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Il y a 50 ans, la bombe française… et ses cobayes

Presse

Article publié le 20 octobre 2010



  • Quelques vérités nouvelles sur les essais nucléaires français au Sahara Numéro spécial « 50e anniversaire » de Damoclès - 12/02/2010

Le 13 février 1960 la France faisait exploser sa première bombe atomique à Reggane dans le Sahara algérien.

Damoclès analyse, dans sa dernière édition (voir fichier joint), un document « confidentiel défense » — intitulé Rapport sur les essais nucléaires français (1960-1996) — qui vient souligner, une fois de plus, la nécessité de l’ouverture des archives tenues secrètes sur cette période, première étape indispensable pour que les préjudices subis par les vétérans, par les populations du Sahara et de Polynésie soient enfin réparés.

D’une manière ou d’une autre, les secrets, fussent-ils d’État, parviennent à la connaissance du public. Et pourtant, tout en affirmant se situer dans une démarche volontaire de transparence, le ministère de la Défense continue à bloquer l’information sur toute cette période. La page des essais nucléaires est loin d’être tournée !

Les prétextes invoqués frisent si souvent le ridicule — ne nous dit-on pas que la déclassification des rapports des services chargés de la santé et de l’environnement du temps des essais contreviendraient aux engagements de la France dans le cadre du traité de non-prolifération nucléaire ! — que des exaspérations se font jour, même parmi ceux, triés sur le volet, qui ont ou ont eu accès à de tels documents. C’est le cas de ce Rapport sur les essais nucléaires français (1960-1996) dont le tome I porte en titre La genèse de l’organisation et les expérimentations au Sahara (CSEM et CEMO). Rédigé probablement après l’arrêt définitif des essais décidé par Jacques Chirac, ce document n’est pourtant en rien critique de la politique nucléaire de la France. En effet, l’auteur termine ainsi sa longue introduction par ce satisfecit sans équivoque : « L’objet du présent rapport est de rendre compte chronologiquement, et de la manière la plus fidèle possible, de cette grande aventure scientifique rendue possible par des choix politiques judicieux, mais surtout par la compétence des personnels des Armées et du CEA. »

Au sommaire de ce dossier spécial de 16 pages :

• Le crime de Gerboise bleue

• La vérité sur les fuites des essais souterrains d’In Eker

• Une loi d’indemnisation mal ficelée

• La vérité sur les expériences « complémentaires »

• Un mépris intolérable

• Nouveau : histoire d’un combat

Damoclès n° 128-129 / 3&4-2009 • 5 euros
Disponible auprès de l’Observatoire des armements, 187 montée de Choulans, 69005 Lyon

Pour tout renseignement :

Patrice Bouveret, tél. 04 78 36 93 03 / 06 30 55 07 09

  • Quand les appelés du contingent servaient de cobayes Le Parisien, Nicolas Jacquard, le 16 février 2010

Un rapport confidentiel révèle comment l’armée française a utilisé ses soldats lors des premiers essais atomiques dans le Sahara au début des années 1960.

C’est un rapport accablant. 260 pages estampillées « confidentiel défense » que « le Parisien » - « Aujourd’hui en France » s’est procuré et qui éclaire d’un jour radicalement nouveau la campagne française d’essais nucléaires dans le Sahara algérien, entre 1960 et 1966. « Il s’agit de la seule synthèse existante sur ces tirs connue à l’heure actuelle », avertit Patrice Bouveret, président et cofondateur de l’Observatoire des armements, qui évoque ce document dans le dernier numéro de sa lettre d’information.

Intitulé : « la Genèse de l’organisation et les expérimentations au Sahara », ce texte rédigé par un ou des militaires anonymes daterait de 1998, juste après l’abandon définitif des essais par Jacques Chirac. Il y évoque avec emphase « une grande aventure scientifique », tout en jugeant « inopportun d’en extraire une synthèse grand public. » A sa lecture, on comprend aisément pourquoi, chaque ligne du rapport expliquant comment scientifiques et militaires veulent, à l’époque, obtenir « la bombe », quel que soit le prix à payer, y compris humain. Gerboise verte, le quatrième et dernier tir dans l’atmosphère, fait ainsi jouer les appelés du contingent à une véritable guerre nucléaire grandeur nature. Souvent, les vétérans se plaignaient d’avoir été des cobayes. C’est désormais une certitude.

