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Des accidents nucléaires partout

France : Paluel : Des mesures faites mais pas analysées, la protection du réacteur diminuée

Quand les défauts d’organisation bloquent la détection de défaillances matérielles




3 novembre 2022


Il s’agissait juste de faire un bilan et un essai périodique, des procédures répétées couramment. Mais encore faut-il en analyser les résultats, et le faire correctement. Parce que les vérifications entamées n’ont pas été menées à terme, EDF a laissé hors-service un élément du système de protection du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Paluel (Normandie) presque 3 fois plus longtemps que le délai maximal autorisé par les règles de sûreté.


Le 20 octobre 2022, le réacteur 2 de Paluel fonctionne : la réaction nucléaire est lancée, il produit de l’électricité. À l’occasion d’un test pour réaliser un bilan thermique, des relevées de mesures sont fait sur plusieurs équipements du système de protection du réacteur, dont plusieurs capteurs. C’est ce système qui détecte les situations anormales, déclenche les arrêts d’urgence et active les circuits de secours en cas de besoin. On saisi donc toute l’importance du bon fonctionnement de tous les éléments le composant.

Pour autant, EDF ne s’est pas pressé pour regarder les résultats de ses relevés. Les mesures effectuées durant l’essai ont commencé à être analysées le jour même, mais l’activité a été interrompue - sans qu’on sache pourquoi. Et n’a pas été reprise. EDF n’a donc pas vu qu’un des capteurs ne fonctionnait plus. Les règles de l’Autorité de sûreté nucléaire imposent pourtant une réparation en moins de 3 jours dans ces cas là (réacteur en fonctionnement).
Ce n’est que le 28 octobre, 8 jours après le relevé de mesures, que l’industriel a enfin identifié le dysfonctionnement du système de protection de son réacteur. Une détection "tardive" et une enfreinte aux règles d’exploitation qui a valu à l’exploitant une déclaration d’incident significatif [1] pour la sûreté [2] . Mais surtout, ce que donne à voir cet incident ce sont des activités segmentées, déconnectées les unes des autres. Une organisation structurelle qui a des conséquences directes sur les opérateurs : elle induit une perte de la vue d’ensemble du procédé, de son sens, de sa finalité. En compartimentant, en cloisonnant, EDF ne favorise ni la compréhension, ni la réflexion, ni l’esprit d’analyse de ses intervenant.es. Effectuer des relevés de mesures c’est bien, mais regarder les résultats et les interpréter c’est mieux. Sinon, à quoi bon les effectuer, ces relevés ? Chez EDF, il aura fallu une semaine pour se poser la question et réaliser que l’activité n’avait été terminée.

La mauvaise organisation de l’exploitant nucléaire l’a empêché de voir les dysfonctionnements de matériels importants pour la sûreté de fonctionnement de son installation nucléaire. Et incite les travailleur.es à ne pas trop se poser de question. Or, comme pour la santé, diagnostiquer au plus tôt les problèmes permet de mettre en place un traitement pour les résoudre au plus vite. Et ainsi de limiter les risques et les dégâts. Manifestement, EDF ne fait pas preuve de rigueur dans le suivi des indicateurs de santé de ses systèmes, même quand il s’agit des équipements les plus importants, ceux qui sont là pour protéger son installation, ses travailleur.ses, l’environnement et la population d’un accident nucléaire majeur.

Ce que dit EDF :

Détection tardive de l’indisponibilité d’un capteur de pression sur l’unité de production n°2

Publié le 03/11/2022

Evénement sûreté

Le 20 octobre, dans l’après-midi, un essai périodique est réalisé sur les quatre capteurs d’un matériel situé dans la salle des machines, dans la partie non nucléaire de l’unité de production n°2 en fonctionnement. Ces capteurs permettent de mesurer la pression de la vapeur fournie à la turbine.

A l’issue de l’essai périodique, les valeurs relevées sont considérées comme conformes par les intervenants.

Le 26 octobre, après contrôle du dossier, un doute sur le bon fonctionnement d’un des quatre capteur est émis.

Le salarié informe le Chef d’exploitation qui considère le capteur comme indisponible dans l’attente de réaliser de nouveaux relevés.

Le 27 octobre, l’indisponibilité du capteur est confirmée, ce qui constitue un écart aux règles générales d’exploitation (RGE) de la centrale. Le recalibrage du capteur est immédiatement réalisé.

Cet événement n’a eu aucun impact réel sur la sûreté des installations, ni sur l’environnement. Cependant, la détection tardive de l’indisponibilité d’un des quatre capteurs de pression a été déclaré le 31 octobre par la direction de la centrale nucléaire de Paluel à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme événement significatif relatif à la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-paluel/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-paluel/detection-tardive-de-lindisponibilite-dun-capteur-de-pression-sur-lunite-de-production-ndeg2


Ce que dit l’ASN :

Dépassement du délai de réparation autorisé d’un capteur de pression participant au système de protection du réacteur

Publié le 10/11/2022

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Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 31 octobre 2022, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au dépassement du délai de réparation autorisé par les règles générales d’exploitation d’un capteur de pression participant au système de protection du réacteur 2.

Le système de protection du réacteur (RPR) a pour principales fonctions la détection de situations anormales, l’arrêt automatique du réacteur et le déclenchement des systèmes de sauvegarde appropriés en situation accidentelle. Afin de recaler périodiquement les dispositifs de mesure de la puissance du réacteur, un bilan thermique du réacteur est réalisé en mesurant, entre autres, certains paramètres physiques à l’entrée et à la sortie des générateurs de vapeur.

Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées. Elles définissent la conduite à tenir en cas d’indisponibilité d’un équipement contribuant à la sûreté du réacteur.

Le 20 octobre 2022, alors que le réacteur 2 était en fonctionnement, un essai périodique a été réalisé afin d’établir le bilan thermique du réacteur. Cet essai a notamment conduit à relever sur quatre capteurs la valeur de pression de la vapeur fournie à la turbine. Le jour même, un contrôle interne permettant de s’assurer de la conformité de l’essai a été initié mais n’a pas été mené à son terme.

Le 26 octobre 2022, la finalisation du contrôle interne du dossier de réalisation de l’essai périodique a conduit à émettre un doute sur la disponibilité de l’un des capteurs de pression. L’exploitant a alors décidé de réaliser de nouveaux relevés pour s’en assurer.

Le 27 octobre 2022, l’analyse des relevés complémentaires a montré que le capteur était indisponible et l’exploitant a engagé des actions de recalibrage.

La disponibilité du capteur de pression ayant été retrouvée le 28 octobre 2022, le capteur a été indisponible pendant huit jours. EDF n’a pas donc respecté la règle définie dans les RGE qui impose une réparation sous trois jours.

Cet évènement n’a pas eu de conséquence pour les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison de sa détection tardive, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES).

L’analyse de cet événement devra s’attacher à en comprendre l’origine exacte, ainsi que les raisons notamment organisationnelles qui ont conduit au délai d’identification de l’indisponibilité du capteur de pression. Elle devra également définir des actions correctives visant à éviter le renouvellement de cet écart.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/depassement-du-delai-de-reparation-autorise-d-un-capteur-de-pression


[1Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif

[2La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


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Installation(s) concernée(s)

Paluel

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146