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Sortir du nucléaire n°98

Crédit photo : Dice me - Pixabay

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Loi de programmation militaire : une occasion ratée

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°98 -

 Nucléaire et économie  Nucléaire militaire
Article publié le : 10 juillet 2023


La loi de programmation militaire couvrant les sept prochaines années vient d’être votée. En forte augmentation, le nouveau budget alloué au militaire en France fait la part belle à l’arme nucléaire. Un non-sens alors que l’actualité souligne à quel point la dissuasion nucléaire n’est qu’un dangereux nuage de fumée qui nous met toutes et tous en danger.



Il ne faut pas cesser de le marteler : les dépenses militaires sont un immense gaspillage financier et de biens communs contribuant à la dégradation de notre vie et son écosystème, alors qu’elles sont censées nous apporter de la sécurité collective. Et non favoriser l’insécurité comme l’actualité se charge de nous le rappeler.

C’est tout particulièrement le cas avec la loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM) que le Parlement a adopté en juin dernier en procédure accélérée. Un montant de 413,3 milliards d’euros sur 7 ans, soit une moyenne annuelle de 59 milliards d’euros en augmentation de 40 % par rapport à la précédente LPM. [1]

De plus, pour cette 14e LPM depuis le début de la Ve République, c’est l’arme nucléaire qui, une fois encore, en est la grande bénéficiaire. Au point que le gouvernement — craignant une trop forte réaction d’une population en colère à propos des retraites ? — a tenté de camoufler le montant alloué à la dissuasion nucléaire. Fait inédit : contrairement aux précédentes LPM, ce montant ne figure pas dans les documents diffusés tant auprès des parlementaires que des médias. Il a été évoqué dans les débats uniquement en termes de pourcentage (13%), et seulement à la suite d’une interpellation du ministre des Armées par un député. M. Lecornu, assume ce refus de donner des chiffres, reprenant à son compte une formule de Pierre Messmer, ancien Premier ministre et ministre des Armées au démarrage du programme de la bombe : « À certains secrets militaires, équivaut une forme de discrétion budgétaire. » [2]

Faisons le calcul : 13 % de 413 milliards d’euros égal 53,69 Mds€, soit une moyenne annuelle de 7,67 Mds€ pour l’arme nucléaire ; alors que cette somme était de 5,02 Mds€ dans la précédente LPM. Tout en sachant qu’il s’agit d’une partie seulement des coûts consacrés à cette arme de terreur.

Quand le nucléaire stérilise la pensée…

Mais au-delà de cette dimension financière, il y a un autre aspect peu abordé : celui du détournement de cet argent et de matière grise au détriment de la recherche sur les causes des guerres et les outils à mettre en œuvre pour les prévenir.

Des pistes pour gérer les conflits autrement que par la guerre et sa préparation existent, émanant pour l’essentiel de chercheurs et organismes indépendants. Ce qui manque, c’est la volonté politique d’organiser une réflexion et la mise en place d’instruments collectifs. Comme l’expliquait alors le dernier dirigeant de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, à la fin des années 1980 : « Chacun doit assurer la sécurité de l’autre. » Tout en prônant notamment la réduction des arsenaux nucléaires et des accords de coopération.

Patrice Bouveret, Observatoire des armements (www.obsarm.org)


Notes

[1« Quelques éléments à propos de la loi de programmation militaire 2024-2030 et des débats nécessaires », Bernard Dreano, Damoclès n° 166-167, 1er trim 2023, https://www.obsarm.info/spip.php?article557

[2Interview publiée le 26 avril 2023, https://s.42l.fr/actu-sebastien-lecornu-interview

Il ne faut pas cesser de le marteler : les dépenses militaires sont un immense gaspillage financier et de biens communs contribuant à la dégradation de notre vie et son écosystème, alors qu’elles sont censées nous apporter de la sécurité collective. Et non favoriser l’insécurité comme l’actualité se charge de nous le rappeler.

C’est tout particulièrement le cas avec la loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM) que le Parlement a adopté en juin dernier en procédure accélérée. Un montant de 413,3 milliards d’euros sur 7 ans, soit une moyenne annuelle de 59 milliards d’euros en augmentation de 40 % par rapport à la précédente LPM. [1]

De plus, pour cette 14e LPM depuis le début de la Ve République, c’est l’arme nucléaire qui, une fois encore, en est la grande bénéficiaire. Au point que le gouvernement — craignant une trop forte réaction d’une population en colère à propos des retraites ? — a tenté de camoufler le montant alloué à la dissuasion nucléaire. Fait inédit : contrairement aux précédentes LPM, ce montant ne figure pas dans les documents diffusés tant auprès des parlementaires que des médias. Il a été évoqué dans les débats uniquement en termes de pourcentage (13%), et seulement à la suite d’une interpellation du ministre des Armées par un député. M. Lecornu, assume ce refus de donner des chiffres, reprenant à son compte une formule de Pierre Messmer, ancien Premier ministre et ministre des Armées au démarrage du programme de la bombe : « À certains secrets militaires, équivaut une forme de discrétion budgétaire. » [2]

Faisons le calcul : 13 % de 413 milliards d’euros égal 53,69 Mds€, soit une moyenne annuelle de 7,67 Mds€ pour l’arme nucléaire ; alors que cette somme était de 5,02 Mds€ dans la précédente LPM. Tout en sachant qu’il s’agit d’une partie seulement des coûts consacrés à cette arme de terreur.

Quand le nucléaire stérilise la pensée…

Mais au-delà de cette dimension financière, il y a un autre aspect peu abordé : celui du détournement de cet argent et de matière grise au détriment de la recherche sur les causes des guerres et les outils à mettre en œuvre pour les prévenir.

Des pistes pour gérer les conflits autrement que par la guerre et sa préparation existent, émanant pour l’essentiel de chercheurs et organismes indépendants. Ce qui manque, c’est la volonté politique d’organiser une réflexion et la mise en place d’instruments collectifs. Comme l’expliquait alors le dernier dirigeant de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, à la fin des années 1980 : « Chacun doit assurer la sécurité de l’autre. » Tout en prônant notamment la réduction des arsenaux nucléaires et des accords de coopération.

Patrice Bouveret, Observatoire des armements (www.obsarm.org)



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