Quant aux « faibles doses » reçues qu’évoque le ministre de la Défense, elles sont à l’origine de maladies irréversibles. « Que dans le contexte de l’époque, on fasse des manoeuvres, on peut en discuter, résume Patrice Bouveret. Mais que tout cela soit fait sans aucune prise en compte sociale ou médicale des hommes, c’est quasi criminel. »

Reste que ce rapport ne livre qu’une vérité partielle des essais nucléaires réalisés par la France. En effet, le sous-titre du document indique en première page qu’il s’agit du « tome I ». Existe-t-il d’autres volumes dans les archives du ministère de la Défense ? Hervé Morin dit ne pas en avoir connaissance.

  • La bombe atomique française a 50 ans Ouest-France, samedi 13 février 2010

Le 13 février 1960, la première bombe atomique française explosait dans le Sahara. Le point sur la doctrine nationale et l’histoire, controversée, des essais nucléaires qui ont duré jusqu’en 1996.

Le 13 février 1960. L’opération « Gerboise bleue » n’a pas été une surprise. Depuis des mois, on savait que la France allait procéder à un essai atomique dans le Sahara (qui était à l’époque territoire français). La zone choisie était située à Reggane, à 1 200 km d’Alger, dans le Tanezrouft, le « désert de la soif ».

Plus de 6 000 personnes étaient alors mobilisées au Centre saharien d’expérimentation militaire. La bombe, d’une puissance de 70 kilotonnes (quatre fois Hiroshima), était perchée sur une tour à 100 mètres de hauteur. Avec cet essai aérien, la France entrait dans le club des puissances nucléaires.

La doctrine tricolore. Dans l’esprit du président Charles de Gaulle, il s’agissait de disposer d’une arme politique crédible face au bloc communiste surarmé ; il s’agissait aussi de pouvoir affirmer que la France ne dépendait d’aucune autre puissance pour ce qui était de sa défense. La chute du mur de Berlin a changé la donne.

Jacques Chirac, en 2001, a précisé que les armes nucléaires françaises pourraient servir contre des « puissances régionales dotées d’armes de destruction massive » ou qui auraient recours au terrorisme.

En 2008, Nicolas Sarkozy est revenu aux fondamentaux : la dissuasion française est destinée à protéger la France d’une agression « étatique ».

210 essais en 36 ans. Après « Gerboise bleue », la France a réalisé seize autres essais au Sahara (trois aériens, treize souterrains). En 1966, le champ de tir a été transféré sur les atolls de Mururoa et Fangataufa (Pacifique sud), à 1 200 kilomètres de Tahiti. 193 essais y seront réalisés. Le 8 avril 1992, le président François Mitterrand décrète un moratoire sur les essais. Jacques Chirac y met fin en 1995 : six essais sont réalisés entre le 5 septembre 1995 et le 27 janvier 1996.

Après un tollé mondial, Jacques Chirac annonce, le 29 janvier, que la France signera le traité d’interdiction complète des essais. Mais il ne met pas fin aux expérimentations. Elles se poursuivent dans le cadre du programme « Simulation » qui comprend le laser Mégajoule installé sur le site du Barp, près de Bordeaux.

Les vétérans des essais. Quelque 150 000 travailleurs civils et militaires ont participé de 1960 à 1996 aux essais français, sans compter les populations locales. Le ministère de la Défense évalue à « quelques centaines » le nombre de ceux ayant pu développer un cancer à la suite des radiations.

Le Journal officiel a publié le 6 janvier dernier une loi, adoptée le 22 décembre 2009, sur l’indemnisation des victimes. Dorénavant, ce sera non plus à la victime de prouver que sa maladie est due aux essais nucléaires mais au ministère de prouver le contraire. Un comité d’indemnisation procédera ou fera procéder à toute investigation scientifique ou médicale utile. Après l’enregistrement de la demande, le comité présentera au ministère de la Défense une recommandation.

  • Il faut enrayer la prolifération nucléaire, par Venance Journé LE MONDE | 15.02.10

Venance Journé est physicienne, chercheuse au CNRS, spécialiste des questions nucléaires.

