9 août 2021
Parce que l’exploitant de la centrale nucléaire de Gravelines n’est pas suffisamment organisé et n’a pas assez anticipé, il a violé les règles qui régissent le fonctionnement de son installation nucléaire.
Grappe de commande [1] bloquée en position haute d’un côté, essai réglementaire d’une chaîne de mesure neutronique [2] qui arrive en fin de validité de l’autre, EDF a dû choisir. Et l’industriel a choisi de mettre hors service une partie du système de qui surveille l’activité dans la cuve et la puissance de la réaction nucléaire de son réacteur 4 pour réaliser l’essai obligatoire avant échéance. Les règles d’exploitation, validées par l’Autorité de sûreté, l’interdisaient pourtant formellement puisqu’une grappe de commande était bloquée. Un dispositif de moins pour stopper la réaction nucléaire, et non des moindres. Dans ce cas là, tout ce qui permet de surveiller l’activité dans la cuve doit être pleinement fonctionnel et les alarmes associées à ces outils de surveillance doivent pouvoir signaler un problème. Sauf qu’EDF a choisi de réaliser son essai. Et pour ça il a fallu mettre hors d’usage une partie de ce système de surveillance et les alarmes qui lui sont raccordées.
Mauvaise organisation de l’exploitant, panne matérielle et méconnaissance des règles élémentaires, EDF a déclaré le 6 août 2021 un évènement significatif pour la sûreté. Le troisième en 2 semaines. Cette violation des règles d’exploitation a été précédée d’une erreur répétée avec pour conséquence un confinement incomplet du réacteur 4 (avec risque de dispersion de la radioactivité à l’extérieur), et d’un autre problème d’organisation qui n’a laissé qu’une seule pompe à ce même réacteur 4 pour assurer son refroidissement.
Deux conclusions émanent de cet enchaînement d’incidents significatifs pour la sûreté : EDF a manifestement bien du mal à gérer son site nucléaire de Gravelines et semble dépassé ; et un réacteur arrêté n’est clairement pas exempt de dangers.
L.B.
Evénement sûreté
Déclaration d’un événement significatif de sûreté de niveau 1 relatif au non-respect d’une prescription particulière
Publié le 09/08/2021
Le 4 août 2021, l’unité de production n°4 est à l’arrêt pour renouvellement du combustible. Une prescription particulière, relative à la position des barres de régulation de la puissance du réacteur, est en vigueur. Elle prévoit notamment que l’instrumentation de mesure de la puissance neutronique du réacteur soit toujours disponible.
Un essai périodique permettant de s’assurer du bon fonctionnement du matériel est réalisé sur une de ces chaînes de mesure. Pour les besoins de l’essai et durant sa réalisation, cet équipement est considéré comme indisponible. L’essai est réalisé. Il s’avère satisfaisant et le système d’instrumentation est à nouveau disponible.
L’analyse réalisée a posteriori de l’activité met en évidence le non-respect de la prescription particulière relative à la position dans laquelle se trouvaient les barres de régulation de la puissance du réacteur au moment de l’essai.
Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations ni sur l’environnement car une instrumentation redondante et son alarme associée étaient en fonctionnement durant toute la durée de cet essai.
En raison du non-respect de la prescription particulière, la direction de la centrale nucléaire de Gravelines a déclaré un événement significatif sûreté à l’Autorité de sûreté nucléaire le 6 août 2021, au niveau 1 de l’échelle INES, graduée de 1 à 7.
Non-respect des règles générales d’exploitation
Publié le 10/08/2021
Centrale nucléaire de Gravelines - Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 6 août 2021, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect des règles générales d’exploitation concernant l’indisponibilité d’un des deux systèmes de mesure de la puissance nucléaire du réacteur 4.
Le système de mesure de la puissance nucléaire (RPN) permet d’assurer la surveillance permanente de la puissance du réacteur. Cette surveillance, qui consiste à mesurer le flux de neutrons, est effectuée par l’intermédiaire de détecteurs disposés à l’extérieur de la cuve. Les grappes de commande permettent de contrôler la réaction nucléaire en s’insérant ou en s’extrayant du combustible contenu dans la cuve du réacteur.
Le 3 août 2021, le réacteur 4 est à l’arrêt pour maintenance et rechargement en combustible. Au cours d’une manœuvre d’exploitation, une grappe de commande reste bloquée en position haute. Dans ces conditions, les règles générales d’exploitation demandent notamment que tous les systèmes de mesure du flux neutronique soient disponibles.
Le 4 août 2021, à la suite d’une analyse montrant que l’essai périodique de l’une des deux chaines de mesure du flux neutronique arrive en fin de validité, EDF décide de la recontrôler pendant l’arrêt du réacteur. Pour cela, il est nécessaire de générer l’indisponibilité de cette chaine de mesure et de l’alarme associée. L’essai est réalisé et les résultats sont conformes aux valeurs attendues.
Par la suite, un ingénieur sûreté constate que les règles générales d’exploitation n’ont pas été respectées du fait que la chaine de mesure et l’alarme associée ont été rendues indisponibles lors de la réalisation de l’essai périodique. Toutefois, la deuxième chaine de mesure et l’alarme associée sont restées disponibles durant l’essai et une augmentation éventuelle de la puissance du réacteur aurait pu être détectée.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, en raison du non-respect des règles générales d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
[1] Grappes de commande Pour contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur, l’exploitant dispose de deux moyens principaux : - ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire, le bore ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire, - introduire les grappes de commande dans le cœur ou les en retirer, ces grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons. II convient, en marche normale du réacteur, de maintenir certaines grappes à un niveau suffisant, fixé par les spécifications techniques, d’une part pour que leur chute puisse étouffer efficacement la réaction nucléaire en cas d’arrêt d’urgence, d’autre part pour assurer une bonne répartition du flux de neutrons. https://www.asn.fr/Lexique/G/Grappes-de-commande
[2] Neutronique : cheminement des neutrons dans les milieux fissiles et non fissiles et des réactions qu’ils induisent dans la matière, en particulier dans les réacteurs nucléaires sous l’angle de leur multiplication, de l’établissement et du contrôle de la réaction en chaîne. La réaction en chaîne est une suite de fissions nucléaires au cours desquelles les neutrons libérés provoquent de nouvelles fissions, à leur tour génératrices de neutrons expulsés vers des noyaux cibles, etc. https://www.asn.fr/Lexique/N/Neutronique