avions déjà réagi en cherchant, chaque fois que c’était possible, à proposer une promotion parallèle et coordonnée de programmes civils et militaires s’appuyant l’un sur l’autre. J’ai toujours veillé à ce que le nucléaire civil et le nucléaire militaire aillent de pair… Ce serait la mort du deuxième si le premier disparaissait 3. »

Peu de scientifiques ou de chercheurs du Commissariat à l’énergie atomique se sont lancés dans des confidences publiques sur leur itinéraire à l’intérieur de l’institution. Denis Breton 4 est pourtant l’un de ceux qui, comme il l’écrit, a forcé sa nature pour raconter la carrière d’un ingénieur du CEA. Il se défend, bien sûr, de n’évoquer rien de secret, mais son ouvrage Confessions atomiques d’un électron libre présente ainsi la dualité de sa carrière : « J’ai été une sorte d’électron, libre ou presque, oscillant entre les noyaux civils ou militaires du CEA au gré des besoins et des opportunités. » Commençant par le « civil », il participe aux tous débuts du premier réacteur français dit « Zoé », installé dans le fort de Châtillon en région parisienne, qui produisit néanmoins le premier milligramme de plutonium en novembre 1949. Il précise également que ces recherches « civiles » étaient déjà lorgnées par les militaires qui détachèrent un ingénieur militaire, J. Jacquesson, dans le service de la « pile » de Châtillon, comme on appelait alors les premiers réacteurs.

La seconde carrière de Denis Breton commence le

2 novembre 1966 à la Direction des applications militaires du CEA. « Je venais de franchir le barrage entre le civil et le militaire », écrit-il. C’est sans doute la raison qui présida à sa nouvelle mission qui consistait à « demander aux physiciens de la partie civile de collaborer avec la Dam ». C’était en pleine période de dissensions sur les recherches sur la fusion thermonucléaire, si bien que sa mission ne fut guère couronnée de succès. Denis Breton retourna alors à la direction civile pour prendre la charge de l’étude des plasmas pour la fusion thermonucléaire « contrôlée ».

Cet itinéraire d’un ingénieur du CEA est emblématique de ce lien entre les deux faces du nucléaire. Au niveau de la recherche, distinguer entre activités civiles ou militaires est totalement vain et les chercheurs passent naturellement de l’une à l’autre, non seulement selon le déroulement de leur carrière professionnelle, mais aussi en ligne directe avec leur spécialité de physicien. Ainsi, un chercheur qui travaillera sur la fusion nucléaire « contrôlée » pourra très bien poursuivre des recherches sur les applications militaires de la fusion thermonucléaire. De même, les universitaires travaillant dans un laboratoire disposant d’un réacteur de recherche auront tout le loisir d’étudier les technologies nécessaires pour l’extraction du plutonium, par exemple. La science nucléaire est une.

L’industrie des matières premières

L’industrie des matières premières nucléaires commence par l’extraction de l’uranium qui fut d’abord confiée au CEA et à des entreprises où le CEA avait la majorité du capital. Elle fut, ensuite, reprise par Cogéma, filiale industrielle du CEA. Il va de soi que toutes les activités industrielles en amont de la production du plutonium ou de l’uranium enrichi sont communes aux filières militaires et civiles.

Le complexe industriel de Marcoule (Gard) où se fabriquait le plutonium militaire et où se produit encore le tritium nécessaire aux armes thermonucléaires en même temps que l’on fabrique le Mox des centrales civiles à l’usine Mélox est un véritable enchevêtrement d’entreprises et d’installations qui travaillent ensemble, quelles que soient les applications civiles ou militaires.

Robert Galley qui fut le constructeur du site de Marcoule coordonna par la suite la mise en place de l’infrastructure industrielle des usines militaires de Pierrelatte pour l’enrichissement de l’uranium. Dans ce but, la direction industrielle du CEA mit sur pied trois grandes sociétés privées pour développer le procédé de diffusion gazeuse :

• la Société pour l’usine de séparation isotopique (USSI) qui assura la tâche d’architecte industriel ;

• la Société des usines chimiques de Pierrelatte (SUCP), chargée de la production d’hexafluorure d’uranium (UF6) ;

• la Société de fabrication des éléments catalytiques (SFEC), chargée de fabriquer les barrières de diffusion.

Ces mêmes sociétés ou celles qui résultèrent d’alliances industrielles successives se retrouvent dans la construction des usines civiles d’enrichissement Eurodif.

Toutes ces sociétés sont liées d’une manière ou d’une autre à Cogéma, filiale du CEA, qui reste encore aujourd’hui le fournisseur des matières nucléaires pour toutes les filières civiles et militaires.