Hourra pour la France ! Depuis ce matin, elle est plus forte et plus fière !" Ainsi réagissait le général de Gaulle le 13 février 1960 à la première explosion nucléaire faisant entrer la France dans le très fermé "club nucléaire". Il résumait les motifs pour lesquels la France s’était dotée de cette arme redoutable et si terrible, comme on l’avait découvert quinze ans plus tôt avec les 200 000 victimes à Hiroshima et Nagasaki. Pour un pays qui venait d’être envahi puis occupé, détenir cette arme était l’assurance qu’un tel cauchemar ne se reproduirait plus. C’était aussi la preuve que le pays était capable de ce qui était alors une prouesse technique : la France recouvrait ainsi sa fierté de grande puissance.

Le rôle des armes nucléaires était de dissuader un éventuel agresseur - l’URSS pendant la guerre froide - de porter atteinte aux intérêts vitaux du pays. Suivant la doctrine originelle française, l’arme nucléaire évite la guerre par la menace de dommages inacceptables. Des armes nucléaires très puissantes ont été stockées par dizaines de milliers dans les arsenaux, principalement américain et soviétique. Cela n’a pas empêché ces pays, pour l’un, de perdre la guerre de Corée puis du Vietnam et, pour l’autre, d’être refoulé d’Afghanistan. Les armes nucléaires de l’Inde n’ont pas empêché les Pakistanais d’empiéter sur son territoire en 1999 à Kargil ni la mort de milliers de soldats indiens.

Depuis la fin de la guerre froide, la justification originelle de l’utilité de ces armes n’a plus lieu d’être. Alors, les dirigeants estiment que la menace provient maintenant de la prolifération. Cela semble incohérent : si les armes nucléaires sont "l’assurance-vie" qui nous est toujours présentée, pourquoi se préoccuper de quelques armes nucléaires dans d’autres pays ? D’autre part, si l’on considère leurs enjeux de sécurité, on se rend compte qu’ils sont dans une situation analogue à la nôtre il y a cinquante ans.

L’Inde a entamé son programme nucléaire à la suite d’un conflit avec la Chine en 1962 et aussi, vraisemblablement, pour se hisser au rang de grande puissance. Le Pakistan, son frère ennemi conventionnellement plus faible, lui a emboîté le pas. Quant à l’Iran, son histoire depuis les années 1950 éclaire les raisons qui motivent ce pays à montrer qu’il est capable de se défendre si nécessaire. Il n’est pas prouvé qu’il veuille se doter effectivement d’armes nucléaires, même si la logique de ses choix en matière nucléaire et son manque de transparence sont troublants.

La prolifération constitue un bon argument pour moderniser : le missile M51 embarqué sur les sous-marins, avec ses 9 000 km de portée, va maintenant remplacer le M45, qui pouvait pourtant atteindre des cibles jusqu’à 6 000 km de distance. Tout cela, bien entendu, aux grands frais du contribuable : la dissuasion nucléaire française coûte 20 % du budget de la défense ou encore 50 % du budget de la justice. Quant au nombre de têtes nucléaires, sa diminution est relative. La France avait 200 armes nucléaires en 1975, 300 en 1986, 540 en 1994. Avec la mise au rebut des armes du plateau d’Albion et des armes sur les missiles à courte portée, l’arsenal français doit descendre à 300 têtes, ce qui serait le niveau de la "stricte suffisance", mais quand même autant qu’après vingt-cinq ans d’accumulation pendant la guerre froide. L’usage éventuel de l’arme nucléaire pour dissuader repose sur un paradoxe et son utilité est impossible à prouver. En revanche, un fait est certain : aucune arme nucléaire n’a été utilisée depuis 1945. L’ouverture des archives indique maintenant que, s’il n’y a pas eu d’autre explosion nucléaire, que ce soit par accident ou volontairement à cause de mauvais calculs, informations ou interprétations, c’est seulement grâce au "pur hasard".

