Les antinucléaires ne désarment pas. À la veille de louverture du capital dAreva et des exercices de simulation daccident prévus demain et après-demain dans la Drôme, le Réseau Sortir du nucléaire, qui regroupe près de 700 associations, rend public un rapport accablant pour lusine Comurhex, lune des unités du site de Pierrelate. Cette entreprise, filiale à 100% de Cogema depuis 1992, transforme 11 000 tonnes duranium chaque année. Daté du 2 septembre, le document a été rédigé non point après un incident mais à la suite dune inspection de routine portant sur la façon dont lusine est censée gérer une situation de crise. Le contrôle a été effectué par des inspecteurs de lAutorité de sûreté nucléaire (ASN), organisme qui dépend de trois ministères (Industrie, Santé, Environnement) et qui, comme son nom lindique, est chargé dassurer la sécurité dans les centrales nucléaires.
Linspection « a montré que vous disposiez dun plan durgence opérationnel, régulièrement testé », indique le rapport en préambule, avant de passer en revue des lacunes plus ou moins graves.
Le plan durgence ne prend pas en compte le risque sismique. « Aucun des bâtiments utilisés pour la gestion de crise nest adapté au séisme ni ne possède de système de filtration permettant la survie au passage dun nuage toxique. » Pire : « Le bâtiment de direction, où se trouve le commandement, ne dispose daucune alimentation électrique secourue (indépendante), ce qui le rendrait quasi inopérant en cas de perte totale des alimentations électriques. »
Autre dysfonctionnement : lorganisation ne permet pas de garantir que le personnel dastreinte sera présent sur place « dans un délai raisonnable ». Plus étonnant encore, « les numéros de téléphone fournis par Areva à lAutorité de sûreté pour la constitution de lannuaire de crise ne sont pas opérationnels ». Enfin, lors de lexercice de simulation qui accompagnait linspection, la préfecture na été prévenue que trente-neuf minutes après lalerte, alors que le nuage toxique avait franchi la plate-forme au bout de huit minutes. Doù la constatation des inspecteurs : « Votre organisation conduit indubitablement à un retard inacceptable dans la mise en uvre des moyens de protection des populations. »
Lexploitant dispose généralement de deux mois pour trouver des solutions aux problèmes soulevés par les inspecteurs. La direction de lusine Comurhex de Pierrelatte affirme « avoir pris immédiatement des décisions par rapport aux remarques de lASN, notamment pour la réactivité face à la crise. Nous avons changé nos procédures dalerte de façon à avoir une réponse beaucoup plus rapide. » À la direction dAreva, on confirme avoir « pris en compte les observations des inspecteurs, en fiabilisant notamment le dispositif dalerte. »
Le Réseau Sortir du nucléaire ne cache pas son scepticisme face aux capacités de mise en conformité de lentreprise. « Que va-t-elle faire pour adapter au risque sismique les locaux prévus pour gérer la crise ? » demande Stéphane Lhomme, son porte-parole.
La dette abyssale d’EDF
Les dirigeants ont présenté les comptes à la commission Roulet, chargée par le ministère de lEconomie, des Finances et de lIndustrie dévaluer lentreprise. La dette serait proche de 40 milliards deuros.
Plusieurs membres de cette commission ont été abasourdis par les chiffres présentés, notamment en ce qui concerne lendettement et les évaluations des engagement hors bilan.
Lagence Fitch, qui a publié une note, indique qu « ajoutés aux provisions pour le démantèlement des centrales nucléaires, ces engagements pèseront fortement sur les comptes 2004 de la société. Pour restaurer son équilibre financier, EDF devra probablement trouver de nouveaux fonds propres ». Ces montants ont assommé les membres de la commission.
Ces chiffres ne tiennent pas compte des engagements pour retraite. Selon EDF, ceux-ci seraient de 11,4 milliards, qui se décomposent en 2 milliards de soulte (part payée par EDF pour la CNAV) et 10 milliards de droits passés spécifiques, la différence sexpliquant par un « impôt différé ».
Sil ne veut pas apparaître comme le détracteur de son prédécesseur François Roussely, Pierre Gadonneix (nouveau PDG dEDF) sait quune opération vérité est inévitable avant une éventuelle augmentation de capital. Par ailleurs, plus la réalité de la situation de lentreprise apparaît dégradée, plus sa notation le sera aussi dans la mesure où, devenant bientôt une société anonyme, elle perdra définitivement la garantie de lEtat. Enfin, Fitch rappelle quelle a « doté la note à long terme dEDF dune perspective négative qui reflète ses préoccupations concernant les engagements de retraites, les coûts de démantèlement des installations nucléaires et lexistence des options de vente ».
Source : Les Echos du 15 octobre 2004
Muriel FRAT
(Le Figaro du 17 novembre 2004)
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