Fukushima
Les irradiés de Fukushima traités comme des parias
"Mes enfants ont des soucis quand ils sortent de la préfecture parce qu’ils sont immatriculés à Fukushima. Ils préfèrent emprunter la voiture d’un ami immatriculée ailleurs pour qu’on les laisse tranquilles. Il leur est aussi arrivé d’être refusés dans un restaurant." Grand-mère discrète, Keiko Inoue, 63 ans, enrage quand elle évoque les discriminations subies par ses proches. Elle sait en effet qu’elle subira sans doute le même sort.
Situé à 40 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, le village d’Iitate, dans lequel elle habite, fait partie des toutes dernières communes évacuées. Keiko a jusqu’à la fin du mois pour déménager. Elle rejoindra alors le cortège des 100 000 personnes évacuées à cause de l’accident nucléaire qui s’est produit il y a deux mois, jour pour jour. Une partie de ces réfugiés a été relogée aux quatre coins de l’archipel. Ce sont eux qui ont pu être victimes de discrimination. Leur délit : un soupçon de radioactivité. Les cas se sont multipliés, à tel point que le porte-parole du gouvernement, l’omniprésent Yukio Edano, a été contraint d’expliquer que "la radioactivité n’est pas contagieuse comme les maladies infectieuses".
Le maire de Tsukuba, une ville de 200 000 habitants à une cinquantaine de kilomètres de Tokyo, a dû s’excuser parce que des fonctionnaires de sa commune demandaient systématiquement aux réfugiés en provenance de Fukushima de fournir une preuve de "non-radioactivité" ou de passer un test mis en place à l’entrée de beaucoup de centres de réfugiés. Kenichi Ichihara, le maire, a expliqué qu’il voulait s’assurer du bien-être des réfugiés mais a regretté la confusion que ces contrôles avaient provoquée. Certains hôtels ont refusé de loger les personnes venant de la région sinistrée, d’autres ont appelé les services administratifs pour savoir si leur hébergement ne présentait aucun danger.
A Funabashi, un enfant qui venait de la préfecture de Fukushima a été molesté par d’autres enfants, dans un parc de la ville, qui l’accusaient d’être contagieux. Une écolière originaire de Minamisoma, à 25 kilomètres de la centrale nucléaire, refuse d’aller à l’école, dans la préfecture de Gunma, parce que personne ne veut s’asseoir à côté d’elle. "Ces rumeurs néfastes n’ont aucun fondement scientifique, insiste Tamotsu Nomura, un membre éminent de l’association sur les effets des radiations. Cette situation dans laquelle les enfants mais aussi les adultes surréagissent est tout à fait surprenante." Ces cas renvoient à de sombres souvenirs dans l’histoire nippone. Ceux des "hibakusha", les survivants des bombes atomiques larguées au-dessus d’Hiroshima et Nagasaki en août 1945, qui ont longuement été considérés comme des brebis galeuses. Nombre d’entre eux ont eu du mal à se marier ou à trouver un emploi. Cinq associations d’irradiés de la préfecture de Nagasaki ont demandé au gouvernement de prendre des mesures pour que cela ne se reproduise pas.
Source : La Tribune de Genève,
https://www.tdg.ch