Une arme nucléaire qui exploserait par accident sur une ville ferait des centaines de milliers, voire des millions de victimes. Les dirigeants du pays où cela arriverait n’auraient que quelques dizaines de minutes au grand maximum pour prendre la bonne décision, c’est-à-dire de ne pas réagir. Auraient-ils les capacités techniques, intellectuelles et psychologiques de le faire ? Le monde comptabilise actuellement 23 000 têtes nucléaires, dont 2 000 en état d’alerte maximale aux Etats-Unis et en Russie, dont le lancement peut être automatiquement déclenché par ordinateur. Par ailleurs, des études récentes sur les conséquences climatiques d’un échange de quelques dizaines de bombes montrent qu’il aurait des effets catastrophiques au niveau mondial, affectant durablement les ressources agricoles.

Qu’est-ce qui justifie de telles perspectives ? Pour les tenants de l’arme nucléaire, un monde sans armes nucléaires est un espoir naïf. Les faits indiquent que la naïveté réside plutôt dans l’esprit de ceux qui pensent que l’état de "pur hasard" sans aucune explosion nucléaire continuera encore longtemps. La charge de la preuve que le risque en vaut la chandelle revient à ceux qui disent que les Etats dotés de l’arme nucléaire ont un droit illimité de les détenir, assurant que cela est indispensable à la sécurité de leur pays, et qui, en outre, dénient ce droit aux autres.

Conscients du danger que représenterait la possession d’armes nucléaires par un grand nombre de pays, les Etats ont négocié le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), entré en vigueur en 1970. Il consiste essentiellement en un marché entre les pays n’ayant pas encore testé d’engin nucléaire et qui s’engagent à ne pas en mettre au point et les pays détenteurs, la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’URSS, qui s’engagent au désarmement nucléaire. Seuls l’Inde, Israël et le Pakistan ne l’ont pas ratifié, et la Corée du Nord s’est retirée en 2003.

La prochaine conférence d’examen du TNP se tiendra en mai. Les pays non dotés d’armes nucléaires estiment depuis longtemps que le "double standard" et l’hypocrisie qui l’accompagne, autorisant les armes nucléaires ou les technologies sensibles mais nécessaires aux applications civiles dans des pays comme Israël ou l’Inde, et estimant qu’elles sont un danger dans d’autres, comme l’Iran ou le Pakistan, ne peut plus durer.

C’est un point-clé de la crise du Moyen-Orient. Pour ces raisons, la conférence d’examen de 2005 s’était conclue par un échec. Un nouvel échec en mai mettrait essentiellement fin au régime de non-prolifération tel que nous l’avons connu, alors qu’il a fait ses preuves depuis quarante ans, même si les procédures de contrôle méritent d’être renforcées. Comment demander de nouveaux efforts avec des inspections plus intrusives aux pays ayant abandonné l’option nucléaire, comme le Brésil ou l’Afrique du Sud, si les autres Etats ne font pas leur partie du chemin ?

Les dirigeants des pays dotés d’armes nucléaires doivent admettre que la non-prolifération et le désarmement nucléaires vont de pair, et le montrer concrètement : en mettant fin à la modernisation des armes et des vecteurs, en réduisant officiellement le rôle des armes nucléaires dans les doctrines, en spécifiant clairement que ce rôle est uniquement de dissuader une attaque par un pays doté d’armes nucléaires et en s’engageant dès maintenant dans des négociations multilatérales, avec un calendrier défini pour leur conclusion, afin de bannir ces armes.

Les programmes nucléaires ont toujours commencé, et se prolongent, dans le secret, et les risques sont aussi tenus secrets, particulièrement en France où, en outre, le débat est inaudible. Pourtant, l’arme nucléaire est une question politique essentielle : c’est une arme de terreur, quel qu’en soit l’usage, y compris celui d’"avertissement" prôné en haut lieu. On sait que la réponse à la terreur est également la terreur. Enfin l’usage, ou la menace d’usage, d’armes nucléaires a l’effet de maintenir en otage des populations innocentes.

Au Royaume-Uni, la majorité, y compris chez les responsables politiques, est prête à renoncer aux armes nucléaires. En ce 50e anniversaire, la France pourrait surprendre ses amis, et ses détracteurs, en montrant indépendance et courage par l’annonce, lors de la conférence de mai, de mesures audacieuses vers l’abolition des armes nucléaires.

  • Un champignon atomique gravé sur la pellicule Le Répubicain Lorrain 13/02/2010

Témoin direct du premier essai nucléaire français le 13 février 1960 en Algérie, le Moselan François Hamant est marqué à vie. Il l’a filmé avec, pour tout protection, une combinaison et des lunettes de soleil.

