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Des accidents nucléaires partout

France : Paluel : Difficultés de refroidissement lors de l’arrêt du réacteur 4

La température du circuit primaire trop basse durant 2 heures




31 mars 2022


L’arrêt du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Paluel (Normandie) le 26 mars 2022 ne s’est pas fait sans difficultés. EDF n’a pas réussi à conduire le réacteur dans les plages autorisées de température du circuit primaire [1].


La température de ce circuit qui refroidit le combustible contenu dans la cuve est passée sous le seuil minimal des 295°C. Il est pourtant crucial de respecter les plages de valeurs autorisées pour la température car elles interagissent avec la pression, autre critère fondamental pour le maintient du refroidissement par le circuit primaire. EDF n’a réussi à remonter à la température limite qu’au bout de 2 heures. Malgré une mise en jeu de la sûreté lors de cette phase d’arrêt, l’industriel n’explique rien sur l’origine de la sortie du domaine de fonctionnement autorisé.

Ce que dit EDF :

Sortie du domaine de fonctionnement autorisé du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Paluel

Publié le 31/03/2022

Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles précisent notamment, pour chaque état du réacteur, les limites minimales et maximales autorisées pour la température de l’eau du circuit primaire du réacteur.

Le samedi 26 mars 2022 à 2h50, la puissance du réacteur de l’unité de production n°4 de la centrale nucléaire de Paluel est baissée progressivement, son refroidissement est initié et l’injection de bore [2] dans l’eau du circuit primaire est engagée, afin de réaliser sa mise à l’arrêt pour maintenance programmée.

Lors de ces phases dites transitoires, les opérateurs de conduite doivent s’assurer que les paramètres physiques du réacteur (température et pression) sont conformes au domaine autorisé par les règles générales d’exploitation.

A 3h01, alors que la puissance du réacteur passe sous les 2%, l’équipe de conduite procède à l’insertion des grappes de commandes [3] pour converger le réacteur et le stabiliser à l’arrêt.

A 3h11, la température moyenne du circuit primaire est inférieure à 295°C, valeur limite autorisée par les règles générales d’exploitation. L’équipe de conduite engage les actions nécessaires, afin de rétablir la température du circuit primaire dans le domaine de fonctionnement autorisé. Celle-ci est atteinte à 5h01.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, toutefois, il a affecté la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur, qui est restée disponible.

En raison de la sortie du domaine d’exploitation autorisé, qui constitue un non-respect des règles générales d’exploitation, la direction de la centrale nucléaire de Paluel a déclaré le 29 mars 2022 un événement significatif relatif à la sûreté à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) au niveau 1 de l’échelle INES.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-paluel/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-paluel/sortie-du-domaine-de-fonctionnement-autorise-du-reacteur-4-de-la-centrale-nucleaire-de-paluel


Ce que dit l’ASN :

Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation

Publié le 15/04/2022

Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 29 mars 2022, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 4 concernant une concentration en bore du circuit primaire inférieure à la concentration requise.

Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles précisent notamment les concentrations minimales en bore dans le circuit primaire selon les différents états du réacteur.

Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile.

Le 26 mars 2022, dans le cadre des opérations de mise à l’arrêt du réacteur pour maintenance programmée, l’exploitant a procédé à la baisse progressive de la puissance du réacteur. Alors que le réacteur se trouvait à huit pour cent de la puissance nominale, l’exploitant a lancé une opération d’injection d’eau borée dans le circuit primaire afin de stopper la réaction nucléaire et d’arrêter le réacteur. Cette opération n’a pas été maîtrisée, ce qui a conduit à ce que la concentration en bore du circuit primaire soit, durant une heure et dix-neuf minutes, inférieure à celle requise par les règles générales d’exploitation dans l’état d’arrêt normal sur générateurs de vapeur.

Cet évènement n’a pas eu de conséquence pour les personnes et l’environnement. Néanmoins, il a affecté la fonction de sûreté liée à la réactivité du réacteur et a été classé au niveau 1 de l’échelle internationale des événements nucléaires INES.

Le réacteur 4 a retrouvé la plage de fonctionnement autorisée au bout d’une heure et dix-neuf minutes, à la suite d’actions de pilotage du réacteur engagées par l’équipe de conduite.

L’ASN a procédé à une inspection réactive le 7 avril 2022 afin de contrôler les premières analyses sur les causes de l’évènement ainsi que les dispositions mises en œuvre pour son traitement. Les inspecteurs ont notamment relevé que des actions réactives de formation avaient été mises en place à destination des équipes de conduite.

L’exploitant doit désormais transmettre à l’ASN, sous deux mois, une analyse détaillée des causes humaines et organisationnelles de cet évènement, et des actions correctives qu’il sera amené à mettre en œuvre.

En savoir plus :

Inspection du 07/04/2022 - Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF :

Inspection suite évènement significatif du 26 mars 2022-R4 INSSN-CAE-2022-0213.pdf (PDF - 129.58 Ko )

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-de-la-conduite-a-tenir-prevue-par-les-regles-generales-d-exploitation4


[1Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire

[2Dans une centrale nucléaire, le bore est un élément chimique qui absorbe les neutrons et permet de freiner ou arrêter la réaction en chaîne.

[3Pour le pilotage du réacteur, des grappes de commandes, constituées d’un matériau absorbant fortement les neutrons, insérées plus ou moins profondément dans le cœur du réacteur, permettent de contrôler la réaction en chaîne (réglage de la puissance pour répondre aux besoins du réseau électrique) ou de la stopper (arrêt du réacteur par chute des grappes).


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Installation(s) concernée(s)

Paluel

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