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Sortir du nucléaire n°53



Printemps 2012

Prolifération nucléaire

Le double refus d’Israël

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°53 - Printemps 2012



La possibilité d’une attaque militaire contre l’Iran est ouvertement débattue en Israël et aux États-Unis. Décryptage.



Aujourd’hui, la Maison-Blanche et les responsables militaires américains sont contre une attaque qui aurait maintenant un effet "déstabilisant" mais qui pourrait donc, plus tard, avoir le feu vert… Contraint par une campagne électorale sous pression du puissant lobby pro-israélien, Obama se sent obligé de dire que "toutes les options sont sur la table". Si les Républicains gagnaient la Maison-Blanche en novembre, la guerre serait quasi-certaine.

Le véritable enjeu de ce bras de fer nucléaire est la "parité stratégique", c’est-à-dire un Moyen-Orient dans lequel Israël ne serait plus l’unique État de la région à posséder l’arme nucléaire (acquise avec l’aide de la France et la complicité silencieuse de l’Occident) et à dicter les règles du jeu, mais devrait "partager" ce pouvoir avec Téhéran. C’est ce que Nétanyahou et Barack veulent empêcher à tout prix et non, comme ils l’affirment à l’encan, protéger Israël d’un éventuel blitz nucléaire iranien… La "logique" de la position israélienne s’explique par quatre fondamentaux :

1) Tout problème qui semblerait mettre en question la sécurité d’Israël doit être réglé par la force, que ce soit les roquettes sans valeur militaire du Hamas ou l’arme nucléaire iranienne encore à l’état virtuel.

2) Israël a besoin d’une "menace existentielle" pour quatre raisons : assurer la cohésion nationale derrière le pouvoir menacé ; donner la priorité à la solution militaire sur la solution politique ; s’attirer la solidarité des États-Unis ; faire passer au second plan le règlement de la question palestinienne.

3) Israël, non signataire du Traité de Non-Prolifération, veut garder à tout prix son monopole nucléaire dans la région.

4) Israël ne veut pas d’alter ego palestinien, c’est-à-dire d’un État palestinien souverain à côté de lui. Il veut le monopole de la souveraineté sur l’ensemble de la Palestine.

Ces quatre paramètres sont d’autant plus dangereux qu’ils doivent désormais s’appliquer dans une région en plein bouleversement géostratégique. Le Moyen-Orient est l’épicentre de la transition d’un monde unipolaire vers un monde multipolaire. Et pour ces puissances émergentes au Moyen-Orient, la puissance passe par la possession de l’arme nucléaire.

La question capitale est celle de la sécurité à l’échelle régionale. Elle serait bien plus grande si au Moyen-Orient personne n’avait d’armes nucléaires comme Israël, ni de programme d’enrichissement de l’uranium comme l’Iran. Aujourd’hui, pour éviter la guerre, la diplomatie peut faire beaucoup. Et, dans l’immédiat, il faut garantir à l’Iran qu’il ne subira pas d’attaques externes, rouvrir les relations diplomatiques avec les États-Unis et, surtout, mettre sur la table les armes nucléaires israéliennes.

De tout cela, Obama à son arrivée au pouvoir était conscient. C’est pour cela qu’au moment de la Conférence de suivi du TNP en 2010 il a soutenu la proposition arabe dans la déclaration finale prévoyant la tenue en 2012 d’une conférence internationale pour un Moyen-Orient dénucléarisé. Cet accord, soutenu par l’Iran, a été vite sabordé par Israël qui a annoncé qu’il ne participerait pas à cette conférence qui aurait relancé le dialogue entre États et facilité une négociation régionale pour un règlement politique de la question palestinienne.

Israël maintient son choix d’une possible guerre préventive de type nucléaire contre l’Iran, comme il a choisi d’empêcher par la force les Palestiniens d’avoir leur État. Le refus d’Israël de donner à l’Iran sa garantie de non agression nucléaire n’est que la projection à l’échelle régionale de son refus d’un État palestinien souverain. Ce double refus ouvre, quelle que soit l’issue de l’actuel bras de fer, une nouvelle phase de prolifération nucléaire au Moyen-Orient qui devient la région de plus haute probabilité d’utilisation de l’arme nucléaire depuis la fin de la guerre froide.