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  • Quelques vérités nouvelles sur les essais nucléaires français au Sahara Numéro spécial « 50e anniversaire » de Damoclès - 12/02/2010

Le 13 février 1960 la France faisait exploser sa première bombe atomique à Reggane dans le Sahara algérien.

Damoclès analyse, dans sa dernière édition (voir fichier joint), un document « confidentiel défense » — intitulé Rapport sur les essais nucléaires français (1960-1996) — qui vient souligner, une fois de plus, la nécessité de l’ouverture des archives tenues secrètes sur cette période, première étape indispensable pour que les préjudices subis par les vétérans, par les populations du Sahara et de Polynésie soient enfin réparés.

D’une manière ou d’une autre, les secrets, fussent-ils d’État, parviennent à la connaissance du public. Et pourtant, tout en affirmant se situer dans une démarche volontaire de transparence, le ministère de la Défense continue à bloquer l’information sur toute cette période. La page des essais nucléaires est loin d’être tournée !

Les prétextes invoqués frisent si souvent le ridicule — ne nous dit-on pas que la déclassification des rapports des services chargés de la santé et de l’environnement du temps des essais contreviendraient aux engagements de la France dans le cadre du traité de non-prolifération nucléaire ! — que des exaspérations se font jour, même parmi ceux, triés sur le volet, qui ont ou ont eu accès à de tels documents. C’est le cas de ce Rapport sur les essais nucléaires français (1960-1996) dont le tome I porte en titre La genèse de l’organisation et les expérimentations au Sahara (CSEM et CEMO). Rédigé probablement après l’arrêt définitif des essais décidé par Jacques Chirac, ce document n’est pourtant en rien critique de la politique nucléaire de la France. En effet, l’auteur termine ainsi sa longue introduction par ce satisfecit sans équivoque : « L’objet du présent rapport est de rendre compte chronologiquement, et de la manière la plus fidèle possible, de cette grande aventure scientifique rendue possible par des choix politiques judicieux, mais surtout par la compétence des personnels des Armées et du CEA. »

Au sommaire de ce dossier spécial de 16 pages :

• Le crime de Gerboise bleue

• La vérité sur les fuites des essais souterrains d’In Eker

• Une loi d’indemnisation mal ficelée

• La vérité sur les expériences « complémentaires »

• Un mépris intolérable

• Nouveau : histoire d’un combat

Damoclès n° 128-129 / 3&4-2009 • 5 euros
Disponible auprès de l’Observatoire des armements, 187 montée de Choulans, 69005 Lyon

Pour tout renseignement :

Patrice Bouveret, tél. 04 78 36 93 03 / 06 30 55 07 09

  • Quand les appelés du contingent servaient de cobayes Le Parisien, Nicolas Jacquard, le 16 février 2010

Un rapport confidentiel révèle comment l’armée française a utilisé ses soldats lors des premiers essais atomiques dans le Sahara au début des années 1960.

C’est un rapport accablant. 260 pages estampillées « confidentiel défense » que « le Parisien » - « Aujourd’hui en France » s’est procuré et qui éclaire d’un jour radicalement nouveau la campagne française d’essais nucléaires dans le Sahara algérien, entre 1960 et 1966. « Il s’agit de la seule synthèse existante sur ces tirs connue à l’heure actuelle », avertit Patrice Bouveret, président et cofondateur de l’Observatoire des armements, qui évoque ce document dans le dernier numéro de sa lettre d’information.

Intitulé : « la Genèse de l’organisation et les expérimentations au Sahara », ce texte rédigé par un ou des militaires anonymes daterait de 1998, juste après l’abandon définitif des essais par Jacques Chirac. Il y évoque avec emphase « une grande aventure scientifique », tout en jugeant « inopportun d’en extraire une synthèse grand public. » A sa lecture, on comprend aisément pourquoi, chaque ligne du rapport expliquant comment scientifiques et militaires veulent, à l’époque, obtenir « la bombe », quel que soit le prix à payer, y compris humain. Gerboise verte, le quatrième et dernier tir dans l’atmosphère, fait ainsi jouer les appelés du contingent à une véritable guerre nucléaire grandeur nature. Souvent, les vétérans se plaignaient d’avoir été des cobayes. C’est désormais une certitude.