Sur le plan juridique, les installations de Marcoule et de Pierrelatte sont principalement réparties entre « Installations nucléaires de base » (INB) civiles et

« Installations nucléaires de base secrètes » (INBS) militaires. Cette répartition est cependant très artificielle, car il est difficile de distinguer le militaire du civil lorsque des installations sont situées sur la même aire géographique.

L’industrie des réacteurs

Dans le domaine de la construction et de la maintenance des réacteurs tant civils que militaires, les entreprises engagées sont les mêmes. Sans vouloir faire une liste exhaustive, on peut citer Framatome, Creusot-Loire, Jeumont Schneider, Merlin Gerin, Alstom, Technicatome, CGE, Pechiney ou les entreprises qui leur succédèrent par le biais de restructurations industrielles.

Le groupe des réacteurs « militaires » est composé 5 :

• de réacteurs prototypes installés à terre sur le site CEA « civil » de Cadarache : le PAT et ses modifications successives qui ont servi de prototype pour les chaufferies nucléaires des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (type Redoutable et type Triomphant) ; la CAP (Chaufferie avancée prototype) qui servit de prototype pour les chaufferies des sous-marins nucléaires d’attaque ; le RES (Réacteur d’essais) qui doit servir de prototype à la future chaufferie des sous-marins nucléaires d’attaque de la nouvelle génération (dite Barracuda) ;

• des six réacteurs des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la première génération (de type Redoutable) ;

• des quatre réacteurs des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la nouvelle génération (de type Triomphant) ;

• des six réacteurs des sous-marins nucléaires d’attaque ;

• des deux réacteurs du porte-avions Charles-de-Gaulle (de type Triomphant).

Quant aux réacteurs « civils », il faut compter (y compris ceux qui ont été déclassés), soixante-dix

« tranches » électrogènes et trente-deux réacteurs de recherches tous recensés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

L’industrie des déchets

La gestion des déchets du parc électronucléaire français et des autres installations nucléaires civiles et militaires est assurée par l’Agence nationale des déchets radioactifs (Andra) qui assure le stockage au Centre Manche (aujourd’hui fermé) et à Soulaines. Cependant l’Andra n’ayant pas la capacité de gérer certains types de déchets, notamment militaires, c’est le CEA qui en assure la gestion.

Le Centre CEA militaire de Valduc (Côte-d’Or) gère donc les déchets contaminés au tritium tandis que le Centre CEA « civil » de Cadarache (Bouches-du-Rhône) gère les déchets civils et militaires du CEA contaminés au plutonium. Le CEA parle d’entreposage « provisoire » en attendant que l’Andra ait trouvé une solution, notamment pour les déchets de haute activité et à longue vie prévus pour être stockés en couche profonde lorsque les essais du laboratoire souterrain de Bure (Meuse) auront été concluants. Le « provisoire » risque donc de durer longtemps. En effet, comment les scientifiques pourront-ils évaluer le comportement du site de stockage profond avec des déchets de haute activité ayant une durée de vie de plusieurs dizaines de milliers d’années, voire plus ? 6

Le combustible des réacteurs militaires est entreposé dans des installations spécifiques du Centre CEA civil de Cadarache dénommées « Cascad » 7.

Les industries de génie civil

On ne serait pas complet sur ce tour d’horizon du complexe industriel lié au nucléaire militaire et civil si l’on ne mentionnait pas les entreprises de génie civil qui ont été mises à contribution pour la construction des infrastructures de l’ensemble des installations civiles et militaires. Il a fallu construire de toutes pièces des sites dédiés à l’industrie nucléaire notamment à Marcoule, Pierrelatte, La Hague, les ports nucléaires de Brest-L’île Longue, Cherbourg et Toulon, les sites d’essais nucléaires du Sahara et de Polynésie, les emprises et les infrastructures des centrales nucléaires.

Beaucoup de ces sociétés ont aujourd’hui été l’objet de restructurations, mais l’évocation de leurs noms — bien connus du grand public — suffit à souligner l’étroite imbrication de l’ensemble industriel français dans les programmes nucléaires tant civils que militaires :

• grands travaux d’infrastructures : Spie-Batignolles, Dumez-Citra, Bouygues, Bouygues Offshore, Lafarge ;

• génie électrique, Electronique : CGEE, Bull, Thomson-CSF, SACM ;

• « équipements divers : Ateliers et Chantiers de Bretagne, Filotex, Intertechnique, Les Câbles de Lyon, Matra, Forex.

