15 mai 2024
Le 10 mai 2024, alors que le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Saint-Alban (Rhône-Alpes) est en fonctionnement, une erreur de configuration est commise. En conséquence, trop d’eau part du circuit qui refroidit le cœur du réacteur (le circuit primaire [1]) pour être envoyée dans un autre circuit. EDF entamera bien comme imposé une baisse de puissance de son réacteur nucléaire, mais mettra un peu trop de temps à identifier d’où vient le problème.
Crédit photo : André Paris
Le communiqué de l’industriel ne dit pas combien de temps il aura pris pour régler ce problème qu’il a lui-même causé. Mais plus de 2 heures, le délai maximal qui lui est octroyé par les règles d’exploitation (les consignes qu’il est censé respecter pour faire fonctionner son installation). Le communiqué de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en revanche livrera plus de détails sur l’incident : la vanne a été ouverte à minuit, et ce n’est qu’à 8 heures passées qu’EDF s’apercevra que le débit de fuite du circuit primaire est au-delà du maximum autorisé (230 litres par heure). Et il mettra encore près de 8 heures à rétablir un niveau de fuite "normal" (dans des valeurs autorisées). EDF a donc provoqué une fuite sur son circuit de refroidissement en plein redémarrage du réacteur, durant 15 heures. Une fuite qui dépassait les 230 litres par heures.
Le communiqué de l’industriel ne précise pas à quel point cette "ouverture inopportune d’une vanne" a mis en péril le contrôle du réacteur, EDF s’en tenant à signaler un "débit de transit de l’eau du circuit primaire vers le circuit connexe est supérieur au seuil autorisé". Une formulation lissée pour dire que trop d’eau quittait le circuit de refroidissement et qui n’explique rien des conséquences sur le réacteur.
Lorsque le repli d’un réacteur est engagé, c’est-à-dire qu’on baisse la température et la pression dans le circuit primaire, c’est pour abaisser la puissance de la réaction nucléaire. C’est de début d’un arrêt de réacteur. Et c’est en général une réponse à un problème sérieux, à une mise en jeu de la fonction de refroidissement. Le communiqué de l’industriel ne dit pas si un apport d’eau dans le circuit primaire a été nécessaire suite à cet envoi trop important d’eau de refroidissement vers le circuit de traitement.
Mais malgré le manque de précisions sur le déroulé des faits survenus à Saint-Alban, l’évènement significatif [1] pour la sûreté [2] pointe clairement 2 problèmes distincts : un manque de connaissance et/ou de rigueur dans la configuration des circuits (même quand il s’agit de toucher à des circuits impactant le cœur d’un réacteur nucléaire en fonctionnement), et un manque de surveillance et de réactivité de l’équipe de conduite.
Quand l’exploitant fait des erreurs de configuration et qu’il ne sait pas les identifier rapidement, comment peut-il contrôler son installation ? Comment EDF peut-il piloter un réacteur nucléaire "en toute sûreté" lorsqu’il met lui-même en péril son refroidissement sans s’en rendre compte ? Quand on commet des erreurs et qu’on n’est pas capable de les repérer, c’est qu’on a encore des choses à apprendre et qu’on n’a pas le niveau nécessaire. Mais EDF n’est pas un étudiant, c’est un exploitant nucléaire.
L.B.
Détection tardive du non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles d’exploitation
Publié le 15/05/2024
10/05/2024 – Sur l’unité n°2, en production, un technicien d’exploitation procède à la mise en configuration d’un circuit d’eau (*), connexe au circuit primaire, dans la partie nucléaire de l’installation.
Quelques heures plus tard, les opérateurs en salle de commande constatent que le débit de transit de l’eau du circuit primaire vers ce circuit connexe est supérieur au seuil fixé par les règles d’exploitation.
Conformément aux procédures, les opérations de repli du réacteur ont été engagées. Les investigations ont mis en évidence que ce phénomène était lié à l’ouverture inopportune d’une vanne du circuit connexe. La remise en configuration des circuits a alors été engagée. Cet événement n’a eu aucun impact réel sur la sûreté de l’installation, ni sur l’environnement.
Cependant, compte-tenu de la détection tardive (supérieure à 2 heures) de l’origine de cette non-conformité ayant entrainé un non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles d’exploitation, la centrale a déclaré cet événement à l’Autorité de sûreté nucléaire le 14 mai 2024, au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.
(*) il s’agit du circuit de traitement en continu de l’eau du circuit primaire
Non-respect d’un critère de débit de fuite du circuit primaire principal du réacteur 2 lors des opérations de redémarrage à l’issue de son arrêt programmé pour maintenance
Publié le 29/05/2024
Centrale nucléaire de Saint-Alban Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 14 mai 2024, l’exploitant de la centrale nucléaire de Saint-Alban a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif au non-respect d’un critère de fuite du circuit primaire principal du réacteur 2.
Sur un réacteur à eau sous pression, le refroidissement du combustible est assuré par un circuit primaire fermé contenant de l’eau à pression et température élevées. Des fuites dites « technologiques » sont prévues par conception sur le circuit primaire, notamment au niveau des organes de robinetterie. Elles sont collectées dans des réservoirs ou via les circuits fermés connexes au circuit primaire. Les RGE définissent notamment des critères de débit de fuite du circuit primaire à ne pas dépasser.
Le 10 mai 2024, alors que le réacteur 2 était en cours de redémarrage après son arrêt programmé pour maintenance, le débit de fuite du circuit primaire principal a dépassé le critère maximal de 230 litres par heure fixé par les règles générales d’exploitation (RGE) au cours de la mise en configuration d’un circuit d’eau connexe au circuit primaire, dans la partie nucléaire de l’installation, réalisée vers minuit.
L’équipe de conduite a identifié le dépassement du critère de débit de fuite vers 8h15 et a engagé des investigations pour en déterminer l’origine et rétablir une situation conforme aux RGE. L’équipe de quart a finalement isolé la ligne du circuit connexe au circuit primaire, où un robinet avait été ouvert par erreur. Le débit de fuite primaire est redevenu conforme aux RGE vers 15h.
La fuite d’eau primaire étant dirigée vers un circuit connexe, l’événement n’a pas eu de conséquence sur l’installation, le personnel ou sur l’environnement.
En raison de dépassement de l’un des critères de débit de fuite primaire définis dans les RGE, pendant une quinzaine d’heures, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.
[1] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[2] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire