18 juin 2021
Un des groupes électrogène du site nucléaire de Paluel (Normandie), servant de source électrique de secours au réacteur 1, a eu des problèmes de fuites de liquide de refroidissement. Ces moteurs diesels sont censés pouvoir alimenter les systèmes les plus importants du réacteur en cas de coupure de courant. Mais en fonctionnant, ils chauffent et ont donc besoin d’être refroidis. Une fuite de liquide de refroidissement a bien été remarquée début juin 2021 par les équipes de Paluel.
Mais ce moteur n’était pas nécessaire à ce moment là, un autre diesel pouvant prendre le relai en cas de coupure de courant. Les équipes d’EDF ont donc laissé couler. Alors que 4 jours plus tard, ce même moteur devait être en état de fonctionner : des travaux sont prévus sur l’autre, qui ne pourra alors plus fournir d’électricité au réacteur 1 en cas de besoin. Or il doit toujours y avoir au moins un des deux moteurs diesels en état de fonctionner.
Quatre jours après la détection de la fuite du liquide de refroidissement, celle-ci ne va pas mieux : le niveau a encore baissé. EDF attend encore avant de réparer. Pourquoi ? On ne sait pas. Par économies ? Par espoir d’une auto-guerrison ? Quoiqu’il en soit, et ça EDF le savait : à partir de ce jour là, ce moteur diesel est requis, les règles exigent qu’il soit en état de marche. Mais sera-t-il testé ? Non.
Encore quatre jours passent. Cette fois, il reste moins d’un tiers du liquide de refroidissement dans le réservoir du groupe électrogène. Les équipes d’EDF tenteront de le démarrer le lendemain : échec. Le diesel ne fonctionne pas. Or c’est le seul des 2 qui est censé être en état de marche. Les règles d’exploitation imposent qu’il soit réparé en 24 heures. Ce qu’EDF n’arrivera pas à faire. C’est finalement 12 jours après la détection de la fuite que le groupe électrogène de secours pourra re-marcher. Sur ces 12 journées, le diesel était censé être en état de fonctionner durant les 8 derniers jours. EDF a laissé son réacteur 1 sans groupe électrogène de secours, du 9 au 17 juin 2021, alors que l’industriel avait détecté le problème de fuite. Mais il a laissé couler. L’exploitant nucléaire a attendu que le réservoir ai perdu les 2/3 de son contenu pour tester son équipent et se rendre compte, au dernier moment, qu’il ne pouvait pas fonctionner dans cet état.
Ces faits sont significatifs pour la sûreté de l’installation, car même si une turbine à combustion et un autre moteur diesel, dit d’ultime secours, étaient censés pouvoir fournir de l’électricité, il n’en reste pas moins qu’EDF a sciemment laissé se dégrader un équipement de secours important pour la sûreté. Un équipement dont il savait le fonctionnement remis en question par une fuite de liquide de refroidissement. Un équipement dont le bon fonctionnement était, à ce moment là, exigé par les règles censées régir l’exploitation de l’installation nucléaire.
Car dans le règlement, il est prévu que les énergies fossiles viennent au secours du nucléaire, question de sûreté. Encore faut-il qu’EDF entretienne suffisamment ses groupes électrogènes. Quand à la perte de liquide de refroidissement, l’histoire ne dit pas combien de litres l’industriel a laissé fuiter dans la nature. Le site nucléaire normand n’en est pas à son galop d’essai, il est malheureusement coutumier des fuites de liquides frigorigènes. Des liquides qui, rappelons-le, se transforment en de puissants gaz à effet de serre lorsqu’ils sont libérés dans l’atmosphère. Dont le pouvoir réchauffant est pour certains bien plus important que le CO2.
Au delà du laisser-aller manifeste sur le site nucléaire de Paluel, au-delà des incidents qui s’y cumulent récemment (voir à droite de cet article pour une revue des plus récents), cette nouvelle déclaration apporte une fois de plus des éléments démontrant que non, décidément non, ce n’est ni le nucléaire ni EDF qui pourrons sauver le climat.
L.B.
Indisponibilité d’un groupe électrogène de secours requis
Evénement sûreté
Publié le 18/06/2021
Le 5 juin 2021, l’unité de production n°1 est à l’arrêt pour visite partielle. L’unité, dont le combustible est complètement déchargé, requiert la disponibilité d’un des deux groupes électrogènes de secours [1]. A cette date, le groupe électrogène de la voie A est requis et disponible. Le groupe électrogène de la voie B n’est pas requis. Les équipes constatent une perte de liquide de refroidissement de son réservoir, dont le niveau de remplissage s’élève à 81%.