En raison de l’éloignement des sites d’essais nucléaires, il faut également citer l’apport considérable de « voyageurs » militaires et civils du CEA qui empruntaient (pendant trente ans pour la Polynésie) les avions des compagnies nationales (Air France, UTA, AOM…).

Les industries du complexe militaro-industriel

À cette liste non exhaustive, il faudrait ajouter une grande partie du complexe militaro-industriel qui est directement impliqué dans la construction des

« vecteurs » (sous-marins, avions, missiles) des armes nucléaires. Dassault Aviation, l’avionneur national, a construit toutes les générations de bombardiers emportant des armes nucléaires françaises : Mirage IV stratégiques porteurs des premières bombes atomiques françaises, Mirage III porteurs de l’arme nucléaire tactique, Super-Étendard de l’Aéronavale porteurs de l’arme nucléaire tactique, Mirage 2000 porteurs du missile nucléaire air-sol moyenne portée (ASMP), Rafale porteurs de la version modernisée du missile ASMP. La Direction des constructions navales (DCN), arsenal national de la Marine a construit les deux générations de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins qui concentrent aujourd’hui près de 90 % de la force nucléaire française, basés à l’île Longue. DCN a également construit les six sous-marins nucléaires d’attaque basés à Toulon ainsi que le porte-avions Charles-de-Gaulle, équipé de deux réacteurs nucléaires et transportant les armes nucléaires de l’Aéronavale (ASMP).

L’Aérospatiale, aujourd’hui relayée par le consortium européen EADS, a construit les missiles nucléaires français, depuis les dix-huit missiles du plateau d’Albion jusqu’aux diverses générations de missiles équipant les sous-marins de l’île Longue, en passant par les missiles Pluton et Hadès et les actuels ASMP.

D’autres entreprises militaires françaises sont également fournisseurs des grandes entreprises citées plus haut. Parmi les plus importantes, il faut citer Matra, SNPE, SEP, Thomson-CSF…

La grandeur de la France

Le nucléaire civil et le nucléaire militaire concentrent ce que Gabrièle Hecht désigne sous le nom de « grandeur de la France ». Notre pays se présente modestement comme « une puissance mondiale moyenne », mais il est considéré comme « un Grand militaire » malgré le petit nombre de ses armes nucléaires en raison de son statut privilégié au Conseil de sécurité. Par contre, l’appellation reste justifiée par ce choix électronucléaire, unique parmi les pays industrialisés, qui fait de la France un « acteur mondial » de l’énergie nucléaire. Les deux domaines civil et militaire apparaissent si étroitement liés que la contestation ou le renoncement à l’un des domaines apparaîtrait comme un préjudice pour le bien-fondé de l’autre. Une large part de la société française reste imprégnée de cette idée que le nucléaire est essentiel à la grandeur de la France tant et si bien que certains présentent le nucléaire comme une composante de

l’« identité française » de ce début du XXIe siècle.

Le paradoxe de la recherche nucléaire

Si nombre de physiciens nucléaires s’engagèrent dans la construction de la bombe, ce fut souvent, au départ, lié au contexte de la Deuxième Guerre mondiale. Pourtant, paradoxalement, le monde scientifique est mobilisé autour de l’idéologie du « progrès » : la science est orientée pour le bien de l’humanité et n’a donc pas de frontières. Si l’on considère la période qui précéda la mise en place du

« programme Manhattan 1 », on est frappé de voir la circulation de l’information dans le milieu très international des atomiciens. La publication des résultats de recherches et les échanges entre scientifiques par le biais de colloques, conférences ou autres symposiums sont des activités « ordinaires », indispensables à la vitalité de la communauté scientifique. Il aura fallu que les orientations militaires de l’atome accaparent un grand nombre des meilleurs physiciens nucléaires pour que cessent ces échanges entre scientifiques sur injonction des militaires.

Libre circulation de l’information ou espionnage ?

Même lorsque les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki furent connus, l’idée du partage du secret des applications militaires de l’atome n’était pas étranger à la communauté scientifique, au nom de l’équilibre entre les puissances et même dans un but tout à fait pacifiste. Le physicien allemand Klaus Fuchs, réfugié en Angleterre puis jugé pour espionnage, résumait cet état d’esprit de quelques membres de la communauté scientifique : « Le secret partagé en deux signifiait la fin de la guerre ou du moins la fin de la guerre de totale destruction pour l’Humanité. Le scientifique n’est pas neutre, il doit avoir conscience de ce qu’il invente et il doit agir comme il l’entend pour ne pas être complice du mal que contient son invention 2. » Il aura fallu toute l’insistance des généraux et des dirigeants politiques pour mettre fin à de telles conceptions « internationalistes ». Au besoin, on sut impressionner chercheurs, ingénieurs et techniciens en « organisant » des procès à grand retentissement contre les « espions ». En 1951, l’affaire Rosenberg allait frapper les esprits. Si l’exécution des deux époux et la chasse aux communistes notifiait l’engagement du monde « libre » dans la guerre froide, elle visait également à mettre au pas la communauté scientifique.
B. B.