Quant aux « faibles doses » reçues qu’évoque le ministre de la Défense, elles sont à l’origine de maladies irréversibles. « Que dans le contexte de l’époque, on fasse des manoeuvres, on peut en discuter, résume Patrice Bouveret. Mais que tout cela soit fait sans aucune prise en compte sociale ou médicale des hommes, c’est quasi criminel. »

Reste que ce rapport ne livre qu’une vérité partielle des essais nucléaires réalisés par la France. En effet, le sous-titre du document indique en première page qu’il s’agit du « tome I ». Existe-t-il d’autres volumes dans les archives du ministère de la Défense ? Hervé Morin dit ne pas en avoir connaissance.

  • La bombe atomique française a 50 ans Ouest-France, samedi 13 février 2010

Le 13 février 1960, la première bombe atomique française explosait dans le Sahara. Le point sur la doctrine nationale et l’histoire, controversée, des essais nucléaires qui ont duré jusqu’en 1996.

Le 13 février 1960. L’opération « Gerboise bleue » n’a pas été une surprise. Depuis des mois, on savait que la France allait procéder à un essai atomique dans le Sahara (qui était à l’époque territoire français). La zone choisie était située à Reggane, à 1 200 km d’Alger, dans le Tanezrouft, le « désert de la soif ».

Plus de 6 000 personnes étaient alors mobilisées au Centre saharien d’expérimentation militaire. La bombe, d’une puissance de 70 kilotonnes (quatre fois Hiroshima), était perchée sur une tour à 100 mètres de hauteur. Avec cet essai aérien, la France entrait dans le club des puissances nucléaires.

La doctrine tricolore. Dans l’esprit du président Charles de Gaulle, il s’agissait de disposer d’une arme politique crédible face au bloc communiste surarmé ; il s’agissait aussi de pouvoir affirmer que la France ne dépendait d’aucune autre puissance pour ce qui était de sa défense. La chute du mur de Berlin a changé la donne.

Jacques Chirac, en 2001, a précisé que les armes nucléaires françaises pourraient servir contre des « puissances régionales dotées d’armes de destruction massive » ou qui auraient recours au terrorisme.

En 2008, Nicolas Sarkozy est revenu aux fondamentaux : la dissuasion française est destinée à protéger la France d’une agression « étatique ».

210 essais en 36 ans. Après « Gerboise bleue », la France a réalisé seize autres essais au Sahara (trois aériens, treize souterrains). En 1966, le champ de tir a été transféré sur les atolls de Mururoa et Fangataufa (Pacifique sud), à 1 200 kilomètres de Tahiti. 193 essais y seront réalisés. Le 8 avril 1992, le président François Mitterrand décrète un moratoire sur les essais. Jacques Chirac y met fin en 1995 : six essais sont réalisés entre le 5 septembre 1995 et le 27 janvier 1996.

Après un tollé mondial, Jacques Chirac annonce, le 29 janvier, que la France signera le traité d’interdiction complète des essais. Mais il ne met pas fin aux expérimentations. Elles se poursuivent dans le cadre du programme « Simulation » qui comprend le laser Mégajoule installé sur le site du Barp, près de Bordeaux.

Les vétérans des essais. Quelque 150 000 travailleurs civils et militaires ont participé de 1960 à 1996 aux essais français, sans compter les populations locales. Le ministère de la Défense évalue à « quelques centaines » le nombre de ceux ayant pu développer un cancer à la suite des radiations.

Le Journal officiel a publié le 6 janvier dernier une loi, adoptée le 22 décembre 2009, sur l’indemnisation des victimes. Dorénavant, ce sera non plus à la victime de prouver que sa maladie est due aux essais nucléaires mais au ministère de prouver le contraire. Un comité d’indemnisation procédera ou fera procéder à toute investigation scientifique ou médicale utile. Après l’enregistrement de la demande, le comité présentera au ministère de la Défense une recommandation.

  • Il faut enrayer la prolifération nucléaire, par Venance Journé LE MONDE | 15.02.10

Venance Journé est physicienne, chercheuse au CNRS, spécialiste des questions nucléaires.