Le 9 juin 2021, les travaux de maintenance programmés pendant la visite partielle se poursuivent sur la voie A. C’est à présent le groupe électrogène de la voie B qui est requis et doit être disponible. Le niveau du réservoir de liquide de refroidissement du même groupe est mesuré à 69%.
Le 13 juin 2021, une nouvelle mesure indique que le niveau du réservoir est établit à 31%.
Le 14 juin à 20h, après caractérisation de l’événement et un essai de démarrage non satisfaisant vis-à-vis du réservoir de réfrigération, le groupe électrogène de la voie B est déclaré indisponible. Dans ce cas, les règles générales d’exploitation [2] demandent une intervention sous 24h. Les opérations de réparation sont immédiatement engagées et des mesures compensatoires sont mises en place. Le 15 juin 2021 à 20h, les opérations de réparation sont toujours en cours et ne permettent pas de respecter le délai prescrit.
Le groupe électrogène de la voie B est à nouveau disponible le 17 juin à 1h49. D’autres sources électriques de secours sont restées disponibles durant l’événement : la turbine à combustion du site [3] et le diesel d’ultime secours [4] de l’unité n°1. Cependant, l’indisponibilité prolongée d’un groupe électrogène requis constitue un non-respect des règles générales d’exploitation. Cet événement a été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), au niveau 1 de l’échelle INES le 17 juin 2021.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation
Publié le 29/06/2021
Centrale nucléaire de Paluel - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 17 juin 2021, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 1 concernant la durée d’indisponibilité des sources d’alimentation électrique de secours.
Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment les délais maximums de réparation en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.
Chaque réacteur à eau sous pression est équipé de deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel qui peuvent assurer, de façon redondante, l’alimentation électrique de certains systèmes de sûreté en cas de défaillance des alimentations électriques externes du site. La centrale nucléaire de Paluel dispose également d’une turbine à combustion qui permet de pallier l’indisponibilité d’un groupe électrogène de secours.
Dans la nuit du 14 au 15 juin, alors que le réacteur 1 de Paluel était en arrêt pour maintenance, l’exploitant a constaté une fuite de liquide de refroidissement sur l’un des deux générateurs de secours à moteur diesel. EDF a alors considéré que cette fuite pouvait remettre en cause la capacité de ce matériel à assurer sa fonction. De plus, le second groupe électrogène de secours redondant était indisponible en raison d’une opération de maintenance programmée. Dans cette situation, les règles générales d’exploitation imposent de remettre en fonctionnement l’un des deux groupes électrogènes sous 24 heures.
Les opérations de réparation n’ont pas permis de respecter ce délai, les deux groupes électrogènes étant restés indisponibles pendant 54 heures. A titre de mesures compensatoires, EDF avait néanmoins connecté la turbine à combustion du site en substitution d’un groupe électrogène de secours.
Cet évènement n’a pas eu de conséquence pour les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison de l’indisponibilité prolongée d’un matériel de secours, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (Échelle internationale des événements nucléaires).
L’ASN considère que les mesures compensatoires mises en œuvre par EDF pour pallier l’indisponibilité de ces matériels ont été satisfaisantes. L’analyse de cet évènement devra néanmoins s’attacher à comprendre l’origine de la fuite et définir des actions correctives visant à éviter le renouvellement de cet écart.
[1] Chaque centrale nucléaire est équipée de deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel, chacun situé sur deux voies distinctes. En cas de perte des deux sources électriques externes, ces groupes permettent d’alimenter en électricité et assurer le fonctionnement des systèmes de sauvegarde qui seraient mis en œuvre en cas d’accident.
[2] Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’Autorité de sûreté nucléaire qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées.
[3] Commune à l’ensemble des quatre unités de production du site, la turbine à combustion (TAC) peut être raccordée électriquement au tableau électrique de chaque réacteur.
[4] Construits dans le cadre du déploiement du programme post-Fukushima, les diesels d’ultime secours (DUS) permettent de disposer d’une alimentation électrique supplémentaire en cas de défaillance des quatre alimentations électriques externes et internes déjà existantes sur chaque réacteur.