1) Nom de code du programme de la bombe nucléaire américaine.

2) Cité par Roberto Maiocchi, L’ère atomique, Castermann, 1993, p. 48.

Monarchie nucléaire

Sur le plan intérieur, la politique de défense de la France est articulée sur le pilier nucléaire que personne à droite comme à gauche n’a, jusqu’à une période récente, tenté de remettre en cause.

Seuls, les Verts, nouveaux venus sur l’échiquier politique français, affirment haut et fort la nécessité du renoncement à l’arme nucléaire et de sortie du nucléaire civil. Le Parti communiste appuie sur la nécessité du désarmement nucléaire sans pour autant proposer officiellement l’abandon de l’armement nucléaire : ses parlementaires se contentent de ne plus voter le budget de la défense et contestent les crédits nucléaires militaires. Aujourd’hui, nous n’avons pas, à gauche, de prises de position claires sur la dissuasion nucléaire comme cela avait été le cas à la fin des années 1970, où communistes et socialistes avaient adopté le principe d’une défense de la France articulée sur son armement nucléaire comme préalable à leur accession au pouvoir. Si le général de Gaulle fut le « géniteur » de la force de frappe française, ce fut sous le « règne » de François Mitterrand qu’elle atteignit son apogée avec 584 têtes nucléaires en 1992.

Le consensus sur la dissuasion nucléaire reste le discours obligé de la classe politique, même si, dans l’opposition, le Parti socialiste critique aujourd’hui les choix coûteux de la modernisation de l’arsenal nucléaire 1. Lors de l’Université d’été de la défense, en septembre 2004, le président de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, l’UMP Guy Teissier, s’est également aventuré sur le terrain de la critique en déclarant : « Nous devons aller vers une pause… Je crains que nous ne puissions pas supporter en même temps le coût du nucléaire et celui de l’entretien de notre armée. » Mal lui en prit : la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie — dont on sait que sa fonction en fait la porte-parole de l’Elysée en matière de défense — lui répliqua vertement : « Alors qu’on voit de nouveaux pays se doter de l’arme nucléaire, est-ce le moment où l’on va se déshabiller ? Ce serait ahurissant, pas sérieux ! 2 » En matière nucléaire, le système démocratique parlementaire reste entre parenthèses : le pouvoir unique et sans partage du président de la République fait de la France une « monarchie nucléaire ».

B. B.

1) Paul Quilès, Assemblée nationale, Avis n° 1866 « Défense » sur le projet de loi de finances pour 2005, p. 23.

2) AFP, 7 septembre 2004 ; Libération, 8 septembre 2004.
Bruno Barrillot
1) Gabrielle Hecht, Le rayonnement de la France. Énergie nucléaire et identité nationale après la Seconde Guerre mondiale, La Découverte, 2004.

2) Citons par exemple le Groupement des scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire et sa Gazette nucléaire ; la Crii-Rad, l’Accro, Wise-Paris, sans oublier quelques auteurs, pionniers aujourd’hui trop méconnus tels Charles-Noël Martin, Louis Puiseux et quelques journalistes telles Jacqueline Denis-Lempereur, Martine Barrère…

3) Louis Puiseux, Crépuscule des atomes, Hachette, 1988, p. 186.

4) Denis Breton, Confessions atomiques d’un électron libre. De Zoé à la fusion thermonucléaire, Éditions des Écrivains, 2002.

5) Jean-Marie Collin, « Propulsion nucléaire navale : un inventaire complet », Cahier de l’Observatoire des armes nucléaires, n0 9, avril 2002.

6) Les « experts » du CEA ont réponse à tout ! Dans le Plan quinquennal de recherche & développement. Effluents et déchets du CEA (1990-1994) de mars 1990, p. 51, les auteurs écrivent, très sérieusement, à propos du stockage profond, qu’une « période initiale de 10 000 ans sera privilégiée, lors des évaluations de sûreté »…

7) Bruno Barrillot et Mary Davis, Les déchets nucléaires militaires, CDRPC, 1994, pp. 337-339.



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