Hourra pour la France ! Depuis ce matin, elle est plus forte et plus fière !" Ainsi réagissait le général de Gaulle le 13 février 1960 à la première explosion nucléaire faisant entrer la France dans le très fermé "club nucléaire". Il résumait les motifs pour lesquels la France s’était dotée de cette arme redoutable et si terrible, comme on l’avait découvert quinze ans plus tôt avec les 200 000 victimes à Hiroshima et Nagasaki. Pour un pays qui venait d’être envahi puis occupé, détenir cette arme était l’assurance qu’un tel cauchemar ne se reproduirait plus. C’était aussi la preuve que le pays était capable de ce qui était alors une prouesse technique : la France recouvrait ainsi sa fierté de grande puissance.

Le rôle des armes nucléaires était de dissuader un éventuel agresseur - l’URSS pendant la guerre froide - de porter atteinte aux intérêts vitaux du pays. Suivant la doctrine originelle française, l’arme nucléaire évite la guerre par la menace de dommages inacceptables. Des armes nucléaires très puissantes ont été stockées par dizaines de milliers dans les arsenaux, principalement américain et soviétique. Cela n’a pas empêché ces pays, pour l’un, de perdre la guerre de Corée puis du Vietnam et, pour l’autre, d’être refoulé d’Afghanistan. Les armes nucléaires de l’Inde n’ont pas empêché les Pakistanais d’empiéter sur son territoire en 1999 à Kargil ni la mort de milliers de soldats indiens.

Depuis la fin de la guerre froide, la justification originelle de l’utilité de ces armes n’a plus lieu d’être. Alors, les dirigeants estiment que la menace provient maintenant de la prolifération. Cela semble incohérent : si les armes nucléaires sont "l’assurance-vie" qui nous est toujours présentée, pourquoi se préoccuper de quelques armes nucléaires dans d’autres pays ? D’autre part, si l’on considère leurs enjeux de sécurité, on se rend compte qu’ils sont dans une situation analogue à la nôtre il y a cinquante ans.

L’Inde a entamé son programme nucléaire à la suite d’un conflit avec la Chine en 1962 et aussi, vraisemblablement, pour se hisser au rang de grande puissance. Le Pakistan, son frère ennemi conventionnellement plus faible, lui a emboîté le pas. Quant à l’Iran, son histoire depuis les années 1950 éclaire les raisons qui motivent ce pays à montrer qu’il est capable de se défendre si nécessaire. Il n’est pas prouvé qu’il veuille se doter effectivement d’armes nucléaires, même si la logique de ses choix en matière nucléaire et son manque de transparence sont troublants.

La prolifération constitue un bon argument pour moderniser : le missile M51 embarqué sur les sous-marins, avec ses 9 000 km de portée, va maintenant remplacer le M45, qui pouvait pourtant atteindre des cibles jusqu’à 6 000 km de distance. Tout cela, bien entendu, aux grands frais du contribuable : la dissuasion nucléaire française coûte 20 % du budget de la défense ou encore 50 % du budget de la justice. Quant au nombre de têtes nucléaires, sa diminution est relative. La France avait 200 armes nucléaires en 1975, 300 en 1986, 540 en 1994. Avec la mise au rebut des armes du plateau d’Albion et des armes sur les missiles à courte portée, l’arsenal français doit descendre à 300 têtes, ce qui serait le niveau de la "stricte suffisance", mais quand même autant qu’après vingt-cinq ans d’accumulation pendant la guerre froide. L’usage éventuel de l’arme nucléaire pour dissuader repose sur un paradoxe et son utilité est impossible à prouver. En revanche, un fait est certain : aucune arme nucléaire n’a été utilisée depuis 1945. L’ouverture des archives indique maintenant que, s’il n’y a pas eu d’autre explosion nucléaire, que ce soit par accident ou volontairement à cause de mauvais calculs, informations ou interprétations, c’est seulement grâce au "pur hasard".

Une arme nucléaire qui exploserait par accident sur une ville ferait des centaines de milliers, voire des millions de victimes. Les dirigeants du pays où cela arriverait n’auraient que quelques dizaines de minutes au grand maximum pour prendre la bonne décision, c’est-à-dire de ne pas réagir. Auraient-ils les capacités techniques, intellectuelles et psychologiques de le faire ? Le monde comptabilise actuellement 23 000 têtes nucléaires, dont 2 000 en état d’alerte maximale aux Etats-Unis et en Russie, dont le lancement peut être automatiquement déclenché par ordinateur. Par ailleurs, des études récentes sur les conséquences climatiques d’un échange de quelques dizaines de bombes montrent qu’il aurait des effets catastrophiques au niveau mondial, affectant durablement les ressources agricoles.