Bernard Ravenel historien, spécialiste du Moyen-Orient membre du Comité de rédaction de Damoclès (la lettre de l’Observatoire des armements)

Aujourd’hui, la Maison-Blanche et les responsables militaires américains sont contre une attaque qui aurait maintenant un effet "déstabilisant" mais qui pourrait donc, plus tard, avoir le feu vert… Contraint par une campagne électorale sous pression du puissant lobby pro-israélien, Obama se sent obligé de dire que "toutes les options sont sur la table". Si les Républicains gagnaient la Maison-Blanche en novembre, la guerre serait quasi-certaine.

Le véritable enjeu de ce bras de fer nucléaire est la "parité stratégique", c’est-à-dire un Moyen-Orient dans lequel Israël ne serait plus l’unique État de la région à posséder l’arme nucléaire (acquise avec l’aide de la France et la complicité silencieuse de l’Occident) et à dicter les règles du jeu, mais devrait "partager" ce pouvoir avec Téhéran. C’est ce que Nétanyahou et Barack veulent empêcher à tout prix et non, comme ils l’affirment à l’encan, protéger Israël d’un éventuel blitz nucléaire iranien… La "logique" de la position israélienne s’explique par quatre fondamentaux :

1) Tout problème qui semblerait mettre en question la sécurité d’Israël doit être réglé par la force, que ce soit les roquettes sans valeur militaire du Hamas ou l’arme nucléaire iranienne encore à l’état virtuel.

2) Israël a besoin d’une "menace existentielle" pour quatre raisons : assurer la cohésion nationale derrière le pouvoir menacé ; donner la priorité à la solution militaire sur la solution politique ; s’attirer la solidarité des États-Unis ; faire passer au second plan le règlement de la question palestinienne.

3) Israël, non signataire du Traité de Non-Prolifération, veut garder à tout prix son monopole nucléaire dans la région.

4) Israël ne veut pas d’alter ego palestinien, c’est-à-dire d’un État palestinien souverain à côté de lui. Il veut le monopole de la souveraineté sur l’ensemble de la Palestine.

Ces quatre paramètres sont d’autant plus dangereux qu’ils doivent désormais s’appliquer dans une région en plein bouleversement géostratégique. Le Moyen-Orient est l’épicentre de la transition d’un monde unipolaire vers un monde multipolaire. Et pour ces puissances émergentes au Moyen-Orient, la puissance passe par la possession de l’arme nucléaire.

La question capitale est celle de la sécurité à l’échelle régionale. Elle serait bien plus grande si au Moyen-Orient personne n’avait d’armes nucléaires comme Israël, ni de programme d’enrichissement de l’uranium comme l’Iran. Aujourd’hui, pour éviter la guerre, la diplomatie peut faire beaucoup. Et, dans l’immédiat, il faut garantir à l’Iran qu’il ne subira pas d’attaques externes, rouvrir les relations diplomatiques avec les États-Unis et, surtout, mettre sur la table les armes nucléaires israéliennes.

De tout cela, Obama à son arrivée au pouvoir était conscient. C’est pour cela qu’au moment de la Conférence de suivi du TNP en 2010 il a soutenu la proposition arabe dans la déclaration finale prévoyant la tenue en 2012 d’une conférence internationale pour un Moyen-Orient dénucléarisé. Cet accord, soutenu par l’Iran, a été vite sabordé par Israël qui a annoncé qu’il ne participerait pas à cette conférence qui aurait relancé le dialogue entre États et facilité une négociation régionale pour un règlement politique de la question palestinienne.

Israël maintient son choix d’une possible guerre préventive de type nucléaire contre l’Iran, comme il a choisi d’empêcher par la force les Palestiniens d’avoir leur État. Le refus d’Israël de donner à l’Iran sa garantie de non agression nucléaire n’est que la projection à l’échelle régionale de son refus d’un État palestinien souverain. Ce double refus ouvre, quelle que soit l’issue de l’actuel bras de fer, une nouvelle phase de prolifération nucléaire au Moyen-Orient qui devient la région de plus haute probabilité d’utilisation de l’arme nucléaire depuis la fin de la guerre froide.

Bernard Ravenel historien, spécialiste du Moyen-Orient membre du Comité de rédaction de Damoclès (la lettre de l’Observatoire des armements)



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