Qu’est-ce qui justifie de telles perspectives ? Pour les tenants de l’arme nucléaire, un monde sans armes nucléaires est un espoir naïf. Les faits indiquent que la naïveté réside plutôt dans l’esprit de ceux qui pensent que l’état de "pur hasard" sans aucune explosion nucléaire continuera encore longtemps. La charge de la preuve que le risque en vaut la chandelle revient à ceux qui disent que les Etats dotés de l’arme nucléaire ont un droit illimité de les détenir, assurant que cela est indispensable à la sécurité de leur pays, et qui, en outre, dénient ce droit aux autres.

Conscients du danger que représenterait la possession d’armes nucléaires par un grand nombre de pays, les Etats ont négocié le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), entré en vigueur en 1970. Il consiste essentiellement en un marché entre les pays n’ayant pas encore testé d’engin nucléaire et qui s’engagent à ne pas en mettre au point et les pays détenteurs, la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’URSS, qui s’engagent au désarmement nucléaire. Seuls l’Inde, Israël et le Pakistan ne l’ont pas ratifié, et la Corée du Nord s’est retirée en 2003.

La prochaine conférence d’examen du TNP se tiendra en mai. Les pays non dotés d’armes nucléaires estiment depuis longtemps que le "double standard" et l’hypocrisie qui l’accompagne, autorisant les armes nucléaires ou les technologies sensibles mais nécessaires aux applications civiles dans des pays comme Israël ou l’Inde, et estimant qu’elles sont un danger dans d’autres, comme l’Iran ou le Pakistan, ne peut plus durer.

C’est un point-clé de la crise du Moyen-Orient. Pour ces raisons, la conférence d’examen de 2005 s’était conclue par un échec. Un nouvel échec en mai mettrait essentiellement fin au régime de non-prolifération tel que nous l’avons connu, alors qu’il a fait ses preuves depuis quarante ans, même si les procédures de contrôle méritent d’être renforcées. Comment demander de nouveaux efforts avec des inspections plus intrusives aux pays ayant abandonné l’option nucléaire, comme le Brésil ou l’Afrique du Sud, si les autres Etats ne font pas leur partie du chemin ?

Les dirigeants des pays dotés d’armes nucléaires doivent admettre que la non-prolifération et le désarmement nucléaires vont de pair, et le montrer concrètement : en mettant fin à la modernisation des armes et des vecteurs, en réduisant officiellement le rôle des armes nucléaires dans les doctrines, en spécifiant clairement que ce rôle est uniquement de dissuader une attaque par un pays doté d’armes nucléaires et en s’engageant dès maintenant dans des négociations multilatérales, avec un calendrier défini pour leur conclusion, afin de bannir ces armes.

Les programmes nucléaires ont toujours commencé, et se prolongent, dans le secret, et les risques sont aussi tenus secrets, particulièrement en France où, en outre, le débat est inaudible. Pourtant, l’arme nucléaire est une question politique essentielle : c’est une arme de terreur, quel qu’en soit l’usage, y compris celui d’"avertissement" prôné en haut lieu. On sait que la réponse à la terreur est également la terreur. Enfin l’usage, ou la menace d’usage, d’armes nucléaires a l’effet de maintenir en otage des populations innocentes.

Au Royaume-Uni, la majorité, y compris chez les responsables politiques, est prête à renoncer aux armes nucléaires. En ce 50e anniversaire, la France pourrait surprendre ses amis, et ses détracteurs, en montrant indépendance et courage par l’annonce, lors de la conférence de mai, de mesures audacieuses vers l’abolition des armes nucléaires.

  • Un champignon atomique gravé sur la pellicule Le Répubicain Lorrain 13/02/2010

Témoin direct du premier essai nucléaire français le 13 février 1960 en Algérie, le Moselan François Hamant est marqué à vie. Il l’a filmé avec, pour tout protection, une combinaison et des lunettes de soleil.

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